Chapitre 18
Capitulum XVIII1caput 38 1536.
Cautius (glaucus) [le
silure glane1La notice sur le cautius
trouve son origine dans la tradition manuscrite défectueuse d’un
passage de Pline consacré au comportement astucieux du poisson nommé
glanis : Cautius qui glanis
uocatur auersus mordet hamos nec deuorat, sed esca spoliat (Plin. nat. 9, 145), « plus précautionneux, le
poisson nommé glanis mord les hameçons à contresens et ne les avale
pas, mais il les dépouille de l’appât » (De Saint-Denis 1955, 83).
La tradition manuscrite a transmis la leçon clautius / glaucius à la
place de l’adverbe cautius, « plus
précautionneusement », que le contexte réclame. La forme clautius / glaucius a
alors été interprétée comme une autre appellation du glanis : clautius qui glanis
uocatur, « le clautius qui est appelé
glanis ». Le terme latin glanis est le simple calque du grec γλάνις, et
l’information délivrée par Pline sur le glanis dont s’est inspiré Thomas de Cantimpré
(TC 7, 20) est résumée d’Aristote (Arist.
HA 621 a 21 - b 2). La description détaillée d’Aristote permet de
reconnaître dans le glanis un des plus grands
poissons d’eau douce d’Europe centrale et orientale, le silure,
qu’il s’agisse du silure glane ou salut, Silurus glanis Linné, 1758, ou du
silure grec, Silurus aristotelis Agassiz, 1856
(voir D’Arcy Thompson 1943, 43-44 ; De Saint-Denis 1947, 42 et
104-106). C’est ce même passage d’Aristote, redécouvert via la traduction de Michel Scot, qui a inspiré
la notice consacrée au gamanem tirée d’Albert
le Grand (AM 24, 59 (35) ; voir ch. 42), mais les déformations que
le nom du glanis a subies au cours de la
transmission médiévale d’Aristote, tout autant que le caractère
succinct et mal assuré des renseignements fournis par Pline,
empêchaient tout rapprochement possible entre les deux sources
d’information.], capitatus [le chabot2Vincent de Beauvais (VB 17, 40), Thomas de
Cantimpré (TC 7, 24) et Albert le Grand (AM 24, 27 (20)) décrivent
sous les entrées capitatus, i / capito, onis un même poisson, dans lequel il faut
reconnaître le chabot (Cottus gobio Linné, 1758) comme le
propose Stadler 1920, 1526. Les deux termes capitatus / capito sont
dérivés de caput, « la tête », et signifient
« qui a une grosse tête ». Les indications concordantes et
complémentaires réunies par Thomas de Cantimpré et Albert le Grand
sur la petite taille de l’animal (un demi-pied), sa morphologie (la
grosseur de la tête disproportionnée par rapport au reste du corps),
sa couleur et son comportement (un poisson qui reste caché entre les
pierres) conviennent parfaitement au chabot. On notera que le nom
vernaculaire « chabot » remonte probablement lui-même à un étymon
latin médiéval, cabos, dérivé de caput.] et carpera
[la carpe3Le poisson désigné sous l’appellation carpera est la carpe commune (Cyprinus carpio Linné, 1758). La
notice de Thomas de Cantimpré (TC 7, 23), reprise par Vincent de
Beauvais (VB 17, 40), puis par l’Hortus
sanitatis, constitue, avec le passage parallèle d’Albert le
Grand (AM, 24, 26 (20)), l’une des plus anciennes attestations de
l’élevage des carpes en Europe et compte parmi les documents
précieux qui nous renseignent sur l’histoire controversée de
l’introduction de la carpe en Europe de l’Ouest. S’il est
communément admis que la carpe est restée jusqu’à une date récente
confinée au bassin des moyen et bas Danube, la chronologie et les
modalités de son introduction en Europe de l’Ouest et de sa
domestication font l’objet de discussions serrées. Certains, comme
Balon 1995, 23-29, plaident pour une datation haute et font des
Romains les artisans de la domestication de la carpe et de son
introduction, dès les Ier et IIe siècles, dans le Norique, la Rhétie et la Germanie
ou à Rome même, à partir de leurs établissements de Pannonie et de
Dacie. Mais les faits avérés résistent à une telle hypothèse et
