MON REVEREND PERE,
Ie commenceray cette Lettre par mes observations sur le Livre de Galilée. Ie trouve en general qu’il philosophe beaucoup mieux que le vulgaire, en ce qu’il quitte le plus qu’il peut les erreurs de l’Ecole, et tâche à examiner les matieres Physiques par des raisons Mathematiques. En cela ie m’accorde entierement avec luy et ie tiens qu’il n’y a point d’autre moyen pour trouver la Verité. Mais il me semble qu’il manque beaucoup, en ce qu’il ne fait que des digressions, et ne s’arreste point à expliquer suffisamment aucunes matieres ; ce qui monstre qu’il ne les a point toutes examinées par ordre, et que sans avoir consideré les premieres causes de la Nature, il a seulement cherché les raisons de quelques effets particuliers, et ainsi qu’il a basty sans fondement. Or, d’autant que sa façon de philosopher est plus proche de la vraye, d’autant peut-on plus aisément connoistre ses fautes, ainsi qu’on peut mieux dire quand s’égarent ceux qui suivent quelquesfois le droit chemin, que quand s’égarent ceux qui n’y entrent iamais.
AT II, 381 Page 2. Il propose ce qu’il veut traitter, à sçavoir pourquoy les grandes machines estant en tout de mesme figure et de mesme matiere que les moindres, sont plus foibles qu’elles ; Et pourquoy un enfant en tombant se fait moins de mal qu’un grand homme, ou un chat qu’un cheval, etc. En quoy il n’y a ce me semble aucune difficulté, ny aucun sujet de faire une nouvelle science : Car il est evident, qu’afin que la force ou la resistance d’une grande machine soit en tout proportionnée à celle d’une petite de mesme figure, Clerselier II, 392 elles ne doivent pas estre de mesme matiere, mais que la grande doit estre d’une matiere d’autant plus dure, et plus mal-aisée à rompre, que sa figure et sa pesanteur sont plus grandes ; Et il y a autant de difference entre une grande et une petite de mesme matiere, qu’entre deux également grandes, dont l’une est d’une matiere beaucoup moins pesante, et avec cela plus dure que l’autre.
Page 8. Il a raison de dire que les filets d’une corde s’entretiennent, à cause qu’ils se pressent l’un l’autre ; mais il n’adjouste pas pourquoy cette pression est cause qu’il se tiennent, qui est, qu’il y a de petites inégalitez en leur figure, qui empeschent que chacun d’eux ne puisse couler entre ceux qui le pressent, si ces petites inégalitez ne se rompent.
Page 11. L’Invention pour se descendre revient à mesme chose, et il n’y a rien en tout cela qui ne soit vulgaire. Mais sa façon d’écrire par Dialogues, où il AT II, 382 introduit trois Personnes qui ne font autre chose que loüer et exalter ses Inventions chacun à son tour, aide fort à faire valoir ce qu’il veut dire.
Page 12. Il donne deux causes de ce que les parties d’un Cors continu s’entretiennent, l’une est la Crainte du Vuide, l’autre certaine cole ou liaison qui les tient, ce qu’il explique encore aprés par le Vuide ; et ie les croy toutes deux tres-fausses. Car ce qu’il attribuë au Vuide, (page 13.) ne se doit attribuer qu’à la pesanteur de l’Air ; et il est certain, que si c’estoit la Crainte du Vuide qui empeschast que deux Cors ne se separassent, il n’y auroit aucune force qui fust capable de les separer. La façon qu’il donne pour distinguer les effets de ces deux causes (page 15.) ne vaut rien ; Et ce qu’il fait dire à Simplicio (page 16.) est plus vray.
Page 17. L’Observation que les Pompes ne tirent point l’eau à plus de dix-huit brasses de hauteur ne se doit point rapporter au Vuide, mais ou à la matiere des Pompes, ou à celle de l’eau mesme, qui s’écoule entre la Pompe et Clerselier II, 393 le Tuyau, plutost que de s’élever plus haut, ou mesme à la pesanteur de l’eau qui contrebalance celle de l’Air.
