M : | Montesquieu 1726/1727-1755. |
D : | Bottereau-Duval 1718-1731. |
E : | 1734-1739. |
U : | 1739. |
H : | 1741-1742. |
J : | 1742. |
K : | 1742-1743. |
F : | 1743. |
I : | 1743. |
L : | 1743-1744. |
O : | 1745-1747. |
P : | Damours 1748-1750. |
Q : | 1750-1751. |
R : | Saint-Marc 1751-1754. |
S : | 1754-1755. |
V : | 1754. |
JB : | Jean-Baptiste Secondat ?-1795. |
T : | écriture des manchettes 1828-1835 |
M : | Montesquieu. |
D : | Bottereau-Duval_1721-1731. |
H : | 1741-1742. |
P : | Damours_1748-1750. |
E : | 1734-1739. |
L : | 1742-1744. |
O : | 1745-1747. |
T : |
écriture des manchettes |
JB : | Jean-Baptiste_Secondat. |
J : | 1742. |
K : | 1742-1743. |
F : | 1743. |
E2 : | |
I : | 1743. |
R : | Saint-Marc_1751-1754. |
Pensées, volume II
1269 L’esprit du citoyen
Esprit du citoyen quel il est L’esprit du citoyen est d’aimer les loix lors même qu’elles ont des cas qui nous sont nuisibles ; et de considerer plutôt le bien general qu’elles nous font toujours, que le mal particulier qu’elles nous font quelquefois.
L’esprit du citoyen est d’exercer avec zele avec plaisir avec satisfaction cette espece de magistrature qui dans le corps politique est confiée à chacun ; car il n’y a personne qui ne participe au gouvernement soit dans son employ soit dans sa famille, soit dans l’administration de ses biens.
Un bon citoyen ne songe jamais a faire sa fortune {f.126r} particuliere que par les mêmes voyes qui font la fortune publique ; il regarde celui qui agit autrement comme un lache fripon qui ayant une fausse clef d’un tresor commun en escamote une partie, et renonce a partager legitimement ce qu’il aime mieux derober tout entier.
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Main principale E |
1270 Je traitois ensuite des devoirs fondés sur la bienseance et qui servent a rendre la societé plus agreable[1].
O
On
Ce que des concitoyens doivent exiger Bienséance Il faut pour cela chercher à prévenir par nos egards tous les hommes, tous les hommes avec lesquels nous {f.127r} vivons : car ordinairement comme nous n’avons pas plus de droit d’exiger de la complaisance des autres qu’eux de nous, si chacun s’attendoit mutuellement aucune des deux parties n’auroit d’egards pour l’autre ce qui rendroit la societé dure et feroit un peuple barbare.
De là nait dans une societé cette douceur et cette facilité de mœurs
Douceur et facilité de mœurs Et la grande regle est de chercher à plaire[2] autant qu’on le peut faire sans interesser sa probité : car il est de l’utilité publique que les hommes ayent du credit et de l’ascendant sur l’esprit les uns des autres ; chose a laquelle on ne parviendra jamais par une humeur austere et farouche ; et telle est la disposition des choses et des esprits dans une nation polie qu’un homme quelque vertueux qu’il fut, s’il n’avoit dans l’esprit {f.127v} que de la rudesse seroit presque incapable de tout bien et ne pourroit qu’en trés peu d’occasions mettre sa vertu en pratique.
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Main principale E |
1271 De la politesse[1]Cette disposition interieure a produit chés tous les peuples un ceremonial exterieur qu’on apelle la politesse
Politesse Les peuples barbares ont peu de ces loix, mais il y a eu de certaines nations chés lesquelles elles sont en si grand nombre qu’elles deviennent tyranniques et vont a ôter toute la liberté comme chés les Chinois[3] :
Nous avons en France fort diminué notre {f.128r} ceremonial ; et aujourd’huy toute la politesse consiste d’une part a exiger part à exiger peu des gens et de l’autre à ne donner point au delà de ce que l’on exige.
Le changement est venu de la part des femmes qui se regardoient comme les dupes d’un ceremonial qui les faisoit respecter.
