Le manuscrit
Description
Bibliothèque municipale de Bordeaux
Réflexions et Pensées. Ms. 1866, 3 t.1
1115 f. - 2230 p.
Blancs : 561 p. (25 %)
Sur l’histoire et la transmission de ce manuscrit, nous renvoyons à notre article : Carole Dornier, « L'histoire du manuscrit des Pensées de Montesquieu », Revue d'Histoire littéraire de la France, no 3, juillet 2012, p. 593-600.
Tome I
Volume relié cuir mesurant 235 mm x 185 mm, dos à nerfs orné par dorure (290 f. / 580 p.)
[f. 1], p. 2-265, [266-269 arrachées], 270- 275 [276-277 arrachées], 278-309, 309bis-316, 314-315 [321-322 arrachées], 316- 430 ; f. 431-442 (pas de f. 443), 444-459 ; p. 460-543, f. 543.
Blancs (7 p. ; 1,20 %) : p. 152, 153, 168, 169, 367, 368 ; f. 451v.
Tome II
Volume relié cuir mesurant 240 mm x 185 mm dos à nerfs orné par dorure, titre sur le dos : MES PENSEE[S] TOM II (336 f. / 672 p.)
f. 1-2 ; f. 1-164, 155-249 (155-164 foliotés deux fois), f. 450-496 ; f. 1-28.
Blancs (147 p. ; 22 %) : [f. 1, f. 2r], f. 30v, 36v, 40-56, 88v, 96v, 139v-140v, 168v, 172v, 178v, 183v, 189v-190v, 470, 472-473, 474v-490v, 492v, 495v, f. 1-28.
Tome III
Volume relié cuir sur plat supérieur et dos plat, plat inférieur restauré toile grise, mesurant 225 mm x 170 mm (489 f. / 978 p.).
f. 1-3, f. 1-107, p. 108-111, f. 111-342, [300 arraché], 336-337, [338r], 339r, 338, 340-460, 460bis-485.
Blancs (407 p. ; 41,5 %) : f. 1v, 3, 24-26, 158v, 159v-246v, 274v, 298v-299v, 303r-308r, 323v-327v, 329v-333v, 337v, 355v, 357v, 358v, 362v, 374v-455v, 467v-471v, 479v-485v.
Placé dans le t. III :
1 f. volant 220 mm x 175 mm numéroté 432, autographe (correspond à la suite ou reprise du no 540, sur le f. 431 du t. I) ; papier filigrane couronne.
Identification des écritures
Montesquieu emploie durant toute sa carrière d’auteur des personnes chargées d’écrire sous sa dictée ou de recopier des fiches ou notes. Divers documents, particulièrement sa correspondance, grâce aux dates figurant sur les lettres, permettent de déterminer les périodes auxquelles a travaillé pour lui tel ou tel secrétaire identifié par une écriture qu’on peut retrouver dans des manuscrits différents. Des spécialistes ont successivement tenté d’identifier ces mains, désignées par des lettres de l’alphabet2. Par exemple, le secrétaire Bottereau-Duval, qu’on désigne par la lettre D, a travaillé pour Montesquieu de 1718 à 1731. Les parties des Pensées qui sont écrites de sa main ne peuvent donc être postérieures à 1731. Cette identification des écritures, délicate et sujette à incertitude dans quelques cas, demeure, dans ses grandes lignes, indispensable pour comprendre ce manuscrit si particulier. Dans cette édition, nous mettons à la disposition du lecteur un onglet « Écritures » qui ouvre une fenêtre précisant la période d’intervention de chaque scripteur identifié par la lettre majuscule désormais utilisée par les spécialistes de Montesquieu. L’écriture principale du fragment à l’écran est signalée sur la première ligne en marge droite de la transcription. Un simple clic sur un élément de texte ajouté (signalé en bleu dans l'interface web) permet de faire apparaître une fenêtre qui précise l’identité du scripteur et la position de l’addition par rapport à l’écriture principale.