Page 19. Il examine la Cole qu’il adjouste avec le Vuide, pour la liaison des parties des Cors, et il l’attribuë à d’autres petits Vuides qui ne sont aucunement imaginables ; Et ce qu’il dit, page 22. pour prouver ces petits Vuides, est un Sophisme : Car l’Exagone qu’il propose ne laisse rien de vuide en l’Espace par où il AT II, 383 passe, mais chacune de ses parties se meut d’un mouvement continu, lequel décrivant des lignes courbes qui remplissent tout un Espace, on ne doit pas les considerer comme il fait, en une seule ligne droite, et il n’importe qu’en sa figure les parties de la ligne droite IOPY, etc. ne soient point touchées par la Circonference HIKL, car elles le sont en recompense par d’autres parties de la superficie ABC. Et ainsi ne sont non plus vuides, que les parties OP, YZ, etc.
Page 28. C’est aussi un Sophisme que son Argument, pour prouver qu’un point est égal à une ligne, ou à une superficie : Car ex forma, on ne peut conclure autre chose, sinon que la ligne, ou la superficie, n’est pas un plus grand Cors solide que le poinct, mais non pas qu’elle n’est point plus grande absolument.
Page 31. Il manque en tout ce qu’il dit de l’Infiny ; En ce que, nonobstant qu’il confesse que l’Esprit humain estant finy, n’est pas capable de le comprendre, il ne laisse pas d’en discourir tout de mesme que s’il le comprenoit.
Page 40. Il dit que les Cors durs devenant liquides, sont divisez en une infinité de poincts, ce qui n’est qu’une imagination fort aisée à refuter, dont il ne donne aucune preuve.
Page 42. Il monstre n’estre pas sçavant en la Catoptrique, de croire ce qui se dit des Miroirs ardens d’Archimede, lesquels i’ay demonstré en ma Dioptrique, p. 119. estre impossibles.
AT II, 384 Page 43. Son experience pour sçavoir si la lumiere se transmet en un instant, est inutile : Car les Eclipses de la Lune se rapportant assez exactement au calcul qu’on en fait, Clerselier II, 394 le prouve in comparablementincomparablement mieux que tout ce qu’on sçauroit éprouver sur Terre.
Page 48. Il fait considerer une ligne droite, décrite par le mouvement d’un Cercle, pour prouver qu’elle est composée d’une infinité de poincts, actu, ce qui n’est qu’une imagination toute pure.
Page 50. Tout ce qu’il dit de la Raréfaction et Condensation, n’est qu’un Sophisme ; car le Cercle ne laisse point de parties vuides entre ses poincts, mais il se meut seulement plus lentement ; Et pour moy, ie ne conçoy autre chose touchant cela, sinon que lors qu’un Cors se condense, c’est que ses pores s’étrecissent, et qu’il en sort une partie de la matiere subtile qui les remplissoit, ainsi qu’il sort de l’eau d’une éponge quand on la presse : Et au contraire, quand un Cors se dilate, c’est que ses pores s’élargissent, et qu’il y entre davantage de matiere subtile, comme i’ay expliqué en plusieurs endroits de mes Meteores.
Page 54. Ce qu’il dit de l’Or Trait n’est nullement à propos, pour expliquer la Raréfaction ; car cét Or ne se rarefie point, mais change seulement de figure.
Page 62. Il est eloquent à refuter Aristote, mais ce n’est pas chose fort malaisée.
Page 69. Il dit bien que les Cors descendent plus AT II, 385 inégalement viste dans l’Eau que dans l’Air, mais il n’en dit point la cause, et il se trompe ; page 70. disant que l’Eau ne resiste aucunement à estre divisée ;
Page 71. Il dit ignorer la cause qui soûtient les goutes d’eau sur les chous, laquelle i’ay assez expliquée en mes Meteores.
Page 72. Tout ce qu’il dit de la Vitesse des Cors qui descendent dans le vuide, etc. est basty sans fondement ; car il auroit dû auparavant determiner ce que c’est que la pesanteur, et s’il en sçavoit la verité, il sçauroit qu’elle est nulle dans le Vuide.
Page 79. Sa façon de peser l’Air n’est pas mauvaise, si tant est que la Pesanteur en soit si notable, qu’on la puisse appercevoir par ce moyen ; mais i’en doute.
Clerselier II, 395 Page 83. Tout ce qu’il dit icy ne peut estre determiné, sans sçavoir ce que c’est que la Pesanteur.
Page 98. Tout ce qu’il met iusques à la fin de ce dialoque touchant la Musique, est vulgaire pour vous, et pour moy.