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Main principale E |
1272 Du changement de mœurs arrivé dans la nation françoise[1].A mesure que la puissance royal se fortifia la noblesse quitta ses terres
Mœurs Le desordre ne vint qu’insensiblement il commença sous François 1er il continua sous Henri second, le luxe et la mollesse des Italiens {f.128v} l’augmenta sous les regences de la reine Catherine[2]
Femmes Les filles n’ecouterent plus les traditions de leurs meres. Les femmes qui ne venoient auparavant que par degrés à une certaine liberté l’obtinrent toute entiere dés les premiers jours du mariage. Les femmes et la jeunesse oisive veillerent toutes les nuits et souvent le mari {f.129r} commençoit le jour où sa femme le finissoit : on ne connut plus les vices ; on ne sentit que les ridicules et on mit au nombre de ces ridicules une modestie gênante ou une vertu timide.
Chaque partie de souper cacha quelque convention nouvelle ; mais le secret ne duroit que le tems qu’il falloit pour la conclure avec les femmes de condition on n’evitoit plus les dangers dans ce changement continuel le goût fut lassé, et on le perdit enfin a force de chercher les plaisirs.
L’education des enfans
Education des enfans La vertu d’une femme fut en pure perte pour elle : elle fut même quelquefois comme une espece de religion persecutée[6].
Tout ceci n’êtoit pas le dernier degré de dereglement. Elles furent infideles dans le jeu comme dans leurs amours et joignirent à ce qui deshonore leur sexe tout ce qui peut avilir le nôtre.
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Main principale E |
1273 Des dignités.Un autre changement arrivé de nos jours, c’est l’avilissement des dignités
Dignités Dés que Loüis 14 fut mort la jalousie parut contre dles rangs. Le peuple ajoûta à ce que l’autorité royale avoit déjà fait on voulut bien s’avilir devant le ministre du prince, mais on ne voulut rien ceder à l’officier de la Couronne et on regarda avec indignation toute subordination qui n’êtoit pas une servitude[1].
Les grands étonnés ne trouverent d’egards nulle part ; toute dignité devint pesante et au lieu de l’honneur qui y êtoit attaché, il n’y eut que du ridicule à prétendre.
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Main principale E |
1270 |
n1. |
Ce sous-ensemble des morceaux rejetés du Traité des devoirs, qui comporte les nº 1270 à 1280, aborde des thèmes caractéristiques des ouvrages de morale et de savoir-vivre de la période, qui intéressaient les Modernes reçus chez Mme de Lambert et leurs disciples, comme l’abbé Trublet (voir ci-après). |
1270 |
n2. |
Depuis la fin du siècle précédent, la théorisation de cet art de plaire était en vogue, avec les écrits du chevalier de Méré (Discours de l’esprit, de la conversation, des agréments […], Amsterdam, P. Mortier, 1687), L’Art de plaire dans la conversation de Pierre d’Ortigue de Vaumorière (Paris, J. Guignard, 1688), l’ouvrage de François de Caillères, De la science du monde et des connaissances utiles à la conduite de la vie (Paris, É. Ganeau, 1717), les Essais sur divers sujets de littérature et de morale de l’abbé Trublet (Paris, Briasson, 1735). |
1271 |
n1. |
Le chapitre sur la politesse est un passage obligé des ouvrages de morale contemporains, comme les Essais sur divers sujets de littérature et de morale [1735] de l’abbé Trublet (Paris, Briasson, 1768, t. II, p. 147-187) ou le Traité du vrai mérite de l’homme [1734] de Le Maître de Claville (Londres, 1736, t. I, p. 120 et suiv.) ; dans L’Esprit des lois, la politesse caractérise l’éducation des monarchies et l’esprit général des Français (EL, IV, 2 ; XIX, 5-6). |
1271 |
n2. |
Cf. EL, XIX, 16. L’abbé Trublet distingue aussi politesse et civilité : la première qualité, apanage des gens du monde, désigne la manière agréable et délicate d’observer les règles qui constituent la seconde (Essais sur divers sujets de littérature et de morale [1735], Paris, Briasson, 1768, t. II, p. 148-150). |