l’interprétation qu’en propose Hoffmann 1995, 71-74 et 83-85, avec
une chronologie beaucoup plus tardive semble plus réaliste. En
effet, si Aristote évoque à plusieurs reprises sous le nom de
κυπρῖνος un poisson qu’on identifie traditionnellement depuis les
traités d’ichtyologie de la Renaissance comme la carpe, Pline ne
mentionne que dans deux rapides remarques un poisson qu’il appelle
le cyprin, cyprinus, et, dans les deux cas,
c’est sous l’autorité d’Aristote : [pariunt]
cyprini sexiens (Plin. nat. 9, 162, d’après Arist. HA 568 a 16, « le cyprin fraie six
fois dans l’année ») ; hoc et in mari accidere
cyprino putant (Plin. nat. 9, 58,
d’après Arist. HA 602 b 23, « le cyprin
peut souffrir d’insolation ou être commotionné par la foudre comme
le silure »). Pline ajoute à l’observation d’Aristote une précision
malencontreuse, in mari, qui fait du cyprin,
toujours fluviatile chez Aristote, une carpe de mer bien difficile à
identifier (voir De Saint-Denis 1947, 30-31). On ne rencontre aucune
autre mention ni description chez les auteurs latins d’un poisson
qui pourrait être la carpe (Ausone, par exemple, au IVe siècle, ne la cite pas parmi les poissons de la
Moselle). La plus ancienne attestation du nom
de la carpe en latin, carpa, se trouve donc
chez Cassiodore, qui l’évoque précisément, au début du VIe siècle, comme un poisson du Danube : Destinet carpam Danuvius (Cass. var. 12, 4, 1) et qui emploie pour la
désigner, non le terme classique cyprinus,
mais un terme d’emprunt, sans doute au gothique. Aucun des auteurs
médiévaux qui citent la carpe et la connaissent n’a fait le
rapprochement avec le cyprinus classique.
Sensible au silence des auteurs latins de l’Antiquité sur la carpe
et conjuguant témoignages littéraires et archéologiques, Hoffmann
propose donc de distinguer trois phases dans la diffusion de la
carpe en Europe. À la période romaine, la carpe nourrit les
populations installées dans le bassin du Danube, mais on ne l’élève
pas ; elle reste confinée à son habitat d’origine et ne suscite pas
autrement l’intérêt du monde latin. En revanche, entre le VIIe et le XIe siècle, mais surtout
au XIe siècle, la carpe serait lentement passée
du bassin du Danube aux affluents du moyen Rhin. Jusqu’à la fin du
XIe siècle, rien n’indique qu’elle ait été
domestiquée, les témoignages littéraires sur la carpe restent rares.
Au début du XIIe siècle encore, Alexandre Neckam
passe sous silence la carpe dans son évocation des animaux
aquatiques, ce qui laisse à penser que la carpe était ignorée au
nord de la France. Mais du XIIe siècle au début
du XIVe, la carpe gagne les cours de la Meuse et
du Rhin et, de là, le Bassin parisien et la Bourgogne. C’est alors
une émergence soudaine de la carpe dans une documentation variée :
réglementations sur la pêche et l’élevage, recueils encyclopédiques
ou littérature culinaire… Pour la première fois, on trouve des
allusions précises à l’élevage de la carpe. Au cours d’une troisième
étape, au milieu du XIVe siècle, la carpe se
serait largement répandue vers le sud-ouest de la France et vers le
nord, jusqu’en Angleterre et en Scandinavie ; elle n’aurait atteint
l’Italie qu’à la fin du Moyen Âge. La citation de Thomas de
Cantimpré est donc caractéristique de la phase d’accélération qu’a
connue l’acclimatation de la carpe en Europe aux XIIe et XIIIe siècles.]
[+][VB 17, 40 De caucio et capitato et carpera [-]][+]
Cautius2glaucus
1536 ut semper., capitatus et carpera [+][VB 17, 40 De caucio et capitato et carpera [-]][+]
Renvois internes : Cautius : cf. Gamanem, ch. 42.
Lieux parallèles : Cautius : TC, De cautio
(7, 20), De glamanez (6, 26) ; AM, [Clancius] (24, 24
(19)), [Garcanez] (24, 59 (35)).
Capitatus : TC, De
capitone (7, 24) ; AM, [Capitatus] (24,
27 (20)).
Carpera : TC, De carpera (7,
23) ; AM, [Carperen] (24, 26 (20)).