Page 103. Il dit que le son des cordes d’or est plus bas que celuy des cordes de cuivre, à cause que l’or est plus pesant ; mais c’est plutost à cause qu’il est plus mol. Et il se trompe, de dire que la pesanteur d’un Cors resiste davantage à la vitesse de son mouvement, que sa grosseur.
Page 114. Il compare la force qu’il faut à rompre un baston de travers, avec celle qu’il faut pour le rompre en le tirant de haut en bas, et dit que de travers c’est comme un levier, dont le soustien est au AT II, 386 milieu de son épaisseur ; ce qui n’est nullement vray, et il n’en donne aussi aucune preuve.
Page 129. Sa consideration pourquoy les Poissons peuvent estre plus grands que les Animaux terrestres n’est pas mauvaise.
Page 140. Ce qu’il dit des bois, qui doivent estre couppez en demy-Parabole, pour resister par tout également, est vray à peu prés, mais tout le reste est vulgaire.
Page 146. Ses deux façons pour décrire la Parabole sont du tout Mechaniques, et en bonne Geometrie elles sont fausses.
Page 157. il suppose que la vitesse des poids qui descendent, s’augmentent tousiours également, ce que i’ay autrefois cru comme luy ; mais ie croy maintenant sçavoir par demonstration qu’il n’est pas vray.
Page 166. Il suppose aussi que les degrez de vitesse d’un mesme Cors, sur divers Plans, sont égaux, lors que les Elevations de ces Plans sont égales, ce qu’il ne prouve point, et n’est pas exactement vray ; et pour ce que tout ce qui suit ne dépend que de ces deux suppositions, on peut dire qu’il a entierement basty en l’air.
Au reste il semble n’avoir écrit tout son troisiéme dialogue, Clerselier II, 396 que pour donner raison de ce que les tours et les retours d’une mesme corde sont égaux entr’eux, et toutesfois il ne la donne point ; mais il conclud seulement que les poids descendent plus viste, suivant l’arc d’un cercle, que suivant la corde du AT II, 387 mesme arc, et encore ne peut-il déduire cela exactement de ses suppositions.
Page 236. Il adjouste une autre fausse supposition aux precedentes, à sçavoir que les Cors iettez en l’air, vont également suivant l’horison ; mais qu’en descendant leur vitesse s’augmente en proportion double de l’espace : Or cela posé, il est tres-aisé de conclure, que le mouvement des Corps iettez, devroit suivre une ligne Parabolique ; Mais ses positions estant fausses, sa conclusion peut aussi estre fort eloignée de la verité.
Page 269. Il est à remarquer qu’il prend la converse de sa proposition, sans la prouver, ny l’expliquer ; à sçavoir que si le coup tiré horisontalement de b, vers c, suit la Parabole bd, le coup tiré de bas en haut, suivant la ligne d e, doit suivre la mesme parabole db, ce qui suit bien de ses suppositions. Mais il semble n’avoir osé l’expliquer, de peur que leur fausseté parust trop evidemment : Et toutesfois il ne se sert que de cette Converse en tout le reste de son quatriéme discours, lequel il semble n’avoir écrit que pour expliquer la force des coups de canon, tirez selon diverses Elevations. De plus il est à remarquer qu’en proposant ses suppositions, il en a excepté l’Artillerie, afin de les faire plus aisement recevoir ; et que toutesfois vers la fin, c’est à l’Artillerie AT II, 388 principalement qu’il applique ses conclusions, c’est à dire en un mot, qu’il a tout basty en l’air.
Ie ne dis rien des Demonstrations de Geometrie dont la pluspart de son Livre est remply, car ie n’ay sceu avoir la patience de les lire, et ie veux croire qu’elles sont toutes vrayes. Clerselier II, 397 I’ay seulement remarqué en voyant les propositions, qu’il n’estoit pas besoin d’estre fort grand Geometre pour les trouver : Et iettant les yeux sur quelques-unes, i’ay apperceu qu’il s’en faut beaucoup qu’il ne suive les plus cours chemins. Au reste cecy ne sera veu s’il vous plaist que de vous seul, qui avez desiré que ie vous l’écrivisse, et à qui i’ay tant d’obligations, que ie croy ne vous devoir rien refuser qui soit en mon pouvoir ; Sans cela ie ne me serois pas amusé à reprendre les fautes d’un autre, car il n’y a rien de plus contraire à mon humeur ; et du moins si ie l’avois fait, i’aurois esté plus exact à y adjouster les raisons de mes iugemens, afin que ceux qui ne me connoissent pas comme vous, ne se pussent imaginer que i’eusse iugé sans raison.
