M : | Montesquieu 1726/1727-1755. |
D : | Bottereau-Duval 1718-1731. |
E : | 1734-1739. |
U : | 1739. |
H : | 1741-1742. |
J : | 1742. |
K : | 1742-1743. |
F : | 1743. |
I : | 1743. |
L : | 1743-1744. |
O : | 1745-1747. |
P : | Damours 1748-1750. |
Q : | 1750-1751. |
R : | Saint-Marc 1751-1754. |
S : | 1754-1755. |
V : | 1754. |
JB : | Jean-Baptiste Secondat ?-1795. |
T : | écriture des manchettes 1828-1835 |
M : | Montesquieu. |
D : | Bottereau-Duval_1721-1731. |
H : | 1741-1742. |
P : | Damours_1748-1750. |
E : | 1734-1739. |
L : | 1742-1744. |
O : | 1745-1747. |
T : |
écriture des manchettes |
JB : | Jean-Baptiste_Secondat. |
J : | 1742. |
K : | 1742-1743. |
F : | 1743. |
E2 : | |
I : | 1743. |
R : | Saint-Marc_1751-1754. |
Pensées, volume II
1601 {f.457r} Refflections sur les premieres S[1] histoires :
[Passage à la main P]
Histoire Vous vous rapellés toujours l’idée d’un berger qui vivoit seul dans un desert avec ses troupeaux[2] et de qui l’on diroit qu’il auroit invanté une bergerie pour les retirer, de faire secher de l’herbe, et de la serrer pour les nourrir l’hiver, de tondre la laine qui les incommodoit : c’est ainsi qu’on nous reppresente les peuples comme des betes, pendant que les princes jouisoient seuls des lumieres de la raison.
Isis enseigne aux Egiptiens a coudre, a filer, a semer a cuire le pain[3] on trouve d’aussi fins inventeurs dans les autres pays, un roy de Macedoine
Le Sincelle[4] raporte ce fait Cela est conforme a ce que dit Diodore de Sicile liv 5. chap 15 :
{f.457v} Quand les roys eurent donnés ces inventions vulgaïres ils s’attacherent a des recherches plus relevées, ils devinrent excelens medecins, bons astronomes, parfaits mechanisiens tout ce qui se decouvrit fut sur leur compte ; dans ces tems la ils ne levoient de tributs que sur les scavans.
Quand je songe que nous ne sçavons pas au juste qui est celuy qui à trouvé la boussole, la poudre, l’imprimerie, ces choses si utilles ou si nuisibles, ces choses encore qui sont presque de nos jours, et sous nos yeux, que puis je penser de ceux qui se fatiguent a chercher dans les tems les plus reculés et les plus obscurs le nom de ceux qui ont decouvert les choses les plus vulgaires.
Comment ne voit on pas que les arts les plus communs n’ont eu que des progres insensibles et que chaque inventeur a du toujours etre perdu dans le grand nombre de ceux qui ont ajouté à son inventio invention[7].
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Passage de la main M à la main P |
1602 Les premiers heros etoient bien faisans, ils protegeoient les voiageurs purg[e]oient la terre de monstres, entreprenoient des ouvrages utiles : tels furent Hercule et Thessée[1].
{f.458r} Dans la suite ils furent seulement courageux, comme Achile, Ajax, Diomede.
Enfin ils devinrent amoureux comme ceux des romans.
A present je ne sçais ce qu’ils sont, ils ne sont plus sujets aux caprices de la fortune ; on fait valoir un empire comme un fermier fait valoir sa terre : on en tire le plus qu’on peut : si l’on fait la guerre elle se fait par commission, et seulement pour avoir des terres qui donnent des subsides ; ce qu’on appelloit autrefois gloire, lauriers, trophées, triomphes, couronnes est aujourd’huy de l’argent comptant.
Argent comptant |
Main principale P |
1603 Les premieres histoires sont celles des dieux[1], ces dieux se changent en heros a mesure que les tems deviennent moins grossiers, ces heros n’ont pour enfans que des hommes parce que le monde commance à devenir plus eclairé, et que l’on voit les enfans de plus pres que les peres.
Les mysthologistes[2] embarassés à debrouiller l’histoire et la generation des dieux firent deux sectes differentes, les uns {f.458v} distinguoient et multiplioient les divinitées, tels étoient les pöetes et les scholiastes ; les autres plus subtils vouloient tout simplifier, tout reduire, tout confondre ; de ce nombre etoient les philosophes.
Mais il faut avouer qu’il y avoit bien peu de philosophie a se charger du penible employ de mettre la superstition en sistheme, et de ranger ce qui etoit sans cesse brouillé par les ecarts des poëtes, les phantaisies des peintres, l’avarice des prêtres et la prodigieuse fecondité des superstitieux.
Ce n’etoit pas la seule branche de ce proces immortel, les uns plus grossiers vouloient tout entendre à la lettre ; les autres plus spirituels ne trouvoient que des allegories, et raportoient tout a la morale, et a la phisique.