Écriture | Période d’intervention | Échantillon |
---|---|---|
M (Montesquieu) |
1726/1727-1755 | |
D (Bottereau-Duval) |
1718-1731 | |
E | 1734-1739 | |
U3 | 1739 | |
H | 1741-1742 | |
J | 1742 | |
K | 1742-1743 | |
F | 1743 | |
I | 1743 | |
L | 1743-1744 | |
O | 1745-1747 | |
P (Damours) |
1748-1750 | |
Q | 1750-1751 | |
R (Saint-Marc) |
1751-1754 | |
S (Fitz-Patrick) |
1754-1755 | |
V | 1754 | |
JB (de Secondat)4 |
?-1795 |
L’écriture de Montesquieu ne peut pas fournir de précisions chronologiques autres que les limites de constitution du recueil (1726/1727-1755). L’écriture de Jean-Baptiste de Secondat est très peu représentée et son intervention est vraisemblablement postérieure à la mort de son père.
Chronologie des articles
Comme l’ont déjà souligné Robert Shackleton, Louis Desgraves, Georges Benrekassa, Rolando Minuti et Catherine Volpilhac-Auger, l’identification des écritures des secrétaires de Montesquieu et la datation de leurs interventions auprès de l’auteur sont déterminantes pour reconstituer la chronologie des recueils de notes de Montesquieu et, en premier lieu, le Spicilège et les Pensées (voir « Identification des écritures »).
Montesquieu commence l’écriture du premier volume selon toute vraisemblance en 1726-1727 (voir « Histoire de la constitution du recueil des Pensées ») et l’un de ses secrétaires y interviendra encore en 1754 (Fitz-Patrick, le secrétaire S). L’écriture autographe ne nous apprend rien sur la chronologie du recueil que nous ne sachions par d’autres indices. L’unique intervention du fils de Montesquieu, Jean Baptiste de Secondat, peut être postérieure à la mort de l’auteur. En revanche, le début et la fin des interventions des secrétaires fixent les limites chronologiques des différentes parties des trois volumes. À l’intérieur de ces ensembles graphiques homogènes, des écritures différentes interviennent soit dans des notes marginales, soit dans des additions ou corrections repérables dans le corps même du texte. L’identification de ces mains fait apparaître un travail de correction et d’annotation postérieur à l’écriture principale des fragments qui se succèdent. Parfois, aussi, au fil des pages, on constate qu’un secrétaire « plus tardif » a pu recopier une note dans un espace resté libre, entre deux passages écrits antérieurement.
Le tableau ci-dessous récapitule les écritures par numéros d’articles avec des informations complémentaires sur des additions, notes et titres. Louis Desgraves, dans son introduction à l’édition des Pensées pour les Œuvres complètes dirigées par André Masson, avait récapitulé les mains intervenant dans les trois volumes du recueil5. Après examen du manuscrit et en tenant compte des travaux récents effectués sur d’autres manuscrits de Montesquieu par Georges Benrekassa, Rolando Minuti et Catherine Volpilhac-Auger, nous aboutissons à des conclusions convergentes bien que légèrement différentes.
La synthèse de la chronologie du recueil est présentée dans la rubrique « Histoire de la constitution du recueil des Pensées ».
