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Pensées 1686 à 1690

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.
Q : 1750-1751.
S : 1754-1755.
V : 1754.

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Pensées, volume III

1686

[Passage à la main M] Je ne serois point du tout d’une plus grande fortune mais pour celles de ces gens d’affaires non equidem invideo miror magis[1] :

- - - - -

Passage de la main P à la main M

1687

Je ne puis comprendre coment les princes croyent si aisement qu’ils sont tout et coment les peuples sont si portés a croïre qu’ils ne sont rien

- - - - -

Main principale M

1688

On demendoit a Chirac[1]

Chirac

si le comerce avec les femmes estoit mal sain il disoit non pourvu qu’on ne prenne pas de drogues mais j’avertis que le changement est une drogue * il avoit raison et cela est bien prouvé par les serrails d’Orient

- - - - -

Main principale M

1689

Je disois que jusques a sept ans ou six il ne falloit rien aprendre aux enfans  et que meme cela pouvoit estre dangereux qu’il ne faut songer qu’a les divertir ce qui est la seule felicité de cet age, les enfans son recoivent par tout les idèes que donnent les sens[1] ils sont tres attentif parce que beaucoup de choses les etonent et par cette raison ils sont extremement curieux il ne faut donc songer qu’a les dissiper et les soulager de leur attention par le plaisir ils font {f.34v} touttes les refflections qui sont a leur portée leurs progrés extraordinaires sur la langue en est une preuve quand donc vous voules leur faire faire vos propres refflections vous empechés les leurs que la nature leur fait faire votre art trouble le procedé de la nature[2] vous les retir retirés de l’attention qu’ils se donnent pour qu’ils prenent celle que vous leur donnés celle la leur plait l’autre celle cy leur deplait vous les jettés dans les idées abstraites pour lesquelles ils n’ont point de sens ils ont des idées particulieres et vous les generalisés avant le temps par exemple l’idée de bonheur de justice de probité tout cela n’est point de leur ressort ne leur faites rien voir de mauvais vous n’avés rien autre chose affaire a un certein age le cerveau ou l’esprit se develope tout a coup pour lors travaillés[3] et vous ferés plus dans un quart d’heure que vous n’auriés fait dans six mois jusques a ce temps la laisses former le corps et l’esprit par la nature.

- - - - -

Main principale M

1690

{f.35r} [Passage à la main P] Materiaux qui n’ont pu entrer dans l’Esprit des loix.

- - - - -

Des banques publiques et des compagnies de commerce[1].
Pourrois-je a l’exemple de Giannony qui à fait l’Histoire civile du royaume de Naples[2], donner icy celle du royaume d’Alger[3]. Cette hïstoire est si courte qu’elle ne poura guêres ennuier le lecteur. Il est vray qu’elle est tres peu variée. Quelques milliers milliers de douzaines de coups de batons donnés sous un regne plus que sous un autre y font toute la difference des evenemens, il n’y à qu’un fait qui puisse etre transmis à la posterité.
Le dey Mehemet Gery etoit un jeune homme, il avoit un esclave chretien qui l’entretenoit {f.35v} souvent des richesses et du commerce de quelques etats d’Europe cela le frapa, il s’indigna de voir qu’il etoit maitre absolu d’un grand pays, et qu’il n’avoit point d’argent, il fit d’abord etrangler son premier ministre qui luy avoit dit en haussant les epaules qu’il n’etoit pas plus pauvre que ses predecesseurs, et qu’il ne pouvoit pas non plus etre plus riche, il choisit un nouveau vizir, qui luy parla parla ainsi dans le divan.
Tu m’as mis dans le ministere a la place d’un homme qui ne sçavoit faire ses affaires ni les tiennes. Voila deux nuits que je passe à former un projet qui signalera à jamais ton regne, il s’agit d’etablir une banque à Alger, afin que tout l’argent du pays se trouve dans un depost public. Toute la difficulté consiste {f.36r} à engager les marchands a l’y porter, car ce sont des coquins qu’ils ont toujours peur qu’on ne leur fasse quelque insulte, de mauvais sujets qui n’oublient rien pour te priver de ce qu’ils ont, et qui te verroient trainer dans les rües avant de t’offrir dix ducats ; il y a des expediens pour tout ; je les feray enlever tous dans une nuit, on les chargera de chaines, et ils receveront tous les jours cent coups de batons jusqu’à ce qu’ils aient declaré leur argent, nous leurs donnerons à la place un papier qui sera signé par les six plus anciens officiers de la milice, je ne doute pas que nous ne donnions un furieux echec aux banques d’Europe qui ne peuvent guêres se soutenir parce que les negotians qui les forment morguent sans cesse le gouvernement, et sont {f.36v} sans courage insolens comme des janissaires, au lieu que nos gens seront trop tres souples. Si ce projet reusit j’en ay un autre qui faira encore plus d’honneur a la nation algeriene c’est d’etablir une compagnie des Indes  ; tes femmes seront couvertes de pierr[er]ies et tu verras couler chez toy des fleuves d’or Mahomet serviteur du Dieu puissant soit à ton aide.
Il s’assit, un vieux conseiller se leva et apres avoir mis ses mains sur sa poitrine incliné son dos, baissé sa tête, il dit d’une voix plus basse seigneur je n’aprouve point le projet de ton ministre. Si la milice sçavoit que tu euses de l’argent elle t’etrangeleroit[4] le lendemain, il s’assit et le dey congedia l’assemblée.