Ie passe aux articles de vos Lettres, ausquels la violence du sommeil m’empescha dernierement de répondre. Et premierement touchant Galilée, ie vous diray que ie ne l’ay iamais veu, ny n’ay eu aucune communication avec luy, et que par consequent ie ne sçaurois en avoir emprunté aucune chose, aussi ne vois ie rien en ses Livres qui me fasse envie, ny presque AT II, 389 rien que ie voulusse avoüer pour mien. Tout le meilleur est ce qu’il a de Musique ; Mais ceux qui me connoissent, peuvent plutost croire qu’il l’a eu de moy, que moy de luy : car i’avois écrit quasi le mesme il y a dix-neuf ans, auquel temps ie n’avois encore point esté en Italie, et i’avois donné mon Ecrit au sieur N. qui comme vous sçavez, en faisoit parade et en écrivoit çà et là, comme de chose qui estoit sienne.
Pour des Lunettes, ie ne voudrois pas conseiller à des particuliers d’y faire aucune dépense, sinon pour en acheter lors qu’elles seront faites ; et pour moy ie ne croy pas qu’il fust de bonne grace, que ie me mélasse de leur en vendre : c’est pourquoy ie n’ay rien à faire en cela, sinon que i’aideray et donneray courage autant que ie pourray à ceux qui voudront y travailler.
Pour la nature des huiles, encore que ie n’aye pas employé vingt ans à en faire des experiences, ainsi que vous Clerselier II, 398 mandez de Monsieur de la B. Ie croy pourtant en avoir assez fait, pour ne devoir pas craindre de m’estre mépris ; Et bien que ie n’aye parlé de plusieurs choses qu’en passant, et sans en faire aucun estat, on ne doit pas iuger pour cela que ie les aye peu examinées, mais seulement que ce n’est pas mon humeur de faire grand bruit de peu de chose.
La corde IFK dont ie parle à la fin de mon Ecrit de Statique, ne se doit point replier au milieu, comme AT II, 390 vous mandez que tient Monsieur Hardy, si ce n’est lors que ses deux bouts s’entretouchent ; Et il est certain que la Spirale qui represente un plan également Incliné, doit parvenir iusques au centre de la Terre. I’ay ry de ce que vous a écrit Monsieur N. touchant les centres de Gravité, à sçavoir, que ce qui est de plus merveilleux, c’est qu’on les trouve par sa methode ; Quand cela seroit, voila grande merveille ! et que cette methode est plus à luy qu’aux autres ; Mais ie vous assure qu’on les peut trouver tous sans aucune Analyse, et mesme quasi sans mettre la main à la plume, en tirant seulement quelques consequences, de ce qui est dans Archimede, ainsi que ie vous ay mandé dés la premiere fois qu’il en écrivist.
Ie viens de lire le Traitté de Mechanique du sieur N. où i’apprens qu’il est Professeur, ce que i’avois ignoré, et ie pensois que vous m’eussiez autresfois mandé qu’il estoit President en quelque Province, et ie ne m’estonne plus tant de son stile. Pour son Traitté, i’y pourrois trouver quantité de fautes, si ie le voulois examiner à la rigueur, mais ie vous diray en gros, qu’il a pris beaucoup de peine à expliquer une chose qui est bien aisée, et qu’il l’a renduë plus difficile par son explication, qu’elle n’est de sa Nature ; Outre que AT II, 391 Stevin a demonstré avant luy les mesmes choses, d’une façon beaucoup plus facile, et plus generale. Il est vray, que ie ne sçay pas ny de l’un ny de l’autre s’ils ont esté exacts en leurs demonstrations ; car ie ne sçaurois avoir la patience de lire tout du long de tels livres. En ce qu’il dit avoir mis dans un Corollaire, le mesme que moy dans mon Ecrit de Statique, Clerselier II, 399 aberrat toto Cœlo : Car il fait une Conclusion, de ce dont ie faits un Principe, et il parle du Temps, ou de la Vitesse, au lieu que ie parle de l’Espace, ce qui est une tres-grande Erreur ; ainsi que i’ay expliqué en mes precedentes.