Écriture | Numéros des articles | Période d’intervention |
---|---|---|
M Montesquieu |
No 1-19 ; 23-33 ; 35-36 ; 46-59 ; 70 ; 80-98 ; 105-107 ; 128-130 ; 149-150 ; 156 ; 161-162 ; 169-176 ; 180 ; 181-185 ; 197-199 ; 209-215 ; 217-219 ; 225-230 ; 239 ; 243-245 ; 251-298 ; 301-319 ; 324-760 ; 775 ; 779-791 ; 794-797 ; 800-808 ; 816-819 ; 821-825 ; 827 ; 830-853 ; 855-859 ; 865 ; 872 ; 875 ; 877-880 ; 890-897 ; 900-922 ; 924-925 ; 938-952 ; 962-963 ; 970-979 ; 984 (additions et notes) ; 985-1023 ; 1031 ; 1049-1183 ; 1184-1186 ; 1193-1225 ; 1226-1245 ; 1253-1261 ; 1262-1264 ; 1281-1295 ; 1298-1300 ; 1303-1304 (intercalés) ; 1307-1308 ; 1309 (les premiers mots) ; 1310-1312 ; 1317 ; 1319-1339 ; 1392-1399 ; 1405-1412 ; 1415-1428 ; 1430 ; 1447-1452 ; 1456 ; 1458-1461 ; 1466 ; 1477 ; 1482 ; 1509 (uniquement le titre) ; no 1510 (corrigé par M) ; 1511 ; 1533-1534 ; 1536-1537 ; 1540 ; 1541 (uniquement le renvoi initial) ; 1573-1600 ; titres des nos 1601, 1609 ; nos 1620-1621 ; titre du no 1622 ; nos 1623-1629 ; titre du no 1630 ; 1631bis (table des matières du vol. III)-1636 ; 1641 ; 1646-1648 ; 1666 ; dernière ligne à la fin du no 1674 ; fin du no 1677 ; 1683 ; 1686-1689 ; 1963-1964 ; 1972-1982 ; 2024 ; 2034 (titre Q) ; 2044-2046 ; 2053-2081 ; 2084-2087 ; 2089 ; 2091-2160 ; 2165-2175 ; formule finale du no 2182 ; 2202-2228 ; 2231-2243 ; titre du no 2244 ; 2251 | |
JB de Secondat | Addition du no 119 | |
D Bottereau-Duval |
No 20-22 ; 34 ; 37-45 ; 60-69 ; 71-79 ; 99-102 ; 104 ; 108-127 ; 131-148 ; 151-155 ; 157-160 ; 163-168 ; 177-180 ; 185-196 ; 200-208 ; 216 ; 220-224 ; 231-238 ; 240-242 ; 246-250 ; 299-300 ; 320-323 | 1718-1731 |
E | No 103 ; additions et corrections des articles suivants : 177, 211, 216, 224, 270 ; 761-774 ; 776-778 ; 792-793 ; 798-799 ; 809-815 ; 820 ; 826 ; 828-829 ; 854 ; 860-871, 873-874, 876, 881-889, 898-899, 923, 926-937, 953-963 ; 964-969 ; 980-983 ; 1024-1030 ; 1032-1048 ; 1096-1184 ; 1187-1192 ; 1126 ; 1246-1252 ; 1253 ; 1263 ; 1265-1280 ; 1296-1297 ; 1301-1302 ; 1306 ; 1309 ; 1313-1316 ; 1318 ; 1341 | 1734-1739 |
U6 | Nos 1387 ; 1389 ; 1390 ; 1391 | 1739-1741 |
H | Nos 1400-1404 ; 1413-1414 ; 1429 ; 1431-1446 ; 1453-1455 ; 1457 | 1741-1742 |
J | Nos 1462-1464 | 1742 |
K | Nos 1470-1476 ; 1478-1481 ; 1486-1487 ; 1510 | 1742-1743 |
F | Nos 1468-1469 ; 1483-1485 ; 1488-1509 | 1743 |
I | Nos 1512-1532 | 1743 |
L | Notes et additions des nos 87-190 et 205 ; notes des nos 264, 914, 939 ; additions des nos 948 et no 951 ; renvois des nos 1006 et 1007 ; additions des nos 1011, 1050, 1088 et 1092 ; no 1510 (initialement écrit par L et corrigé par M) ; 1535 ; 1538-1539 ; addition du no 1540 au f. 242r ; nos 1542-1572 | 1743-1744 |
O | No 733 | 1745-1747 |
P Damours | Notes des nos 884, 889, 906, 917, 920, 935, 947, 1177, 1181 (« Mis dans les loix ») ; addition du no 1262 ; no 1340 ; note du no 1399, addition du no 1525 ; note du no 1548 ; correction du no 1566 ; 1601-1619 ; 1622 ; 1637-1640 ; 1642-1645 ; 1649-1665 ; 1667-1682 ; 1684-1685 ; 1690-1874 ; 1945-1962 ; 1965-1971 ; 1983-2004 ; 2183-2191 | 1748-1750 |
Q | Nos 1875-1941 ; 2005-2023 ; 2025-2033 ; 2035-2043 ; 2047-2052 ; 2082-2083 ; 2088 ; 2090 ; 2192-2201 ; 2245 | 1750-1751 |