[1] [•] VB
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Propriétés et indications
Operationes
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1La notice sur le cautius trouve son origine dans la tradition manuscrite défectueuse d’un passage de Pline consacré au comportement astucieux du poisson nommé glanis : Cautius qui glanis uocatur auersus mordet hamos nec deuorat, sed esca spoliat (Plin. nat. 9, 145), « plus précautionneux, le poisson nommé glanis mord les hameçons à contresens et ne les avale pas, mais il les dépouille de l’appât » (De Saint-Denis 1955, 83). La tradition manuscrite a transmis la leçon clautius / glaucius à la place de l’adverbe cautius, « plus précautionneusement », que le contexte réclame. La forme clautius / glaucius a alors été interprétée comme une autre appellation du glanis : clautius qui glanis uocatur, « le clautius qui est appelé glanis ». Le terme latin glanis est le simple calque du grec γλάνις, et l’information délivrée par Pline sur le glanis dont s’est inspiré Thomas de Cantimpré (TC 7, 20) est résumée d’Aristote (Arist. HA 621 a 21 - b 2). La description détaillée d’Aristote permet de reconnaître dans le glanis un des plus grands poissons d’eau douce d’Europe centrale et orientale, le silure, qu’il s’agisse du silure glane ou salut, Silurus glanis Linné, 1758, ou du silure grec, Silurus aristotelis Agassiz, 1856 (voir D’Arcy Thompson 1943, 43-44 ; De Saint-Denis 1947, 42 et 104-106). C’est ce même passage d’Aristote, redécouvert via la traduction de Michel Scot, qui a inspiré la notice consacrée au gamanem tirée d’Albert le Grand (AM 24, 59 (35) ; voir ch. 42), mais les déformations que le nom du glanis a subies au cours de la transmission médiévale d’Aristote, tout autant que le caractère succinct et mal assuré des renseignements fournis par Pline, empêchaient tout rapprochement possible entre les deux sources d’information.
2Vincent de Beauvais (VB 17, 40), Thomas de Cantimpré (TC 7, 24) et Albert le Grand (AM 24, 27 (20)) décrivent sous les entrées capitatus, i / capito, onis un même poisson, dans lequel il faut reconnaître le chabot (Cottus gobio Linné, 1758) comme le propose Stadler 1920, 1526. Les deux termes capitatus / capito sont dérivés de caput, « la tête », et signifient « qui a une grosse tête ». Les indications concordantes et complémentaires réunies par Thomas de Cantimpré et Albert le Grand sur la petite taille de l’animal (un demi-pied), sa morphologie (la grosseur de la tête disproportionnée par rapport au reste du corps), sa couleur et son comportement (un poisson qui reste caché entre les pierres) conviennent parfaitement au chabot. On notera que le nom vernaculaire « chabot » remonte probablement lui-même à un étymon latin médiéval, cabos, dérivé de caput.
3Le poisson désigné sous l’appellation carpera est la carpe commune (Cyprinus carpio Linné, 1758). La notice de Thomas de Cantimpré (TC 7, 23), reprise par Vincent de Beauvais (VB 17, 40), puis par l’Hortus sanitatis, constitue, avec le passage parallèle d’Albert le Grand (AM, 24, 26 (20)), l’une des plus anciennes attestations de l’élevage des carpes en Europe et compte parmi les documents précieux qui nous renseignent sur l’histoire controversée de l’introduction de la carpe en Europe de l’Ouest. S’il est communément admis que la carpe est restée jusqu’à une date récente confinée au bassin des moyen et bas Danube, la chronologie et les modalités de son introduction en Europe de l’Ouest et de sa domestication font l’objet de discussions serrées. Certains, comme Balon 1995, 23-29, plaident pour une datation haute et font des