Pour le Sieur N. de qui vous me mandez que ie vous écrive quelque chose que vous luy puissiez monstrer, afin qu’il ne se fasche point, ie vous diray que ie n’ay nullement coustume de flatter mes ennemis, et que s’il se fasche de mon silence, il se fust bien encore plus fasché de ma réponse ; car ie ne l’aurois point épargné, et i’en aurois eu tres-ample matiere. Les raisons qu’il donne pour prouver l’Existence de Dieu sont si badines, qu’il semble s’estre voulu mocquer de Dieu en les écrivant ; Et bien qu’il y en ait une qu’il a empruntée de moy, il luy a toutesfois osté toute sa force en la mettant comme il l’a mise ; mais vous luy pourrez dire s’il vous plaist, que i’attens ses Objections contre ma Dioptrique, afin que si elles en valent la peine, ie puisse répondre à l’un et à l’autre AT II, 392 ensemble ; Et que pour ce qu’il a écrit de Dieu, ie craindrois qu’on se mocquast de nous en voir disputer l’un contre l’autre, vû que nous ne sommes point Theologiens de Profession.
Pour mon Examen de la question Geostatique, il ne sera point imprimé s’il vous plaist : car ie ne l’ay pas écrit à ce dessein, et il n’est pas assez achevé, ny assez complet pour aller seul. Et de le ioindre aussi avec mon sentiment du Livre de M. N. sece seroit luy donner une tres-mauvaise compagnie ; car i’aurois honte qu’on eust occasion de penser, que ie me serois arresté serieusement à dire mon opinion de ce Livre ; Outre qu’estant ioints ensemble, ils ne feroient qu’un Livre digne d’estre couvert de papier bleu ; Et si mon écrit contient quelque chose, qui vaille la peine qu’on le voye, ie croy qu’il pourra mieux estre inseré dans le Recueil des Objections qu’on m’a faites, ou qu’on me fera cy-aprés, car aussi bien ne sera-ce qu’un ramas de toutes sortes de matieres. S’il y a de la faute aux Lettres de la derniere figure, vous les pourrez aisément corriger par le moyen du sens, Clerselier II, 400 car il est ce me semble assez clair, et ie n’y trouve rien de manque en ma copie.
Pour l’Introduction en ma Geometrie, i’en ay parlé à celuy qui l’a composée, qui est un Gentil-homme de ce païs, de tres-bon lieu, mais il ne desire point AT II, 393 aussi qu’elle soit imprimée, si ce n’est qu’on en voulust seulement faire tirer une douzaine ou deux d’Exemplaires, pour ceux à qui vous en voulez donner des Copies, ce qui seroit peut-estre plus commode, que de la faire transcrire ; Et pour les Characteres, vos Libraires les auront tous, ou s’il en manque quelques-uns, ils les peuvent faire fondre à fort peu de frais ; Mais pour en faire une impression publique, il dit qu’il aimeroit mieux la faire faire luy-mesme en ce païs, et qu’en ce cas, il y voudroit encore adjouster beaucoup de choses ; ce qu’il offre de faire avec le temps.
Pour la force de la Percussion, elle n’est point si mal-aisée à expliquer par mes Principes, que Galilée la represente sur la fin de son Livre, mais ie n’en sçaurois rien dire sans expliquer mes Principes, c’est à dire mon Monde.
Pour la question des quatre Globes, ie croy bien que M. F. peut voir de loin le moyen d’y parvenir, mais la difficulté est à en demesler le calcul, ce que i’ay peine à croire qu’il puisse faire, par l’Analise de Viete ; et pour preuve de cela, vous pouvez le convier à vous en envoyer le fait ; A sçavoir, posant les quatre rayons des Spheres données, estre par exemple a, b, c, d, luy demander quel est le rayon de la plus petite Sphere Concave, dans laquelle elles puissent estre enfermées ; car vous verrez bien s’il s’accorde avec le fait que vous avez.
