M : | Montesquieu 1726/1727-1755. |
D : | Bottereau-Duval 1718-1731. |
E : | 1734-1739. |
U : | 1739. |
H : | 1741-1742. |
J : | 1742. |
K : | 1742-1743. |
F : | 1743. |
I : | 1743. |
L : | 1743-1744. |
O : | 1745-1747. |
P : | Damours 1748-1750. |
Q : | 1750-1751. |
R : | Saint-Marc 1751-1754. |
S : | 1754-1755. |
V : | 1754. |
JB : | Jean-Baptiste Secondat ?-1795. |
T : | écriture des manchettes 1828-1835 |
M : | Montesquieu. |
D : | Bottereau-Duval_1721-1731. |
H : | 1741-1742. |
P : | Damours_1748-1750. |
E : | 1734-1739. |
L : | 1742-1744. |
O : | 1745-1747. |
T : |
écriture des manchettes |
JB : | Jean-Baptiste_Secondat. |
J : | 1742. |
K : | 1742-1743. |
F : | 1743. |
E2 : | |
I : | 1743. |
R : | Saint-Marc_1751-1754. |
Pensées, volume II
1316
{f.181r} Les citations des avocats
Avocats
{f.181v} Il faut beaucoup moins de peines à un jüge pour decider la question en elle même qu’à debroüiller toutes les authorités qu’on lui cite ; a oposer le fort au foible, a chercher les raisons qui ont pu determiner un auteur a donner une decision contraire à celle d’un autre ; de l’authorité qu’un certain autheur doit avoir dans le paÿs ou dans un autre ; enfin de la justesse de l’application qu’il en a faite.
Si un theologien payen en lisant Homere avoit voulu decider de cette fameuse querelle qui mit l’Asie en cendres, et juger qui avoit raison des Grecs et des Troyens et qu’il eut dit “je n’ay pas un esprit assés profond pour decider cette grande question mais il y a des intelligences plus parfaites que la {f.182r} mienne qui virent cette querelle dont plusieurs même se meslerent de les accomoder voyons ce qu’elles ont pensé et premierement si je savois le sentiment de Jupiter le pere et le plus grand des dieux je serois bien avancé mais par malheur il êtoit neutre.
Mais Junon la femme et la sœur de Jupiter et Neptune frere du même dieu êtoit pour les Grecs mais on ne peut pas dire que Junon et Neptune se fussent rangés de ce côté là par un esprit d’équité n’est il pas vrai que Junon vouloit se vanger de l’affront qui avoit êté fait a ses charmes et que Neptune qui ne vouloit pas avoir fait le metier de masson pour rien redemandoit ses salaires et d’ailleurs Mars et Venus {f.182v} etoient pour les Troyens mais à votre avis repliqueroit on un autre motif que celui de l’amour et de la reconnoissance a t il engagé Venus dans le parti des Troyens, et de plus êtes vous étonné que Mars suive les apas de Venus et combatte pour elle, mais voila Vulcain qui est pour les Grecs. C’est justement cela, repliqueroit-on ne voyés vous pas dans cette conduite les chagrins d’un mari jaloux et ce n’est pas sans raison qu’il l’est, mais nous avons Pallas pour nous disoient les Troyens je le croi leur repliqueroit-on il y avoit chés vous un bon gage de sa protection ; vous aviés le palladium [»].
On voit bien que de cette façon là on n’auroit jamais fini au lieu que si l’on prenoit la question en elle {f.183r} même il n’y auroit rien de plus simple un roi de Grece avoit une femme fort belle le fils du roi de Troye arrive chés lui et le fait cocu en arrivant il enleve cette femme le mari est assés bon pour la redemander les Troyens la refusent ce sont les Troyens qui ont tort.
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Main principale E |
1317
[Passage à la main M] Je disois il y a des gens aimables il y en a d’haissables et il y a une classe plus etendüe encor des gens insuportables.
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Passage de la main E à la main M |
1318
{f.184r} [Passage à la main E] En env En considerant les hommes avant l’établissement des societés
Puissance paternelle Cette dépendance qui ayant precedé toutes les conventions sembloit n’avoir de bornes dans son origine que l’amour des peres, s’est limitée de deux manieres : 1º par la raison des peres lorsque dans l’etablissement des societés ils l’ont bornée par les loix civiles : 2º par la nature parce que a mesure que les enfans sortent {f.184v} de la jeunesse les peres entrent dans la vieillesse et que la force des enfans augmente à mesure que le pere s’affoiblit le même amour et la même reconnoissance reste mais le droit de protection change.
Les peres êtant morts ont laissé les collateraux independans il a fallu s’unir par des conventions et faire par les loix civiles ce que le droit naturel avoit fait d’abord.
Il a fallu aimer sa patrie comme on aimoit sa famille il a fallu cherir les loix comme on cherissoit la volonté de ses peres.
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Passage de la main M à la main E |
1319
[Passage à la main M] Ceux qui font ces pieces d’eloquence pour agrandir ou diminuer les choses, qui est ce qui voudroit avoir un
Eloquence |
Passage de la main E à la main M |
1320
{f.185r} Mairan[1] si superieur a tout dans les sciences et qui employe touts les petits ressorts pour se faire de touts côtes de la reputation je le compare a ce breton marquis de Comadeu[2] qui avoit cent mille livres de rente et demandoit l’aumone. Ceux qui creignent tant pour leur reputation et sont blesses des plus petites choses ils sont comme les corps de Mr de Neuton qui sont touches sur lesquels on agist in distans[3].
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Main principale M |
1318 |
n1. |
Cf. nº 1267. |
1320 |
n1. |
Jean-Jacques Dortous de Mairan (1678-1771), physicien originaire de Béziers, membre de l’académie de Bordeaux, fut élu à l’Académie des sciences en 1718, où il remplaça Fontenelle comme secrétaire perpétuel de 1740 à 1743. Montesquieu le connaissait depuis 1721 (lettre du 5-10 octobre 1721, Correspondance I, p. 41). |
1320 |
n2. |
La richesse d’un « Comadeu » (« Guémadeuc » dans l’édition de 1859) est évoquée dans une édition abrégée du Journal de Dangeau annotée par Madame de Genlis : Paris, Treuttel et Würz, 1817, t. IV, p. 82, 8 novembre 1718. |
1320 |
n3. |
L’expression in distans est employée dans la physique newtonienne (de « Neuton ») à propos de l’action à distance sans contact, à travers le vide. La comparaison de Montesquieu est sans doute ironique car Dortous de Mairan, comme Fontenelle, était un des membres de l’Académie des sciences qui doutaient de la théorie de l’attraction universelle et demeuraient cartésiens en matière de cosmologie : voir Simone Mazauric, Fontenelle et l’invention de l’histoire des sciences à l’aube des Lumières, Paris, Fayard, 2007, p. 329. |