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Pensées 1638 à 1642

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.
Q : 1750-1751.
S : 1754-1755.
V : 1754.

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Pensées, volume III

1638

{f.2r}

Prisoñiers

Je ne sçais comment il arriva qu’un Turc se trouva un jour avec un cannibale[1], vous etes bien cruels luy dit le mahometan, vous mangez les captifs que vous avez pris a la guerre ; que faites-vous des votres luy repondit le canibale ah ! nous les tuons ! Mais quand ils sont morts nous ne les mangeons pas[2].

Cruauté

Il semble qu’il n’y ait point de peuple qui n’ait point de peuple qui n’ait sa cruauté particuliere, que chaque nation ne soit touchée que de celle des autres nations comme si la barbarie etoit une affaire d’usage comme les modes, et les habits[3].

- - - - -

Main principale P

1639

Tout en Europe est plein de changemens

Changemens

, les etofes de laine en Angleterre n’etant plus d’un si grand usage si grand usage, et ne se consommant guêres plus principalement que dans le Levant et dans l’Orient on à augmenté la culture des terres en Angleterre et on en à cultivé de mauvais[es] terres qu’on ne cultivoit pas, de sorte qu’on compte a present en Angleterre qu’il sort pour 200 mille livres sterling de bled plus qu’il n’en sortoit autre fois, on cultive moins {f.2v} en Sicile, en Sardaigne, en Barbarie[1], en Pologne, de sorte que la Holande, la France, l’Italie même par Livourne, l’Espagne même ont besoin du bled d’Angleterre
On a trouvé de plus en Angleterre On a trouvé depuis douze ans, en Angleterre qu’on ne paroit tiroit pour environ 100 mille livres sterling d’argent, des mines d’etaing plomb[2] que l’on separe par le mercure, et l’on à trouvé que l’on pouvoit conserver l’etaing le plomb apres l’operation, il n’y a qu’un dechet d’un qu’un dixime[3], et l’etaing le plom même apres l’operation en est plus malleable, lorsqu’une centaine de pieces qui sont je crois 20 milliers pesant un thoneau de plomb qui est je croy deux cens miliers pesant donnent cinq onces d’argent qui sont environ cinq chelins il y à quelque profit les cinq onces chaque once fait cinq chelins[4] il y à quelque profit, mais on en tire quelque fois jusqu’à 14 onces
Milord Bath[5] m’a dit ceci.
Il m’a dit encore que du tems de Cromwel les revenus des postes en Angleterre ne montoient qu’à 30 mille livres sterling par an, qu’apres la restauration on do Charles II. les donna au duc d’Iorck[6] son frere pour son ap apanage, que depuis on les donna à ferme {f.3r} queque les fermiers oterent les abus et les firent mieux valoir. De On les mit ensuite en regie et a present on l’ etat en tire 150 mille livres sterling par an d’ou il faut conclure que la meilieure maniere est de commancer par la ferme par ce que les fermiers gens interessés commancent par oter les abus, et portent l’impost a sa valeur, apres quoy il faut aller à la regie[7]. * Ceci doit etre mis dans l’Esprit des loix au chap. de la regie[8].

- - - - -

Main principale P

1640

Milord Bath[1] dit que l’Angleterre et l’Ecosse ont donné dans des années jusqu’à 11. millions sterling[2] que cependant elles ne fait ont guéres par leur etendue que le tiers du royaume de France, ce qu’il or la France dit il ne paie pas beaucoup pres tant a proportion et comptant 8 millions d’habitans en Angleterre et Ecosse, et 20 millions en France il se trouve que la France ne paie autant {f.3v} a beaucoup pres, ni a proportion de ses habitans, ni à proportion de ses terres. Il attribue cela 1º au commerce 2º au gouvernement qui fait que se taxant soy même on se taxe au dessus de ses forces par un l’ amour pour la liberté, 3º aux richesses de leurs mines[3]. * J’ajoutay que la France a une grande partie de son pays en forests, que l’Angleterre y suplée par ses mines de charbon, il faut qui font le suplement des terres qui formeroient de grandes provinces, notre gouvernement qui fait qu’on ne peut taxer la noblesse trop loin parce qu’on en à besoin pour la guerre et pour la cour, pour l’exercice des charges civiles, ni les marchands toujours ta que la maltaute[4] ecrase deja, la taxe est donc sur le bas peuple qui est ecrasé, et tout est ecrasé encore parce qu’on commance par accabler, et que personne n’a le tems de s’enrichir

Main principale P

1641

{f.4r} [Passage à la main M] Depuis douze ans on s’est avisé en Angleterre de tirer de l’argent du plomb[1], lors qu’un toneau de plomb qui est environ deux cens milliers pesant donne cinq onces d’argent qui a cinq chelings l’once font vingt cinq chelings[2] on ne perd ny ne gagne a l’operation mais tout le surplus est en profit ; or il y a quelque fois 14 20 24 onces d’argent ainsi le pr surplus est en profit et on porte touts les ans a l’hotel de la Monoye cent mille livres sterling en argent dans la depense qui va a cinq onces on compte un dixieme de dechept[3] dans le plomb mais cela est un peu compensé par la valeur du plomb que l’on a retiré de la qui a passé par l’operation il a un plus grand prix parce qu’il est plus malleable :

Passage de la main P à la main M

1642

{f.4v} [Passage à la main P] Petite preface pour l’Histoire de France [1].