R Saint-Marc | Nos 1541 ; 1630-1631 ; 1942-1944 ; 2161-2164 ; 2229-2230 ; 2244 | 1751-1754 |
S Fitz-Patrick | Additions du no 1631bis ; no 2176 ; 2178-2182 ; titre ajouté du no 2246 et pagination p. 475 ; nos 2247-2250 | 1754-1755 |
V | Nos 2177 ; 2246, sauf le titre. | 1754 |
L'écriture des manchettes
Une même main, qui ne ressemble à aucune de celles indiquées dans le tableau récapitulatif des écritures identifiées dans le recueil (voir « Identification des écritures »), intervient dans les marges des trois volumes des Pensées. Elle indique les sujets traités, fait des renvois internes, et, comme le montre une même couleur d’encre, c’est aussi parfois cette main qui corrige ou réécrit des passages en partie effacés et souligne certains mots ou groupes de mots. Nous avons extrait de la transcription ces sujets écrits en manchette en les classant par ordre alphabétique (Voir « Index T »). L’écriture des manchettes, à laquelle nous avons affecté la lettre T, apparaît dès le début du premier volume (vol. 1, p. 4, no 6).
Elle est visible avec certitude une dernière fois dans le volume 3 (« Spinoza », f. 358r, no 2167).
Placée en face de l’écriture de Montesquieu, elle ne peut, dans cette ultime occurrence, être datée, sauf par les écritures Q et R, qui la précèdent. En revanche, au f. 262r (no 1962), elle renvoie au « Testament Pol de Richelieu » pour désigner un passage transcrit par le secrétaire P (Damours, 1748-février 1750).
Cette main, dont les interventions sont régulières depuis les premières pages du premier volume, n’apparaît plus face aux passages transcrits par S, à partir de 1754.
La comparaison de cette écriture T avec celle de Joachim Laîné (1767-1835), avocat originaire de Bordeaux, homme politique et académicien, et voisin, par son domaine de Saucats, des châtelains de La Brède, s’imposait. Il s’était vu confié en 1828, par Charles-Louis-Prosper de Secondat, arrière-petits-fils du Président, petit-fils de sa fille Denise, le soin d’examiner les manuscrits en vue d’une édition. Le fils aîné de Charles-Louis-Prosper écrit en effet, dans une lettre du 5 juin 1878 à Camille Doucet, secrétaire perpétuel de l’Académie française : « Mr Lainé au temps où il était ministre du roi Charles X, a obtenu de mon père la communication la plus large des papiers en question, dont il projetait la publication et […] il a été arrêté dans son dessein par des circonstances qui nous sont étrangères »7.
Raymond Céleste, conservateur de la bibliothèque de Bordeaux, et Henri Barckhausen, professeur de droit à l’université de Bordeaux, l’un et l’autre engagés aux côtés des descendants de Montesquieu dans la première édition complète des inédits au sein de la Société des bibliophiles de Guyenne, attribueront aussi à Joachim Laîné ces notes en manchettes visant à regrouper par genre les fragments contenus dans les trois volumes8. Cette attribution, fondée sur le témoignage de Charles, fils aîné de Charles-Louis-Prosper, avec qui les deux hommes travaillèrent en étroite collaboration, demeure la plus convaincante, d’autant que l’écriture en marge du recueil des Pensées et celle des écrits de Joachim Laîné conservés à Bordeaux présentent une étroite similitude.
