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Pensées 1435 à 1439

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1435

Singularités
Ridicule

Je disois du... c’est l’homme du monde qui a le plus de singularité, et c’est l’homme du monde qui à le moins de ridicule.

- - - - -

Main principale H

1436

Le bien
Le mieux

Telle est la nature des choses que l’abus est très souvent preferable a la correction, ou du moins que le bien établi mieux, le bien qui est establi est toujours preferable au mieux qui ne l’est pas[1].

- - - - -

Main principale H

1437

Je suis un bon cytoien

Bon citoyen

, mais dans quelque païs que je fusse né, je l’aurois été tout de même.
Je suis un bon cytoien, parce que j’ai {f.207v} toujours été content de l’etat ou je suis, que j’ai toujours approuvé ma fortune, et que je n’ai jamais rougi[1] d’elle, ni enviè celle des autres.
Je suis un bon cytoien parce que j’aime le gouvernement oú je suis né, sans le craindre et que je n’en attends d’autres faveurs, que ce bien infini que je partage avec tous mes compatriotes. Et je rends graces au ciel de ce qu’aiant mis en moi de la mediocrité en tout[2], il à bien voulu en mettre un peu moins dans mon ame.

- - - - -

Main principale H

1438

Quelques gens ont regardé la lecture du Temple de Gnide

Temple de Gnide

comme dangereuse[1], mais ils ne prennent pas garde qu’ils imputent a un seul roman le defaut de tous. Qu’il y ait dans une piece de vers des choses licentieuses, c’est le vice fait vice du vice du poëte, mais que {f.208r} les passions y soient emues, c’est le defaut fait de la poësie.
La lecture des romans est dangereuse sans doute. Qu’est ce qui ne l’est pas ?

Lecture des Romans

Plut a Dieu que l’on n’eut a réformer que les mauvais effets de la lecture des romans ! Mais ordonner de n’avoir pas de sentimens a un être toujours sensible, vouloir banir les passions, sans souffrir meme qu’on les rectifie, proposer la perfection a un siecle qui est tous les jours pire, parmi tant de mechancetés se révolter contre les foiblesses ; j’ai bien peur qu’une morale si haute ne d[ev]ienne speculative, et qu’en nous montrant de si loin ce que nous deverions être, on ne nous laisse ce que nous sommes.

- - - - -

Main principale H

1439

{f.208v} Il y a parmi nous peu de sots, qui soient en même tems stupides

Sot
Stupide

. La sotise s’y trouve si près de l’esprit.

- - - - -

C’est ce qui produit parmi nous un prodigieux nombre de lecteurs. Dans les autres païs ceux qui ont de l’esprit scavent qu’ils en ont, et ceux qui n’en ont point le sçavent aussi. Bien ces derniers Dans ces pays bien des gens seroient propres a amuser les autres, a peine se jugent ils capables d’être amusés eux mêmes. Quelque ouvrage agreable qu’on leur presente ils ne daigneront pas seulement le lire.

- - - - -

Je dis ici la veritable raison qui a fait que j’ai eû toute ma vie une estime {f.209r}

Petits maîtres

particuliere pour nos petits maitres, je ne parle pas ici en homme d’etat, car quoiqu’ils soûtiennent les principales branches de nôtre commerce fondé sur le changement continuel des modes et d’habits, ils rendent service a leur patrie sans en exiger la moindre reconnoissance[1].

- - - - -

De

Francois

De toutes les nations connues il n’i en a point de moins pedante que la nôtre, et l’on n’a que faire de tant crier contre les gens du bel air, c’est eux au bout du compte qui polissent le peuple de l’Europe qui à le plus d’agrémens.

- - - - -

{f.209v} C’est eux qui lient nos societés et qui mettent une heureuse harmonie entre des personnes que les anciennes mœurs auroient rendues incompatibles.

Francois

- - - - -

C’est a eux que nous devons cette vivacité qui fait que nos gens d’esprit nous paroissent plus aimables et que nos sots ne sont pas tout à fait stupides.

- - - - -

Les uns mettent parmi nous une certaine action qui change en occupations nos amusemens même, les autres sont une espece de spectacle fort rejouissant.

- - - - -

C’est eux qui au lieu de cette arrogance {f.210r} qui paroit dans les particuliers chés quelq. peuples, changent nôtre orgueil en une impertinence agreable qui se produit de mille façons.

- - - - -

Ils inspirent aux jeunes gens choqués du serieux de la robe de leurs peres de repandre leur sang pour le service de la patrie et de s’aprocher du prince

- - - - -

Enfin c’est de leur tete quoi qu’un peu evantée que sort la principale branche de nôtre commerce fondée sur ce bon gout qui nous fait changer de modes et d’habits avec une authorité trop absolue pour ne pas croire que nous ne changions en mieux[2].

- - - - -

{f.210v} C’est a eux[3] principalement que je consacre ce petit ouvrage, la plus part des gens dedient leurs livres a ceux qui les lisent, moi je dedie celui ci a ceux qui ne le liront point, esperant que si par hazard ils aprennent qu’il leur apartient, ils voudront bien ne le point critiquer et avoüer ingenuement qu’ils ne l’ont point lu.

- - - - -

Je ne desespere pourtant pas que les gens les plus graves ne me fassent l’honneur de me lire, si mon héros n’a pas un habit de philosophe, il a quelquefois des idées assès philosophiques.

- - - - -

Main principale H


1436

n1.

Cf. nº 19.

1437

n1.

Sur ce terme, voir nº 1387.

1437

n2.

Sur la médiocrité, voir nº 1387.

1438

n1.

Les articles nº 1438-1439 sont des éléments préparatoires à la nouvelle préface du Temple de Gnide [1725] pour l’édition de 1742 (Londres [Paris, P.-M. Huart]) : voir variante de 1742, OC, t. 8, p. 392-393. Sur cette édition, voir Le Temple de Gnide, OC, t. 8, introduction, p. 328, 354 ; reproduction des illustrations de l’édition de 1742, OC, t. 8, p. 421 et suiv. Sur la réception du roman entre 1725 et 1742, voir OC, t. 8, p. 329-330. Publié anonymement, l’ouvrage était attribué à Montesquieu qui le désavouait encore en 1738 : voir Carole Dornier, « Montesquieu et la publication anonyme : l’exemple du Temple de Gnide », dans Écriture, identité, anonymat de la Renaissance aux Lumières, N. Jacques-Lefèvre et M. Leca-Tsiomis (dir.), Nanterre, université Paris X (Littérales ; 39), 2007, p. 149-177.

1439

n1.

Répondant ironiquement aux critiques, la nouvelle préface de l’édition de 1742 du Temple de Gnide reprenait l’opposition traditionnelle entre pédants et mondains pour désigner les « têtes bien frisées & bien poudrées » comme seules capables d’apprécier le mérite de l’ouvrage (OC, t. 8, p. 392, apparat critique).

1439

n2.

Témoignant de la façon dont Montesquieu réutilise et infléchit les mêmes remarques dans des contextes très différents, ces éléments de préface en faveur du public mondain rejoignent les réflexions sur l’esprit général de la nation française (EL, XIX, 5). Cf. nº 1553.

1439

n3.

Les petits-maîtres.