- - - - -

Un docteur de l’université de Salamanque à trouvé par un calcul exact que depuis la mort d’Henry IV. jusqu’au traité des Pyrenées, les ligues, les associations de la noblesse les deliberations des parlements les differentes expeditions, les traités de paix et de guerre ne couterent que 118 minutes de reflexion a toutes les têtes francaises qu’en remontant plus haut aux regnes d’Henry III. Charles IX. François II. ils furent dans une distraction generale et s’entretuerent toujours sans y penser. Un de leur roy qui par hazard pensoit beaucoup se voiant chef d’une nation qui ne pensoit pas entreprit de la subjuguer y reusit et se mit comme il disoit hors de page[2].

- - - - -

Passage de la main M à la main P


1638

n1.

Entre 1748 et 1750 (secrétaire P), Montesquieu fait recopier ici ce fragment, paru parmi les lettres publiées dans Le Fantasque en 1745 (LP, p. 584-585). On en trouve une première version dans l’Histoire véritable [env. 1734-1739] : le rôle du Turc y est occupé par un « Egiptien », s’adressant à Ayesda, réincarné en Africain « chef d’un petit peuple sauvage » (OC, t. 9, p. 171, l. 880-885).

1638

n2.

Voir Montaigne, I, 31, p. 209 : « Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu’à le manger mort, à deschirer, par tourmens et par geénes, un corps encore plein de sentiment […] ».

1638

n3.

Voir Montaigne, I, 31, p. 205 : « […] il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ».

1639

n1.

Voir nº 177, note 3.

1639

n2.

Il s’agit de plomb sulfuré ou galène argentifère, exploité dans plusieurs régions de Grande-Bretagne.

1639

n3.

Comprendre : dixième.

1639

n4.

Comprendre : shillings.

1639

n5.

Cf. nº 593. Guillaume Pulteney, devenu comte de Bath, que Montesquieu avait rencontré en Angleterre comme rédacteur du Craftsman (Notes sur l’Angleterre, Masson, t. III, p. 285), avait parlé à la Chambre des lords en 1749 des « sentimens sur les dettes publiques » exprimés dans L’Esprit des lois (ibid., p. 1216, 1221) et devait faire parvenir à l’auteur, par l’intermédiaire de Domville, une approbation de sa présentation de la Constitution d’Angleterre (ibid., p. 1229, 1235, 1244) ; Montesquieu le vit à Paris en 1750, selon une lettre de Bulkeley du 17 septembre (Masson, t. III, p. 1322). C’est de cette période qu’il faut dater les entretiens qui inspirent les nº 1639, 1640, 1641, 1648, 1649, 1650, articles axés principalement sur les ressources, la fiscalité et la dette de l’Angleterre, autographes ou transcrits par Damours (1748-1750), réflexion poursuivie dans la perspective d’une nouvelle édition de L’Esprit des lois (nº 1650, in fine) ; sur les corrections et révisions du texte en 1749-1750, voir Cecil P. Courtney, « Montesquieu et ses relations anglaises : autour de sa correspondance des années 1749-1750 sur deux éditions britanniques et deux traductions de L’Esprit des lois », CM, nº 9, 2005, Montesquieu, œuvre ouverte ? (1748-1755), p. 147-157.

1639

n6.

Par un acte du Parlement de 1663, le futur Jacques II (1633-1701), frère du roi Charles II, devenu duc d’York en 1643, s’était vu attribuer les profits de la poste, qui revinrent à la couronne lorsqu’il monta sur le trône en 1685 (Histoire d’Angleterre par M. de Rapin Thoyras, La Haye, A. de Rogissart, 1727, t. IX, p. 220 ; Howard Robinson, The British Post Office; a History [1948], Westport, Greenwood Press, 1970, p. 53, 77).

1639

n7.

C’est ce que suggère David Hume à Montesquieu, en s’appuyant sur l’exemple anglais, dans sa lettre du 10 avril 1749 : « Il y a cent mille arts & inventions pour prévenir les fraudes des particuliers, que l’intérêt des fermiers leur suggère & dont les régisseurs ne se seroient jamais doutés » (Masson, t. III, p. 1219-1220). Sur l’intérêt de Montesquieu pour la régie, voir nº 1572.

1639

n8.

EL, XIII, 19.

1640

n1.

Voir nº 1639, note 5.

1640

n2.

Il s’agit du montant des ressources fiscales.

1640

n3.

Cf. nº 1639, 1641, à propos du plomb argentifère.

1640

n4.

« Exaction indûe. Le Public appelle ainsi par abus toute sorte de nouvelles impositions » (Académie, 1740, art. « Maltôte »).

1641

n1.

Voir ci-dessus, nº 1639.

1641

n2.

Comprendre : shillings.

1641

n3.

Comprendre : déchet.

1642

n1.

Sur ce projet d’ouvrage, voir nº 1111, 1302 (titre). Cette préface parodique est peut-être à rapprocher de l’article nº 1191, qui évoque les « calculs exacts » d’un autre docteur espagnol, Huarte, l’auteur de l’Examen des esprits pour les sciences [1re éd. en espagnol 1575], ouvrage sur la manière de cultiver les capacités intellectuelles dans l’intérêt d’un royaume (Catalogue, nº 1474 : C. Vion d’Alibray (trad.), Lyon, G. Blanc, 1668).

1642

n2.

« On dit […] d’un homme qui est devenu absolument son maître, qu’il est hors de page » (Académie, 1740, art. « Hors »). Le roi en question serait Louis XI, d’après un mot prêté à François Ier (Discours des États de France, dans Les Œuvres de Maistre Coquille, Bordeaux, La Bottière, 1703, t. I, p. 280 – Catalogue, nº 776).