Les éditions des Pensées
Jusqu’à sa publication par les descendants de Montesquieu et la Société des bibliophiles de Guyenne en 1899 et 19019, le recueil des Pensées de Montesquieu n’avait fait l’objet que d’éditions partielles et sans l’accord des ayants droit. La plus importante sélection de fragments avait été donnée par l’édition de Bernard, Grégoire et Plassan, en 1796. Cette édition sera reproduite pendant tout le XIXe siècle, faute d’accès au manuscrit, et enrichie seulement de quelques fragments parus dans des périodiques et obtenus auprès des rares personnes qui ont pu consulter brièvement le recueil. André Masson et Louis Desgraves ont récapitulé et comparé les éditions du XVIIIe siècle, mais ils n’ont pas eu connaissance de certaines d’entre elles10. Sur l’ensemble des éditions des Pensées depuis le XVIIIe siècle et sur l’histoire du texte, nous renvoyons à notre article : Carole Dornier, « De la compilation de fragments au texte intégral : histoire de l’édition des Pensées de Montesquieu », Revue française d’histoire du livre, nos 132, 2011, p. 231-250.
La transcription et les choix éditoriaux
Une transcription linéarisée
Une véritable valorisation des sources numérisées passe par une transformation de l’objet matériel en texte, c’est-à-dire en contenu signifiant : c’est tout l’enjeu de la transcription.
La confrontation de l’image et du texte suppose un choix entre :
- une transcription diplomatique qui reproduit la topographie de la page et « photographie » le document en en reproduisant tous les événements, souvent utilisée dans les éditions génétiques de manuscrits d’auteurs,
- une transcription linéarisée qui rétablit sur une ligne tous les éléments graphiques sans prendre en compte les caractéristiques topographiques et sans reproduire comme événements les suppressions et additions, qui sont le plus souvent signalées dans des variantes. Ce choix est orienté par la reconstitution d’un texte de base qui correspondrait à l’intention de l’auteur (première ou dernière intention, etc.), au fondement de l’interprétation, et par les exigences de l’édition papier : fournir au lecteur un texte sûr et stable dans les limites d’un nombre de pages déterminé.
Le choix qui a été fait ici est une solution de compromis visant à s’adapter aux caractéristiques du manuscrit, aux possibilités offertes par la confrontation texte / image et au souci d’apporter au lecteur un texte stable et lisible.
Nous disposons en effet d’un état unique du texte, non destiné à la publication, mais qui fait apparaître, à côté du texte définitif voulu par Montesquieu, des versions partielles antérieures révélées par les suppressions (biffures) et les additions.
Dans l’ensemble, Montesquieu s’efforce d’aboutir à un état définitif de son recueil et les passages où coexistent des versions différentes qui n’ont pas donné lieu à une correction définitive sont rares.
La mise en ligne de la transcription linéarisée, offrant à la fois
- la version définitive du texte voulue par l’auteur,
- la version enrichie des éléments supprimés et des additions signalées comme telles,
permet de répondre aux attentes du lecteur selon qu’il souhaite étudier les « événements » du manuscrit ou naviguer facilement dans un texte lisible et interprétable, apportant les garanties de l’édition savante11.
Topographie de la page et structuration du texte
La possibilité de comparer l’image et le texte conduit donc à concilier une transcription linéarisée et une certaine fidélité à la topographie de la page pour :
- faciliter la comparaison entre manuscrit et transcription,
- restituer le statut incertain des notes et additions marginales12,
- respecter le découpage initial des fragments, séparés sur l’original pas des paraphes, tout en faisant apparaître discrètement la numérotation conventionnelle adoptée aujourd’hui par la communauté scientifique.
Les solutions adoptées
- Le texte a été divisé comme le manuscrit, par page ou côté de folio (recto / verso), le manuscrit étant tantôt paginé, tantôt folioté.
- Une addition signalée par un appel est, dans la mesure du possible, placée à l’endroit de la page où elle apparaît sur le manuscrit et elle n'est pas réinsérée à la suite de l’appel, sauf si son insertion dans le texte principal est indispensable à la compréhension de l’énoncé.
- Une note en marge sur le manuscrit apparaîtra en marge droite à l’écran, placée à la même hauteur par rapport au texte principal.