- - - - -

Passage de la main M à la main P


1686

n1.

« Je ne suis point jaloux, mais étonné plutôt » (Virgile, Bucoliques, I, v. 11, E. de Saint-Denis (trad.), Paris, Les Belles Lettres, 1970). Cf. nº 1100.

1688

n1.

Pierre Chirac (1652-1732), premier médecin du Régent, puis, à partir de 1730, du roi Louis XV ; « le plus savant médecin de son temps, en théorie et en pratique », selon Saint-Simon (t. VI, p. 644).

1689

n1.

Principe conforme à l’épistémologie sensualiste de Locke. Voir Pensées, nº 798, 1187 et 1341.

1689

n2.

Montesquieu rejoint certains principes pédagogiques de Montaigne (« nous ne saurions faillir à suivre nature », Montaigne, III, 12, p. 1059) ou de Fénelon dans son Traité de l’éducation des filles [1687] : « Il faut se contenter de suivre et d’aider la nature » (Paris, C. Delagrave, 1883, p. 21). Mais il anticipe surtout de manière frappante la doctrine de l’éducation négative développée par Rousseau au livre II de l’Émile. Le contre-modèle est l’éducation reçue par les chartreux (voir nº 1192).

1689

n3.

Dans le cadre de cette phase pédagogique active, Montesquieu insistait, dans l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, sur la nécessité d’étendre, de multiplier et de « composer » les idées (OC, t. 9, p. 247 et suiv.).

1690

n1.

Montesquieu présente, de façon plaisante, et sous forme d’apologue, des idées développées dans L’Esprit des lois : la puissance financière ne pouvant être dissociée de la puissance publique, les banques et les compagnies de commerce ne conviennent pas au gouvernement d’un seul (XX, 10). Par ailleurs, la proportion constante entre la quantité d’argent disponible et celle des marchandises en circulation, qui favorise les échanges et assure la prospérité, suppose la confiance et la liberté des acteurs économiques, incompatibles avec le gouvernement despotique : « la tyrannie et la méfiance y font que tout le monde y enterre son argent » (XXII, 2). Montesquieu s’appuie à ce sujet (ibid., note (c) : Derathé, t. II, p. 68) sur l’ouvrage de Jacques Philippe Laugier de Tassy, chancelier du consulat à Alger (1717-1718), intitulé Histoire du royaume d’Alger, avec l’état présent de son gouvernement, de ses forces de terre et de mer, de ses revenus, police, justice, politique et commerce […] (Amsterdam, H. du Sauzet, 1725 – Catalogue, nº 3128).

1690

n2.

Cf. nº 446. Montesquieu envisageait d’acquérir, lors de son séjour à Naples (Spicilège, nº 660), cet ouvrage très rare, absent du Catalogue, dont il a pu entendre parler par ses relations : l’abbé Conti, fréquenté par Montesquieu à Venise (voir nº 585, note 1), avait soutenu la publication de Dell’Istoria civile del Regno di Napoli libri XL de Giannone, qui dénonçait la corruption du clergé et dont les exemplaires sont séquestrés ou brûlés après sa publication à Naples en 1723 ; Jacob Vernet accueillit et aida Giannone lorsque celui-ci se réfugia à Genève et il se chargea des manuscrits du savant italien après son enlèvement, le 24 mars 1736 (Voir Sven Stelling-Michaud et Paul Waeber, « Pietro Giannone et les Genevois à l’aube des Lumières », Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de Genève, t. XVI, vol. 1, 1976 [1978], p. 23-54). Sur Montesquieu lecteur de Giannone, voir Shackleton, p. 90, p. 92, p. 175, p. 252, p. 255 ; Salvatore Rotta, « Montesquieu nel Settecento italiano : note e ricerche », Eliohs, octobre 2003, Scritti scelti di Salvatore Rotta [en ligne à l’adresse suivante : http://www.eliohs.unifi.it/testi/900/rotta/rotta_montesettit.html] ; Eleonora Barria-Poncet, L’Italie de Montesquieu, entre lectures et voyage, Paris, Classiques Garnier, 2013.

1690

n3.

Le chapitre VI de l’ouvrage de Jacques Philippe Laugier de Tassy (Histoire du royaume d’Alger, avec l’état présent de son gouvernement, de ses forces de terre et de mer, de ses revenus, police, justice, politique et commerce […], Amsterdam, H. du Sauzet, 1725) décrit le pouvoir absolu mais tout à fait précaire du dey, régent d’Alger sous la domination de l’Empire ottoman (ibid., p. 212-226) ; si l’épisode raconté par Montesquieu tient du conte philosophique, son épilogue cadre avec cette description d’un maître absolu « esclave des esclaves » (ibid., p. 219).

1690

n4.

Lire : étranglerait.