Ie passe à vostre Lettre du unziesme Septembre, laquelle i’ay receuë depuis que mes precedentes ont AT II, 394 esté écrites. M. F. a fort bien trouvé la Tangente de la Roulette, et elle se rapporte à la mienne ; mais s’il en envoye la demonstration Analyticè et Syntheticè, comme il offre, ie seray bien aise de la voir, pour connoistre par là de quel biais il s’y est pris en effet : Ie m’estonne de ce qu’il en sçait beaucoup plus en Clerselier II, 401 Geometrie que Monsieur N. lequel ne voit pas qu’il s’expose en quelque façon à la risée du monde, d’avoir voulu faire croire qu’il avoit trouvé la Tangente de la Roulette, iustement le lendemain apres avoir sceu que ie vous l’avois envoyée. Mais ce qu’il adjoûte que celle de M. F. n’est pas vraye, lors que la Baze de la Roulette est plus grande que la Circonference du Cercle, fait voir tres-clairement qu’il s’est trompé, si tant est qu’il ait crû l’avoir trouvée ; Et s’il a seulement voulu que les autres le crussent, il a fort mal pris son temps, de le dire apres que les autres l’avoient trouvée, à cause qu’on peut iuger qu’il l’a feint, afin de monstrer qu’il ne cede à personne. Il dit qu’il s’estonne de ce que le Quadrilatere qu’il proposoit monte si haut qu’au quarré du Cube ; mais ie m’assure qu’en soy-mesme il s’estonne de ce que ie l’ay pû faire descendre si bas : car en le cherchant par les biais ordinaires, on s’embarrasse en des calculs qui sont infinis ; et ce qu’il en dit, n’est que pour en faire d’autant moins estimer l’invention, à cause qu’elle est mienne, au lieu qu’il exalte si haut des choses qui AT II, 395 viennent de luy, qui sont si faciles, qu’elles ne valent pas seulement le parler ; ce qui fait qu’il se rendroit méprisable à ceux qui en connoissent le peu de valeur, si d’ailleurs on ne connoissoit son merite. Comme touchant ce qu’il dit de la façon dont il a trouvé sa Roulette, etc. Et en ce qu’il dit que ie n’aurois pas trouvé l’espace de sa Roulette, si vous ne m’eussiez mandé qu’il estoit Triple du Cercle, il est peu iudicieux : Car 1. il n’est Triple qu’en un seul cas, et la façon dont ie l’ay trouvé, s’étend à tous les autres, mesme lors que la Roulette est une Ellipse, ou deux hyperboles, etc. 2. Ie n’ay point si bonne opinion de luy, que de m’estre arresté à ce qu’il disoit : Et enfin l’exemple de M. F. qui apres l’avoir sceu comme moy du Cercle, a nié au commencement qu’il fust vray, monstre assez que cela n’aide gueres à en trouver la Demonstration ; comme en effet, à cause qu’il n’est vray que d’un seul cas, il y peut plutost nuire qu’y servir, lors qu’on veut chercher generalement ce qui en est.
Clerselier II, 402 Le solide de la Roulette est beaucoup plus grand que vous ne mandez, et ie croy qu’on en peut trouver la iuste grandeur ; mais ie ne veux point m’arrester à la chercher, car en effet ie renonce à la Geometrie. Les Objections de Monsieur N. estoient semblables à son Livre, et i’en eusse bien mieux monstré AT II, 396 les deffauts que ie n’ay fait, si i’eusse esté assuré qu’elles venoient de luy ; Mais ie vous prie ne le pressez point de m’en envoyer d’autres, ou plutost ie vous prie, s’il vous en donne, de ne me les point envoyer, car ie n’ay que faire de ses réveries, et il ne me peut estre que desavantageux, d’avoir affaire à un tel homme. Pour Monsieur N. ie vous diray qu’on m’envoya son Livre de Natura lucis, il y a cinq ou six mois, avec le iugement qu’il faisoit de moy, à sçavoir que ie suivois la Philosophie d’Epicure, et ouvrant son Livre, ie tombay par hazard sur l’endroit où il dit, que lux est medium proportionale inter substantiam et accidens, en quoy ie ne trouvay pas beaucoup de solidité ; et pource que ie me trouvay avoir lors quelque dessein à achever, ie ne pû le lire tout entier, et le renvoyay peu de temps aprés, en témoignant que ie ne voulois point m’arrester, ny à son jugement, ny à son Livre ; mais ie ne sçavois point que ce fust le mesme qui a écrit du mouvement de la Terre.
Pour l’Echo, i’admire que vous m’estimiez si simple, que de penser que quelque Iean des vignes m’ait abusé : AT II, 397 car ie vous assure que ie l’ay observé aux champs, en mon propre Iardin, où il n’y a personne aux environs qui puisse y faire aucune fourbe, ny en donner le moindre soupçon qu’on puisse imaginer ; Et encore maintenant, il y a une Planche de Cicorée sauvage, dans laquelle il répond un peu quand on frappe des mains ; mais les grandes herbes où il répondoit le plus distinctement ont esté coupées. Au reste, la raison de cét Echo me semble si claire, que ie ne doute point qu’on ne le puisse rencontrer en plusieurs autres lieux, comme par exemple dans les bleds quand ils sont fort hauts, et prests à coupper.