- Les notes et renvois internes localisés à la suite du texte principal sont placés à la suite du texte dans la transcription.
- Pour résoudre le problème posé par plusieurs notes marginales longues placées à côté d’un même texte et qui pourraient se chevaucher sur la page, on présente le texte de la note tronqué : la troncature est signalée par des points de suspension entre crochets. On accède au texte intégral de la note en plaçant le curseur sur le signe de troncature.
Les exceptions
Dans certains cas, nous avons choisi de mettre en valeur la fonction de certains éléments du texte, aux dépens de la topographie, pour faciliter la compréhension :
- Un renvoi interne ou une note référant à un ouvrage source, écrits en haut ou en bas de page, ou encore au-dessus de la ligne, et non en marge latérale, mais qui ne s’inscrivent pas dans la continuité syntaxique et sémantique du texte principal, sont placés en marge.
- De la même façon, au no 520 par exemple, une directive de Montesquieu écrite au-dessus d’une ligne du texte principal et signalant une suppression (« point de par exemple »), a été placée en marge.
Les choix éditoriaux
Les corrections, renvois et marques de séparation
Les lettres, mots ou passages biffés sur le manuscrit apparaissent barrés à l’écran :
Il y a trois choses que ceux qui les soutienent ne croyent pas (no 669).
Les passages ajoutés apparaissent en bleu :
[…] Trois choses souvereinement incroyables parmy les choses incroyables le pur mechanisme des betes l’obeïssance passive et l’infaillibilite du pape (no 669).
La localisation de l’addition (au-dessus, en fin de ligne, en surcharge, etc.) et le scripteur de l’addition, s’il est identifiable, sont indiqués dans une fenêtre externe (pop-up).
Les renvois internes contenant un numéro de page ou de folio apparaissent en gris, pour signaler un lien qui permet au lecteur d’accéder directement au passage auquel il est renvoyé :
Voy p 37 (renvoie par lien au no 30).
Les paraphes de séparation ou traits figurant sur le manuscrit pour marquer la fin d’un développement autonome sont transcrits par un ensemble de cinq tirets :
Chez les monarques despotiques les loix ne sont que la volonté momentanée du prince
- - - - -
Le despotisme s’accable lui mesme :
- - - - -
(nos 670 et 671)
L’orthographe
Elle n’est pas modernisée.
La présentation en vis-à-vis du texte et de l’image permet au lecteur de se référer à l’original. C’est pourquoi la ponctuation et l’orthographe d’origine, y compris dans les erreurs et différences orthographiques entre scripteurs, sont respectées. Cependant, les mots liés sont séparés et les apostrophes ajoutées :
cest transcrit c’est
quils transcrit qu’ils
Les caractères ajoutés par le responsable de la transcription le sont en rouge, sauf dans le cas de l’apostrophe, insérée en particulier entre l’article et le nom, pour ne pas gêner la lecture par un usage répété des crochets.
Ont été ajoutés :
- des lettres ou mots effacés par suite d’une altération du support matériel et qui peuvent être aisément reconstitués,
- des lettres ou des signes de ponctuation, exclusivement dans le cas où leur absence pouvait gêner la lecture (p. ex. : « qu’une, naviguer, vengeance, créées »). Mais aucune cédille n’a été ajoutée car son absence ne semble pas gêner la compréhension.
Les soulignements qui apparaissent sur le manuscrit n’ont été reproduits que lorsqu’ils paraissaient relever d’une intention de l’auteur (mots cités, annonce du sujet de l’article...).
Les mots non biffés figurant dans le texte par erreur et qui auraient dû être supprimés dans la version définitive sont reproduits et signalés par un soulignement en pointillés (équivalent de sic).
La majuscule est généralisée :
-
à l’initiale
- — des noms propres,
- — des substantifs gentilés (les François, les Anglois…),
- — des titres d’ouvrages,
- — des points cardinaux utilisés absolument (Nord, Midy, etc.),
- après un point ou en début de paragraphe ou de vers,
- dans l’abréviation « P. » pour père désignant un ecclésiastique.