Les philosophes révoltés vouloient restraindre ce prodigieux nombre de divinitées qui avoient passé jusqu’aux noms abstraits des substances ; mais quelle grande difference y avoit il entre eux, qui annimoient toute la nature, et les theologiens qui la divinisoient toute entiere.
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Main principale P |
1604 Ce qui frape le plus chez les anciens auteurs c’est que leurs episodes se resemblent presque toutes, c’est ou un prince qui {f.459r} à inventé quelque art, un autre qui à consulté un oracle ; un autre qui va chercher sa fille, sa femme ou sa soeur qu’on luy à enlevée un dernier enfin qui a dompté quelque monstre ; toujours les mêmes avantures qui reviennent sous des noms differents.
Le pays de Grece qui etoit le theatre d’une bonne partie des anciennes histoires qui nous restent s’etant partagé en un nombre infini de petites isles, ceux qui les premiers les peuplerent, ne l’habiterent pas en peuple c’etoit des avanturiers qui passoient les mers et s’etablissoient dans ces isles desertes. Chacun venoit avec son oracle, methode sans doute aziatique et choisisoit l’endroit qui luy convenoit, et comme de pareils avanturiers n’amenoient guêres de feammes il falloit bien en elever enlever dans cette premiere vertu, dans ces siecles plus voisins de l’inocence ces heros prenoient ces fammes farouches comme on prend a present des villes.
Les enlevemens etoient si communs en Grece qu’avant que Paris n’eut enlevé Hle Helene la Grece etoit deja engagée par serment de faire la guerre à celuy qui oseroit l’enlever.
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Main principale P |
1605
{f.459v}
Ancienne philosophie Tout rouloit sur trois ou quatre questions
Quel étoit le souverain bien.
Quel etoit le principe des choses, ou le feu, ou l’eau, ou les nombres.
Si l’ame etoit immortelle.
Si les dieux gouvernoient l’univers.
Celuy qui s’etoit determiné sur quelqu’une de ces questions etoit d’abord philosophe pour peu qu’il eut de barbe.
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Main principale P |
1601 |
n1. |
« S » sans doute pour Siècles, remplacés par histoires. Sur l’ensemble nº 1601-1608, voir nº 112, note 2. Cet ensemble doit être rapproché du manuscrit 2519 conservé à Bordeaux (publié dans LP, p. 594-597 ; Masson, t. II, p. 670-673 ; Pensées, Spicilège, L. Desgraves (éd.), Paris, R. Laffont, 1991, nº 2252-2253), comme du contenu des lettres du Fantasque du 21 juin 1745 (voir ci-après), addition aux Lettres persanes ; cette réflexion aurait d’abord été envisagée dans le prolongement de ce roman (LP, introduction, p. 593). |
1601 |
n2. |
Voir nº 1006. |
1601 |
n3. |
La tradition de l’invention du filage du lin et du chanvre par la déesse est rapportée par Lenglet Du Fresnoy dans son Abrégé de l’Histoire d’Égypte de l’édition de 1729 de sa Méthode pour étudier l’histoire [1713] (Paris, P. Gandouin, 1735 [texte identique à celui de 1729], t. I, p. 184), celle de la découverte de l’usage du froment et de l’orge par Diodore de Sicile (I, 14). |
1601 |
n4. |
Georges le Moine, dit le Syncelle, chroniqueur byzantin (env. VIIIe-IXe siècles), auteur de la Chronographia ab Adamo usque ad Diocletianum, version grec-latin, J. Goar (éd.), Paris, Imprimerie royale, 1652 ; voir nº 142. |
1601 |
n5. |
Hérodote attribue cette invention à Phidon, tyran d’Argos (VI, 127) ; Flavius Josèphe à Caïn (Antiquités juives, I, 2, 2) ; Diodore de Sicile au dieu Mercure (V, 75). |
1601 |
n6. |
Diodore de Sicile, V, 67. Le même Diodore, dans le passage signalé en note (V, 15), fait référence à Iolaüs, fils d’Hercule, qui construisit « des gymnases, des temples et exécuta d’autres travaux utiles » pour les colons qu’il installa en Sardaigne. Tout le livre I consacré à l’Égypte se réfère aux récits étiologiques des « inventions » (langage, cultures, etc.) qui font des dieux, héros et rois des bienfaiteurs de l’humanité. |
1601 |
n7. |
Sur le thème de l’invention, voir nº 77, 196 et l’échange épistolaire avec Jean-Jacques Bel de 1726 (lettres 253 et 254, Correspondance I, p. 288-293). |
1602 |
n1. |
Cet article copié entre 1748 et 1750 reprend la lettre [6] parue dans Le Fantasque du 21 juin 1745 (LP, p. 588-589). Cf. nº 34. |
1602 |
n2. |
Cf. nº 34. |
1603 |
n1. |
Pour l’ensemble de cet article, voir BM Bordeaux, ms 2519, reproduit dans LP, p. 596, l. 74-104. |
1603 |
n2. |
Lire : mythologistes. |