Romains les artisans de la domestication de la carpe et de son introduction, dès les Ier et IIe siècles, dans le Norique, la Rhétie et la Germanie ou à Rome même, à partir de leurs établissements de Pannonie et de Dacie. Mais les faits avérés résistent à une telle hypothèse et l’interprétation qu’en propose Hoffmann 1995, 71-74 et 83-85, avec une chronologie beaucoup plus tardive semble plus réaliste. En effet, si Aristote évoque à plusieurs reprises sous le nom de κυπρῖνος un poisson qu’on identifie traditionnellement depuis les traités d’ichtyologie de la Renaissance comme la carpe, Pline ne mentionne que dans deux rapides remarques un poisson qu’il appelle le cyprin, cyprinus, et, dans les deux cas, c’est sous l’autorité d’Aristote : [pariunt] cyprini sexiens (Plin. nat. 9, 162, d’après Arist. HA 568 a 16, « le cyprin fraie six fois dans l’année ») ; hoc et in mari accidere cyprino putant (Plin. nat. 9, 58, d’après Arist. HA 602 b 23, « le cyprin peut souffrir d’insolation ou être commotionné par la foudre comme le silure »). Pline ajoute à l’observation d’Aristote une précision malencontreuse, in mari, qui fait du cyprin, toujours fluviatile chez Aristote, une carpe de mer bien difficile à identifier (voir De Saint-Denis 1947, 30-31). On ne rencontre aucune autre mention ni description chez les auteurs latins d’un poisson qui pourrait être la carpe (Ausone, par exemple, au IVe siècle, ne la cite pas parmi les poissons de la Moselle). La plus ancienne attestation du nom de la carpe en latin, carpa, se trouve donc chez Cassiodore, qui l’évoque précisément, au début du VIe siècle, comme un poisson du Danube : Destinet carpam Danuvius (Cass. var. 12, 4, 1) et qui emploie pour la désigner, non le terme classique cyprinus, mais un terme d’emprunt, sans doute au gothique. Aucun des auteurs médiévaux qui citent la carpe et la connaissent n’a fait le rapprochement avec le cyprinus classique. Sensible au silence des auteurs latins de l’Antiquité sur la carpe et conjuguant témoignages littéraires et archéologiques, Hoffmann propose donc de distinguer trois phases dans la diffusion de la carpe en Europe. À la période romaine, la carpe nourrit les populations installées dans le bassin du Danube, mais on ne l’élève pas ; elle reste confinée à son habitat d’origine et ne suscite pas autrement l’intérêt du monde latin. En revanche, entre le VIIe et le XIe siècle, mais surtout au XIe siècle, la carpe serait lentement passée du bassin du Danube aux affluents du moyen Rhin. Jusqu’à la fin du XIe siècle, rien n’indique qu’elle ait été domestiquée, les témoignages littéraires sur la carpe restent rares. Au début du XIIe siècle encore, Alexandre Neckam passe sous silence la carpe dans son évocation des animaux aquatiques, ce qui laisse à penser que la carpe était ignorée au nord de la France. Mais du XIIe siècle au début du XIVe, la carpe gagne les cours de la Meuse et du Rhin et, de là, le Bassin parisien et la Bourgogne. C’est alors une émergence soudaine de la carpe dans une documentation variée : réglementations sur la pêche et l’élevage, recueils encyclopédiques ou littérature culinaire… Pour la première fois, on trouve des allusions précises à l’élevage de la carpe. Au cours d’une troisième étape, au milieu du XIVe siècle, la carpe se serait largement répandue vers le sud-ouest de la France et vers le nord, jusqu’en Angleterre et en Scandinavie ; elle n’aurait atteint l’Italie qu’à la fin du Moyen Âge. La citation de Thomas de Cantimpré est donc caractéristique de la phase d’accélération qu’a connue l’acclimatation de la carpe en Europe aux XIIe et XIIIe siècles.
