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Pensées 967 à 971

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

967

Une belle action

Une belle action

est une action qui est bonne a de la bonté et qui demande [lettres biffées non déchiffrées] de la la force pour la faire.

Main principale E

968

{f.24v} Il faut que dans les republiques il y ait toujours un esprit general qui domine. A mesure que le luxe s’y établit

Mis cela dans les Loix

 ; l’esprit de particularisme[1] s’y etablit aussi. A des gens a qui il ne faut rien que le necessaire il ne reste a desirer que la gloire de la patrie et la sienne propre. Enfin une ame corrompüe par le luxe est ennemie des loix qui gênent toûjours les citoyens. Qui est ce qui fit que la garnison romaine de Rhege egorgea les habitans a l’instigation de Decius leur tribun c’est que dans leur sejour a Rhege ils avoient commencé a donner dans le luxe[2].

- - - - -

Main principale E

969

{f.25r} Le paganisme êtoit pour lors dans sa décadence fondé sur les delires des poëtes ; il étoit incompatible avec toute sorte de sectes de philosophie et de connoissances humaines, l’ignorance l’etablit dans l’Orient et le porta chez les Grecs, mais comme il est impossible qu’un pays soit florissant

Idée de la divinité

sans qu’il y ait une infinité de gens qui joüissant de la felicité cherchent a cultiver leur esprit et a acquerir des connoissances il arriva qu’en Grece on commença a s’attacher a la philosophie

Crainte des dieux

les Atheniens qui virent qu’on alloit ôter au peuple la crainte des dieux, condamnerent Protagoras et Diagoras[1] firent mourir Socrate et bannirent Aristote

Atheniens peuple le plus corrompu de la Grece

Plutarque nous dit que tous les phisiciens êtoient regardés comme athées parce qu’en aprenant au peuple que les astres n’êtoient que des corps mûs par des mouvemens reguliers ils détruisoient l’idée des divinités {f.25v} que le paganisme y avoit attachées[2].
Ciceron qui le 1er mit dans sa langue les dogmes de la philosophie des Grecs[3] porta un coup mortel a la religion de Rome elle commença a soufrir une espece de guerre civile on vit dans l’empire la secte de Pirrhon douter de la relligion et celle d’Epicure la tourner en ridicule[4], celles de Platon de Socrate et d’Aristote eclaireairent l’esprit et celle de Zenon corrigea les mœurs.
C’est dans ces circomstances que le christianisme se repandit dans l’empire et je ne puis m’empêcher de faire quelques reflexions sur cet etablissement

Religion chrétienne son établissement

qui peut être n’ont pas êté faittes par les apologistes de la religion chretienne.
Si la religion chretienne n’est pas divine, elle est certeinement absurde. Comment donc a t elle êté recüe par ces philosophes qui abandonnoient le paganisme précisement a cause de son extravagance! Quoy ces philosophes qui soûtenoient que le paganisme êtoit injurieux a la majesté divine acceptent {f.26r} l’idée d’un Dieu crucifié depuis qu’ils avoient apris aux hommes l’immutabilité, l’immensité la spiritualité, la sagesse de Dieu ; quelle idée révoltante que le suplice de ce Dieu! Elle l’êtoit bien plus que toutes les monstrueuses opinions du paganisme qui ne regardoient que des êtres superieurs a nous mais imparfaits ; le paganisme s’est établi parce qu’il a eû d’abort une origine raisonnable et que son extravagance n’est venüe que peu a peu ; mais pour la religion chretienne tout ce qu’il y a de révoltant pour l’esprit humain il a fallu d’abortd le dire. Coerinthe et Ebion sont une preuve qu’on l’a dit[5]. DaArius qui ne nia jamais la divinité de J. C. mais seulement sa consubstantialité, fait voir que cette divinité êtoit l’opinion commune ; on a donc commencé par proposer un Dieu crucifié, mais cette idée de la croix qui est devenüe l’objet de nôtre respect n’est pas a {f.26v} beaucoup prés si accablante pour nous qu’elle l’êtoit pour les Romains. Il y a plus il n’y avoit pas de peuple si vif vil dans l’esprit des Romains que les juifs tous leurs ouvrages sont pleins de l’ignominie dont il les couvroient c’est cependant un homme de cette nation là qu’on leur propose a adorer, ce sont des juifs qui l’annoncent et des juifs qui se donnent pour temoins. Les evangiles sont publiées et elles sont acceptées par les pirrhoniens qui disent qu’il faut douter de tout, par les naturalistes[6] qui croyent que tout est l’effet des figures et des mouvemens, par les epicuriens qui se mocquent de tous les miracles du paganisme, enfin par le monde eclairé, par toutes les sectes de philosophie. Si l’etablissement du christianisme ches les Romains n’etoit que dans l’ordre des choses de ce monde, il seroit en ce genre l’evenement le plus singulier qui fut jamais arrivé.

- - - - -

Main principale E

970

{f.27r} [Passage à la main M] La force de l’estat ne suit pas la monarchie qui n’est pas attaché attachée a l’estat conquerant qui a este fondée[1] mais a l’armée qui l’a fondée[2] :

- - - - -

Passage de la main E à la main M

971

Les gens sensés ils ont plus de raisons pour mepriser et ils ont moins de dedeins.

- - - - -

Main principale M


968

n1.

Le terme de particularisme est uniquement attesté au XVIIIe siècle dans l’édition de 1727 du Dictionnaire universel de Furetière et pour désigner la croyance des particularistes (grâce particulière).

968

n2.

Cf. EL, VII, 2 ; ces exactions sur les habitants de Rhegium ou Rhège (auj. Reggio de Calabre) eurent lieu pendant la guerre qui opposait les Romains à Pyrrhus en 281 av. J.-C. (Tite-Live, XXVIII, 28 ; Diodore de Sicile, XXII, 2, etc.).

969

n1.

Du temps de Socrate, Protagoras d’Abdère, le sophiste, doutait de l’existence des dieux, niée explicitement par Diagoras de Mélos. L’un et l’autre furent chassés d’Athènes (Ciceron, De natura deorum, I, 1 et 23 ; Diogène Laërce, IX, 41).

969

n2.

Cf. nº 711, 853.

969

n3.

Allusion au De natura deorum.

969

n4.

Voir sur le manuscrit, en marge et au crayon, devant une accolade désignant le passage en vis-à-vis (« on vit […] les mœurs ») : « De méme de nos jours 18. siècle [mots biffés non déchiffrés] ».

969

n5.

Cérinthe, philosophe gnostique, et Ébion, hypothétique fondateur de la secte des Ébionites, sont associés par la tradition hérésiologique à la négation de la divinité de Jésus (Irénée, I, 25-29 – Catalogue, nº 351-353 ; Épiphane, Adversus haereses, 28 et 30 – Catalogue, nº 326-327 ; Tertullien, Des prescriptions contre les hérétiques, 48 ; Claude Fleury, Histoire ecclésiastique, Paris, J. Mariette, 1720, t. 1, 42, p. 136-138).

969

n6.

« Qui s’applique particulierement à estudier la Nature, qui fait profession de connoistre les choses de la Nature » (Académie, 1694, art. « Naturaliste »). Sont fréquemment mentionnés sous ce terme : Aristote, Pline, Solin, Théophraste.

970

n1.

Lire : fondé.

970

n2.

Lire : fondé.