1271 |
n3. |
Cf. EL, XIX, 13, 16. |
1272 |
n1. |
Cf. nº 1340. |
1272 |
n2. |
Cf. Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie, OC, t. 9, p. 61, l. 230-231. |
1272 |
n3. |
Cf. Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie, OC, t. 9, p. 60, l. 228-229. |
1272 |
n4. |
Lire : continuèrent. |
1272 |
n5. |
Les auteurs du parti nobiliaire dénoncent le développement de la Cour sous François Ier, l’importance qu’y prirent les femmes (voir Boulainvilliers, « Le luxe sous François I. perd la Noblesse en l’attirant à la Cour », Dissertation sur la noblesse de France, dans Essais sur la noblesse de France, Amsterdam, 1732, t. II, p. 219-221 – Catalogue, nº 2912 bis), la régence « italienne » de Catherine de Médicis et les favoris d’Henri III (ibid., p. 242-244) ; voir aussi Louis Le Gendre, Mœurs et coutumes des Français dans les différents temps de la monarchie française, Paris, J. Collombat, 1712, p. 242-246 – Catalogue nº 2949 ; extrait perdu (BM Bordeaux, ms 2506/3, f. 3, dans De l’esprit des loix (manuscrits), II, OC, t. 4, p. 760). |
1272 |
n6. |
Ce tableau de la corruption des mœurs qui fait négliger les devoirs de la conjugalité et de la parentalité et encourage l’inconstance et l’infidélité devint un lieu commun de la première moitié du XVIIIe siècle, exploité par Montesquieu dans les Lettres persanes (LP, 53 [55]), par les auteurs des romans-listes du libertinage mondain (Crébillon, Duclos) et de comédies (Destouches, Nivelle de la Chaussée) : voir la note de Paul Vernière à son édition des Lettres persanes (Paris, Garnier frères, 1960, p. 117, note 1) et Jacques Rustin, Le Vice à la mode, Paris, Ophrys, 1979, p. 47-53. |
1273 |
n1. |
Sous Louis XIV, les honneurs et distinctions accordés aux bâtards du roi, le choix des ministres, révocables, dans la robe (voir ci-après : « s’avilir devant le ministre du prince »), et la montée en puissance, dans les provinces, des intendants (nº 977), à côté des gouverneurs choisis parmi les princes et les grands, étaient considérés par les partisans du pouvoir nobiliaire comme autant de signes de « l’avilissement des dignités ». Vestiges du pouvoir de la haute noblesse dans les institutions monarchiques, les grands offices de la couronne étaient inamovibles et certains restaient dans la possession des princes du sang ou des plus grands seigneurs du royaume (Condé, Bouillon, Guise…) ; voir DAR, art. « Grands Officiers de la Couronne ». En 1717, un parti de la noblesse se forma contre les prérogatives des princes du sang et des ducs et pairs, que Saint-Simon jugeait manipulé par les bâtards légitimés et par le Parlement (Saint-Simon, t. VI, p. 246-265). |
1273 |
n2. |
La noblesse « titrée » ou noblesse de dignité désigne les princes, ducs, comtes, marquis, vicomtes et barons, dont le titre est attaché à une terre, en vertu de lettres patentes d’érection. |
1273 |
n3. |
La maison de Montmorency est la première de France, dans la hiérarchie des barons grands feudataires du royaume, ce qui valait aux aînés les titres de premier baron de France et premier baron chrétien (Jean Baptiste Pierre Jullien de Courcelles, Histoire généalogique et héraldique des pairs de France, Paris, l’auteur – A. Bertrand – Treuttel et Wurtz, 1822, t. II, « De Montmorency », p. 1-2). Les ducs de Châtillon, l’une des branches de la maison de Montmorency, étaient issus des ducs de Montmorency-Luxembourg (père Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique et chronologique de la Maison royale de France, des pairs […], Paris, Compagnie des libraires, 1728, t. III, p. 591). Sur les prétentions généalogiques de MM. de Laval-Montmorency et de Châtillon, à la tête du parti de la noblesse qui s’opposait aux prérogatives et distinctions des ducs en 1717, voir Saint-Simon, t. VI, p. 249-250 et 267-274. |