4La rapide notice sur le glanis tirée de Thomas de Cantimpré reprend l’une des deux mentions du glanis qu’on peut relever chez Pline (Plin. nat. 9, 145 et nat. 32, 148). En effet, les observations précises et cohérentes réunies par Aristote sur le seul glanis (en particulier Arist. HA 568 a 22 - b 24 et Arist. HA 621 a 21 - b 2) laissent place chez Pline à de brèves remarques distribuées sous deux dénominations différentes de poissons, le glanis et le silurus. Ainsi en Plin. nat. 9, 145 (d’après Arist. HA 621 a 33 - b 2), Pline traduit le terme γλάνις par son calque latin, mais en Plin. nat. 9, 58 (d’après Arist. HA 602 b 22-24) et Plin. nat. 9, 165 (d’après Arist. HA 568 b 15-17) il préfère traduire γλάνις par silurus, lui-même emprunté au grec σίλουρος. Si l’emploi du nom silurus dans ces passages ou en Plin. nat. 9, 45 (à propos des silures du Mein et du Danube), comme dans la description enthousiaste qu’Ausone consacre au silure de La Moselle (Auson. mos. 135-149), semble bien renvoyer au silure glane, en revanche, le silurus du Nil évoqué en Plin. nat. 9, 44 ne peut être qu’un autre poisson, et le terme σίλουρος chez des auteurs grecs comme Athénée ou Élien paraît désigner un poisson ressemblant, mais différent du glanis (voir D’Arcy Thompson 1943, 233-237 ; De Saint-Denis 1947, 104-106). Il est donc difficile d’évaluer quelle connaissance exacte avait Pline du silure glane, inconnu des fleuves et des lacs d’Europe occidentale, d’autant plus qu’il range de façon inexpliquée le glanis parmi les animaux marins dans son catalogue du livre 32 (Plin. nat. 32, 148). Le silure peut se rencontrer dans les eaux saumâtres, mais rarement, et De Saint-Denis 1947, 42, formule l’hypothèse que le glanis de mer n’aurait jamais existé que dans le catalogue de Pline ! Les lecteurs médiévaux de Pline ont donc récupéré sur le silure glane un héritage malaisé à appréhender et desservi par une transmission manuscrite défectueuse. Thomas de Cantimpré et Albert le Grand ont ainsi logiquement distribué les connaissances tirées de Pline dans des notices distinctes, dédiées respectivement au caucius / glanis (TC 7, 20 ; AM 24, 24 (19) d’après Plin. nat. 9, 145), et au silure (TC 7, 24 De siluro ; AM 24, 109 (52) Sunus, d’après Plin. nat. 9, 45 et 165). On notera que Vincent de Beauvais, suivi par l’auteur de l’Hortus sanitatis, n’a pas réservé d’entrée au silurus dans son catalogue des animaux aquatiques.
5Pour l’histoire de cette transmission perturbée du texte de Pline, se reporter à l’analyse proposée en introduction (« Des informations soumises aux aléas de la transmission ») ou voir s. v. Cautius.
6La notice de Thomas de Cantimpré ne doit rien à la tradition classique. Le chabot n’est mentionné qu’une seule fois par Aristote sous le nom de κόττος en Arist. HA 534 a 1-4, et il ne semble pas avoir retenu l’attention des Romains : peut-être faut-il mettre ce fait en relation avec la distribution géographique du chabot, qui se rencontre aujourd’hui dans une grande partie de l’Europe, sauf précisément en Europe du Sud. Le terme cottus désigne encore de nos jours un chabot de la zone littorale, c’est une espèce marine mais anatomiquement très proche du chabot de rivière. Thomas de Cantimpré distingue le capito d’eau douce (TC 7, 24), dont la description correspond au chabot, du capito de mer, sans doute le chaboisseau commun (Myoxocephalus scorpius Linné, 1758) auquel il consacre une notice spécifique (TC 7, 25), que n’a pas reprise Vincent de Beauvais et qui se trouve donc absente de l’Hortus sanitatis. Le terme capito a été aussi utilisé en latin classique, en particulier par Ausone (Auson. mos. 15, 85), mais pour désigner un poisson d’eau douce identifié traditionnellement depuis Rondelet (Guillaume Rondelet, Libri de piscibus marinis, livre VIII, ch. 16-18) avec le chevaine (ou meunier ou vilain… Leuciscus cephalus Linné, 1758).
7Ces informations sont obscures, mais peuvent être l’écho déformé d’une certaine réalité. La parade amoureuse chez les carpes est bruyante et tapageuse, les mâles se couvrent d’excroissances cutanées et, au moment de lancer leur laitance, battent l’eau de leur queue et font un bruit remarquable (voir Cuvier & Valenciennes 1828-1849, t. 16, 39). Par ailleurs, les femelles pondent leurs œufs en plusieurs fois avec des intervalles d’une semaine environ et le poids des ovules peut dépasser le tiers du poids de la mère. La notice de Thomas de Cantimpré ne doit rien à la tradition classique et les lecteurs médiévaux d’Aristote n’ont pas reconnu la carpe qu’ils connaissaient dans les descriptions du poisson appelé kokoneoz dans la traduction de Michel Scot. Les indications sur la reproduction de la carpe ne recoupent donc pas les renseignements délivrés par Aristote à ce sujet.