Sont reproduites les hésitations orthographiques de l’époque entre :
- les terminaisons en és ou ez : assez ou asses, voyés ou voyez,
- le s muet ou l’accent circonflexe : teste (nos 872, 1055, etc.) ou tête (nos 1314, 1617, etc.),
- la première syllabe de l’adjectif heureux et de ses dérivés, orthographiée parfois hureux. L’orthographe hureux est phonétique et témoigne de deux prononciations concurrentes, [yrø] et [ørø], tandis que la graphie heureux tend à se généraliser13.
Montesquieu orthographie la marque de troisième personne du pluriel à l’imparfait ou au conditionnel sans e : avoint pour avoient.
Des guillemets ont été ajoutés pour remplacer des guillemets au long figurant sur le manuscrit.
Les abréviations
Le tilde, abréviation pour un n ou un m géminé (ñ pour nn), est reproduit. Les abréviations sont transcrites selon le Dictionnaire des abréviations françaises, XIIe-XVIIe siècle, de Marc Smith (École nationale des chartes) : ainsi la livre, unité monétaire, est transcrite £.
Des lectures nouvelles
Nous signalons, parmi les interprétations différentes de celles proposées par Henri Barckhausen et Louis Desgraves dans leur transcription, les suivantes :
No 127 : héros
No 262 : pièces de huit
No 45 : issuës
No 649 : permis
No 654 : Meintenon
La numérotation des Pensées
Montesquieu a numéroté par page ou par folio les trois volumes de son cahier de travail. Il avait commencé à numéroter aussi par article le premier volume (p. 2-49), mais s’est arrêté après le no 50.
Or l’hétérogénéité, la discontinuité et la brièveté des fragments qui composent le recueil, comme dans le cas d’autres textes fragmentaires, les Maximes de La Rochefoucauld, les Pensées de Pascal, Les Caractères de La Bruyère, ne permettent pas d’effectuer des renvois précis en utilisant des numéros de chapitres et de pages. Les éditeurs du texte intégral se sont donc trouvés confrontés à la nécessité d’une numérotation correspondant à des unités de sens pertinentes.
Le premier éditeur du texte intégral des Pensées, Henri Barckhausen, a fait figurer au crayon sur les trois volumes, des numéros qui séparent en articles, dans l’ordre du manuscrit, les fragments contenus dans le recueil, en poursuivant ce qu’avait commencé l’auteur lui-même. Il a ensuite créé une seconde numérotation pour placer ces articles dans un ordre méthodique, autour de thèmes, et établi une table de concordance14. Louis Desgraves, dans la première édition respectant l’ordre du manuscrit, a dû faire le chemin inverse : partir de la numérotation dite « Barckhausen » de l’ordre méthodique pour revenir à la numérotation au crayon apposée par Barckhausen sur le manuscrit15. Cette numérotation dite « Desgraves »16 est cependant prisonnière des choix du découpage initial : celui-ci distingue parfois arbitrairement des articles à l’intérieur de développements à l’unité sémantique et argumentative manifeste17.
Notre édition utilise la numérotation Desgraves par commodité pour la recherche dans le recueil, parce qu’elle respecte l’ordre de lecture des trois volumes et parce qu’elle s’est imposée dans les travaux des dernières décennies sur Montesquieu. Pour remédier aux découpages peu pertinents qu’elle introduit parfois, nous la faisons apparaître en marge gauche de la transcription et aussi discrètement que possible pour ne pas dénaturer la continuité apparaissant sur le manuscrit.
Pensées, vol. I, p.43.