Pour les divers Tons d’une mesme Cloche, ce sont ie croy Clerselier II, 403 la quinte, l’octave, la 12. la 15. la 19. et peut-estre aussi la 17. Majeure.
I’ay lû enfin l’écrit du Cousin de M. N., pource que vous l’avez voulu, et ie l’ay trouvé moins médisant, mais encore plus impertinent que ie ne pensois en effet. Le Docteur d’une Comedie Italienne, en joüant le Personnage d’un Pedant, ne sçauroit dire de plus grandes sottises, que fait cét homme en parlant serieusement ; Et si M. de sainte Croix a iugé qu’il eust quelque objection qui fust forte contre moy, c’est sans doute que n’ayant pas vû, ou bien ne se souvenant plus de ce que i’ay écrit, il a supposé que i’avois écrit les choses que refute cét homme, lesquelles sont souvent fort mauvaises, mais elles ne viennent que de son Esprit, qui a pris tout ce que ie disois à contre-sens, à cause qu’il n’estoit pas capable de l’entendre. Et le AT II, 398 sieur N. a fait le semblable, sinon qu’il est encore plus médisant, et plus digne de ce à quoy M. d’Igby condamnoit l’autre : Car pour cettuy-cy, ie croy que c’est seulement la passion qu’il a pour Aristote qui l’a émeu ; Et ie m’estonne de ce qu’il n’est Peripateticien, plutost qu’Huguenot, vû qu’il estime si fort les Anciennes opinions, et les Nouvelles si peu. Ie suis tres-humble serviteur de M. de sainte Croix, et ie vous prie de m’entretenir toûjours en ses bonnes graces.
Vous me mandez que le sieur N. n’est point fourbe, et ie le veux croire, mais ie vous diray pourtant que ie n’ay trouvé aucune franchise en ses procedez ; et ie ne m’estonne pas, de ce qu’il se dédit quelquesfois, car il fait souvent des iugemens si prompts, et si étourdis, qu’il y est contraint.
Ie ne sçay ce qu’il vous plaist que ie fasse de la promesse du sieur N. car outre que ie n’ay point de Lunettes à luy vendre, et que cela n’est pas de mon mestier, elle contient une condition que i’ay demonstré estre impossible, à sçavoir qu’on fasse voir beaucoup d’objets, et ensemble qu’ils paroissent fort gros. Mais ce qu’il eust dû demander, est, qu’ils parussent ensemble fort gros, et fort clairs, mais non pas en grande quantité, ou en un grand espace ; Et il monstre en cela ; Clerselier II, 404 ou bien qu’il ne sçait pas en quoy peut consister la bonté d’une Lunette, ou bien qu’il a voulu se reserver AT II, 399 une excuse pour ne point payer, c’est pourquoy i’ay iugé que ie devois vous la renvoyer.
Ce que dit Galilée, que les Cors qui descendent, passent par tous les degrez de vitesse, ie ne croy point qu’il arrive ainsi ordinairement, mais bien qu’il n’est pas impossible qu’il arrive quelquesfois ; Et il y a du méconte en l’Argument dont se sert M. F. pour le refuter, en ce qu’il dit, que acquiritur celeritas, vel in primo instanti, vel in tempore aliquo determinato, car ny l’un ny l’autre n’est vray ; et en termes d’Escole on peut dire que, acquiritur in tempore inadæquatè sumpto. Enfin tout ce qu’il dit des degrez de vitesse du mouvement, se peut dire en mesme façon des degrez de largeur du triangle ABC, et toutesfois ie ne croy pas qu’il veüille nier, qu’entre le poinct A, et la ligne BC, toutes les largeurs qui sont moindres que BC, ne s’y rencontrent. Vous remarquez fort bien en vostre Lettre, quelques uns des Paralogismes de Galilee ; mais i’ay dit au commencement de celle-cy, ce que ie pensois de tout son Livre.