8Les carpes sont victimes de parasites externes dont les blessures sont facteurs d’infection : des petits crustacés comme l’ergasilus ou l’argulus, des vers, comme le lernea, ou encore des sangsues, comme la piscicola geometra, ou encore la clepsine, qui s’attaque particulièrement aux alevins de la carpe.
9La carpe est si prolifique – une grosse carpe peut pondre jusqu’à 600 000 œufs – que le nombre des alevins peut nuire à la croissance des petites carpes. L’éleveur doit retirer les alevins et ne laisser qu’une quantité convenable de petites carpes dans les aleviniers (Cuvier & Valenciennes 1828-1849, t. 16, 39-40).
10La combativité et les habiletés de la carpe pour échapper à la prise sont réelles et sont communément évoquées dans la littérature ichtyologique. La carpe est, en effet, connue pour ses bonds considérables au-dessus des obstacles et pour l’adresse qu’elle déploie afin de se soustraire aux filets : Cuvier & Valenciennes 1828-1849, t. 16, 40 notent, comme ici, que la carpe enfonce sa tête dans la vase quand elle sent qu’on traîne le filet dans l’eau et qu’elle laisse ainsi passer la nappe de mailles au-dessus d’elle.
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1caput 38 1536.
2glaucus 1536 ut semper.
3natura VBd.
4Vincent de Beauvais reproduit fidèlement le texte de Thomas de Cantimpré.
5Le commentaire dont Vincent de Beauvais assortit la citation de Thomas de Cantimpré s’inscrit dans l’histoire perturbée de la transmission de Pline (Plin. nat. 9, 145), qui se prolonge jusqu’aux premières éditions incunables de l’Histoire naturelle. La correction apportée par l’édition de 1536 rejoint ainsi le texte retenu par l’édition de Pline de 1481 (Parme, Andrea Portilia) : glaucus qui et glanis uocatur. C’est une initiative malheureuse, qui fait contresens, puisque le glaucus, dans la tradition latine classique, est un poisson de haute mer, probablement un squale, le bleu, dénommé d’après sa couleur. Conscient sans doute de l’incohérence du texte ainsi conjecturé (les termes glaucus et glanis ne pouvant faire référence au même poisson), le correcteur de l’édition de 1536 s’en est tenu à la seule dénomination glaucus et a supprimé le développement qui glanis vocatur ainsi que le commentaire de Vincent de Beauvais.
6qui — glanis om. 1536.
7actor — glancius om. 1536.
8idque melius post scribitur hab. VBd.
9laucius Prüss1.
10glaucius VB.
11in — supra non hab. VB.
12Vincent de Beauvais reproduit fidèlement le texte de Thomas de Cantimpré à la seule variante près sur le nom : capitatus / capito.
13corpus 1491 Prüss1 1536 VB2.
14in — libro non hab. VB.
15Des paragraphes 4 à 10, l’Hortus sanitatis reproduit d’après Vincent de Beauvais le chapitre de Thomas de Cantimpré consacré à la carpe sous une forme légèrement remaniée et abrégée.
16L’absence de la palatalisation normalement attendue du phonème [k] à l’initiale devant [a] est en faveur d’une pénétration tardive du mot carpa dans la Romania. Toutes les dénominations médiévales de la carpe en latin sont construites sur cette même racine : carpo, carpio, carpana (relevées dans le glossaire de Du Cange), ou les formes carpera / carperen, rencontrées dans la tradition manuscrite de Thomas de Cantimpré et d’Albert le Grand. On peut se demander s’il ne faut pas reconnaître dans carpera la latinisation d’une forme vernaculaire, comme le néerlandais carper, comparable à celle supposée pour le nom du flet, botha peut-être latinisé sur bot.
17suam 1491.
18odit 1491 Prüss1 1536.
19levi VB.
20adjuvat Prüss1.
21feminis 1491.
22parere nequit om. Prüss1.
23ad partum om. 1536.
24ejus non hab. VBd.
25cujus VBd.
26pepererit Prüss1 1536 peperit 1491 peperint VB2.
27evenerit Prüss1 1536.
28transitus 1491 Prüss1 1536.
29secundum om. 1491 Prüss1 ad 1536.
30scilicet non hab. VB.
Annotations scientifiques
- Donec tempor euismod sagittis
- Cum sociis natoque penatibus
- Morbi tempus nulla sed quam vestibulum
- Donec eleifend aliquam interdum