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Pensées 143 à 147

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

143

J’ai

Inés de Castro

entendu la premiere representation de la tragedie d’Inés de Mr de la Mothe[1], j’ai bien vû qu’elle n’a reussi qu’a force d’etre belle et qu’elle a plu aux spectateurs malgré eux, on peut dire que la grandeur de la tragedie le sublime, le beau y regnent par tout : il y a un second acte qui a mon goût est au dessus de tous les autres, j’y ay trouvé un art souvent caché et qui {p.127} ne se devoile pas a la premiere representation et je me suis plus senti touché les dernieres fois que les premieres. Au cinquieme acte il y a une scene des enfans qui a paru ridicule a bien des gens et l’auditoire etoit partagé, les uns rioient et les autres pleuroient ; je suis persuadé que cette scene feroit un effet etonnant sur un peuple dont les moeurs seroient moins corrompuës que les nôtres, nous sommes parvenus a une trop malheureuse delicatesse.

Suite

Tout ce qui a quelque rapport a l’education des enfans aux sentimens naturels nous paroit quelque chose de bas et peuple ; nos moeurs sont qu’un pere et une mere mere n’eleve plus ses enfans, ne les voit plus, ne les nourrit plus, nous ne sommes plus attendris à leur vuë, ce sont des objets qu’on derobe a tous les yeux, une femme ne seroit plus du bel air si elle paroissoit {p.128} s’en soucier : quel moyen que des esprits ainsi preparés puissent goûter sur la scene de pareils objets, Racine qui l’auroit pu faire plus impunément ne l’a pas hazardé et n’a pas osé montrer Astianax ; le petit Regulus[2] plut autrefois parce que les moeurs n’etoient pas si perverties, a present on ne les souffriroit plus : il y a une injustice etonnante dans les jugemens des hommes, nous accusons de peu d’esprit nos peres parce qu’ils ont pleuré en voyant le petit Regulus, nous croyons qu’ils pleuroient parce qu’ils n’avoient pas le sens commun ; non ils avoient autant d’esprit que nous ni plus ni moins, mais leurs moeurs etoient differentes, leur coeur autrement disposé ; c’est pour cela qu’ils pleuroient et que nous ne pleurons pas. On peut en dire de même de presque toutes les tragedies.

Main principale D

144

{p.129}

Juifs

On objecte contre la constance des martyrs ce qui est arrivé aux juifs pendant qu’ils etoient dans la prosperité chaque bonheur amenoit avec soi une chute, mais depuis qu’ils ont eté les plus miserables peuples de l’univers ils ont eté aussi fermes qu’ils ont eté inconstans.
Progrés du lutheranisme et du calvinisme malgré l’inquisition.

- - - - -

Main principale D

145

Les

J’ay mis cela dans mes Romains

ministres peuvent conoitre par le change les mouvemens secrets d’un etat voisin parce qu’une grande entreprise ne se peut jamais faire

Change

sans argent et par consequent sans un grand changement dans le change[1].

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Main principale D

146

Il

Commerce

y a eu des etats ou pour tenir une denrée etrangere a un prix bas on a haussé les droits de sortie, cela ne vaut rien parce que le negotiant gêné par la en fait venir peu, il ne veut point etre gêné et quoiqu’il ne profite point de la permission de faire sortir la denrée meprisant un petit profit pour s’epargner {p.130} le risque du transport il veut pourtant avoir cette faculté.

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Main principale D

147

Il

Fornication

paroit par les loix de Justinien que dans les premiers siecles la forni fornication simple[1] n’etoit pas regardée comme illicite. Justinien qui avoit pris si fort a coeur d’abroger toutes les loix contraires au christianisme en fait une qui est la 3 troisieme au Code Communia de manum[2]. Par laquelle il veut qu’un homme qui n’etant point marié a pris pour concubine une de ses esclaves et meurt laisse cette concubine libre [lettre biffée non déchiffrée] ipsi etenim domino damus licentiam ancillâ suâ uti[3] ce qui ne seroit pas de même, dit il, s’il avoit une femme hominibus etenim uxores habentibus concubinas habere nec antiqua jura nec nostra concedunt[4]. Antiqua, c’est la religion payenne, nostra c’est la chretienne.

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Main principale D


143

n1.

Inès de Castro, tragédie d’Antoine Houdar de La Motte (1672-1731), créée par la Comédie-Française le 6 avril 1723, rencontra un immense succès (Théâtre du XVIIIe siècle, J. Truchet (éd.), Paris, Gallimard, 1972, notice p. 1393-1398). L’auteur se justifie lui-même dans la préface de sa pièce d’avoir représenté des enfants sur scène (ibid., p. 517-518), et, dans son Troisième Discours sur la tragédie à l’occasion de la tragédie d’Inès, d’avoir utilisé comme ressort l’amour conjugal et l’amour paternel (Œuvres de M. Houdar de La Motte, Paris, Prault, 1754, t. IV, p. 271). Montesquieu reprend ici cette justification d’un tragique fondé sur le pathétique, contre les critiques faites au nom du bon goût, comme celle de Desfontaines (Paradoxes littéraires au sujet de la tragédie d’Inès de Castro, Paris, N. Pissot, 1723).

143

n2.

Régulus, tragédie de Pradon (1644-1698), représentée vingt-sept fois de suite en 1688, que le comédien Baron remit à l’honneur en 1722 et que le public honora alors « de beaucoup de larmes » (Le Mercure, juin 1722, p. 111). Le « petit Regulus » désigne le jeune Attilius, fils du héros éponyme et personnage de la pièce.

145

n1.

Cf. Romains, p. 263, l. 98-99. Voir nº 7, note 1. Le change désigne ici les opérations de banque par lesquelles on fait remettre de l’argent dans un lieu éloigné (Furetière, 1690 et Académie, 1694, art. « Change »).

147

n1.

Comprendre : en dehors des liens du mariage. Montesquieu possède plusieurs éditions du Code de Justinien (Corpus juris civilis) promulgué en 529 (Catalogue, nº 705-718).

147

n2.

Communia de manumissionibus : « Dispositions générales sur les affranchissements » (Justinien, Les Douze Livres du code de l’empereur Justinien, liv. VII, titre XV, P.-A. Tissot (trad.), Metz, Behmer, 1807, t. III, p. 182).

147

n3.

« Nous donnons cependant la faculté au maître […] de disposer […] de sa femme esclave » (Justinien, Les Douze Livres du code de l’empereur Justinien, liv. VII, titre XV, § 3, P.-A. Tissot (trad.), Metz, Behmer, 1807, t. III, p. 185).

147

n4.

« Mais ni les lois anciennes (« antiqua jura ») ni celles que nous avons publiées nous-mêmes (« nostra ») ne permettent à un homme qui a déjà une femme d’avoir des concubines » (Justinien, Les Douze Livres du code de l’empereur Justinien, liv. VII, titre XV, § 3, P.-A. Tissot (trad.), Metz, Behmer, 1807, t. III, p. 185).