Ie vous remercie de vostre experience du Cylindre de chesne. Ie n’attribuë rien du tout au Vuide, ny à la Crainte du Vuide ; et toutesfois ie vous diray, que l’explication de toutes les choses dont traitte Galilée, est fort facile selon mes Principes. Ie n’ay encore sceu voir M. B. pour luy AT II, 400 demander s’il n’a point la piece de Musique que vous avez égarée, ce sera pour cette semaine. Ie viens encore de recevoir une de vos Lettres du dix-huitiesme Septembre, à la pluspart des articles de laquelle i’ay desia répondu cy dessus, et i’ay seulement à adjouster, que ie vous remercie tres humblement de la peine que vous avez prise d’écrire à La Fléche et à Rome, pour mon sujet, et ie vous en suis tres-obligé. Ie suis aussi obligé à Monsieur des Argues, de ce qu’il témoigne estre bien aise que i’ay satisfait aux questions de Clerselier II, 405 Monsieur de R. Ie vous prie de m’entretenir en ses bonnes graces.
Ie n’ay nullement changé de Medium en ma demonstration de la Roulette, car il consiste en l’égalité des triangles Inscrits, ce que i’ay tousiours retenu ; mais ie l’avois trouvé la premiere fois, Analyticè ; Et depuis, pour ce que i’ay vû qu’il n’en avoit sceu faire le calcul, ie l’ay expliqué aprés Syntheticè ; il devroit avoir honte d’avoir nié ma premiere demonstration, c’est à dire, de n’avoir sceu calculer les triangles Inscrits dans cette Roulette, et dans le Cercle. Il devroit aussi avoir honte de se vanter qu’il a un Medium pour trouver les Tangentes de la Roulette, qui s’applique à tous les cas ; car celuy que ie luy ay envoyé est si general, qu’il ne sert pas seulement pour tous ceux de la Roulette Circulaire, mais aussi pour les lignes décrites par tels autres Cors que ce puisse estre, qu’on fasse rouler sur un Plan, soit Curviligne, ou Rectiligne, etc.
Au reste, ie vous supplie de retenir entre vos mains AT II, 401 tous les papiers que ie vous ay envoyez qui contiennent des solutions de Geometrie, sans leur en donner que des copies, s’ils en veulent, et si vous leur en aviez presté quelques-uns, qu’ils eussent refusé de vous rendre, ie vous supplie de me le mander. Pour la question de M. N. touchant un Cylindre égal à un Anneau, elle est trop facile, et ie vous prie de luy dire que ie n’ay pas voulu vous répondre autre chose là dessus, sinon que ie voy bien qu’il a desia usé toute sa meilleure poudre contre moy, et que celle dont il tire maintenant a fort peu de force : Car en effet ie ne veux plus du tout leur rien répondre, et ie suis las de leur Geometrie ; Mais ie vous jure que sans plume ny calcul, avec un seul moment d’attention, ie voy qu’il est égal au Cylindre, dont la base est un petit cercle égal à la grosseur de cét Anneau, et dont la hauteur est égale à la Circonference du Cercle qui passe par le Centre de cette grosseur ; Et de plus la surface de cet Anneau est égale à celle de ce mesme Cylindre, sans ses bases ; et voila tout ce qu’il peut avoir trouvé sur Clerselier II, 406 ce sujet. Mais scachez que ce n’est rien qui vaille le parler ; car d’autant qu’on ne sçauroit égaler une ligne droite à une circulaire, on ne sçauroit pour cela donner la hauteur de ce Cylindre, et ainsi il se vante d’avoir trouvé ce qui ne peut estre trouvé. Et ie vous diray que ie n’ay point voulu répondre touchant la surface d’un Cone scalene, à cause que ie croy qu’ils ne la sçavent point, ny mesme si elle est possible, ou non, et qu’ils le veulent apprendre de moy, sans m’en sçavoir gré : Car ie AT II, 402 pense sçavoir fort bien maintenant iusques où va la portée de leur esprit, et s’il a esté un an à chercher quel est le Cone qui a la plus grande solidité, avec la moindre surface, qui est une chose que ie viens de trouver en un trait de plume, ie vous assure qu’il luy faudra plus d’un siecle, à bien entendre ma Geometrie. Et pour la refutation de l’opinion de Galilée touchant le mouvement sur les Plans Inclinez, M. F. se méconte, en ce qu’il fonde son Argument sur ce que les poids tendent vers le Centre de la Terre, qu’il imagine comme un poinct, et Galilée supose qu’ils descendent par des lignes paralleles. Ie suis,