1. | Le manuscrit a été décrit par Henri Barckhausen (Montesquieu, Pensées et fragments inédits de Montesquieu, Bordeaux, G. Gounouilhou, 1899, t. I, p. XXX-XXXIV) et par Louis Desgraves (Inventaire des documents manuscrits des fonds Montesquieu de la bibliothèque municipale de Bordeaux, Genève, Droz, 1998, p. 285-287). |
2. | Robert Shackleton, « Les secrétaires de Montesquieu », dans Masson, t. II, p. xxxv-xliii ; CM, no 8, 2004, Les Manuscrits de Montesquieu. Secrétaires, écritures, datations, Georges Benrekassa (éd.) ; Rolando Minuti, « Introduction », dans Spicilège, p. 37-77 ; Catherine Volpilhac-Auger, « De la main à la plume. Montesquieu et ses secrétaires : une mise au point », dans Montesquieu en 2005, C. Volpilhac-Auger (éd.), Oxford, Voltaire Foundation (Studies on Voltaire and the eighteenth century ; 2005, 05), p. 103-151. |
3. | Écriture différente de celles identifiées jusqu’alors. |
4. | Sur l’image, écriture de l’ajout : « de Quinaut, Fontenelle, Lamotthe, Danchet, Roi &c ». |
5. | Masson, t. II, p. lvi-lvii. |
6. | Écriture différente de celles identifiées jusqu’alors. |
7. | BM Bordeaux, ms 2551. Voir aussi Carole Dornier, « L'histoire du manuscrit des Pensées de Montesquieu », Revue d'Histoire littéraire de la France, no 3, juillet 2012, p. 596-598. |
8. | Raymond Céleste, « Histoire des manuscrits inédits de Montesquieu », dans Montesquieu, Mélanges inédits de Montesquieu, Bordeaux, G. Gounouilhou, 1892, t. I, p. IX-XLII ; reproduit dans Montesquieu, Cahiers (1716-1755), B. Grasset et A. Masson (éd.), Paris, Grasset, 1941, p. 288 ; Henri Barckausen, « Introduction », dans Montesquieu, Pensées et fragments inédits de Montesquieu, Bordeaux, G. Gounouilhou, 1899, t. I, p. XXX. |
9. | Montesquieu, Pensées et fragments inédits de Montesquieu, Bordeaux, G. Gounouilhou, 1899, t. I ; 1901, t. II. |
10. | André Masson, « Note bibliographique sur les Cahiers de Montesquieu », dans Montesquieu, Cahiers (1716-1755), B. Grasset et A. Masson (éd.), Paris, Grasset, 1941, p. 295-299 ; Louis Desgraves, « Les Pensées de Montesquieu de 1755 à 1796 », Revue historique de Bordeaux, 1953, p. 235-238 ; réédité dans Louis Desgraves, Montesquieu, l’œuvre et la vie, Bordeaux, L’Esprit du Temps, 1994, p. 89-93 ; Louis Desgraves, « L’édition des Pensées de Montesquieu au XVIIIe siècle (1787-1796) », Revue française d’histoire du livre, nº 102-103, 1er et 2e trimestres 1999, p. 141-154. |
11. | Sur le manque de pertinence du classement des éditions génétiques par méthodes de transcription, voir Pierre-Marc de Biasi, « Édition horizontale, édition verticale. Pour une typologie des éditions génétiques (le domaine français 1980-1995) ». [En ligne à l’adresse suivante : http://www.item.ens.fr/index.php?id=13346]. |
12. | Sur ce statut incertain, voir Carole Dornier, « Notes, additions, intercalations : les incertitudes du statut textuel dans les Pensées de Montesquieu », dans Notes. Études sur l'annotation en littérature, J.-C. Arnould et C. Poulouin (dir.), Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2008, p. 63-72. |
13. | Claude Buffier, Grammaire françoise sur un plan nouveau, avec un Traité de la prononciation des e […], Paris, Bordelet, 1729, p. 344, § 838. |
14. | Montesquieu, Pensées et fragments inédits de Montesquieu, Bordeaux, G. Gounouilhou, 1899, t. II, p. 584-595. |
15. | Masson, t. II, p. 1359-1368. |
16. | Reprise dans Montesquieu, Pensées, Spicilège, Paris, R. Laffont, 1991 (voir p. 1145-1152). |
17. | Voir par exemple vol. I, p. 117-118, no 125, 126, 127, 128, dans un ensemble sur les Anciens et les Modernes. |