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Pensées 1731 à 1735

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.
Q : 1750-1751.
S : 1754-1755.
V : 1754.

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Pensées, volume III

1731

{f.50r} On à loué la valeur qu’Alexandre fit paraitre dans sa conquête des Indes, je vouderois[1] plutot qu’on louat sa conduite. Comment il enchaina les Indes avec la Perse, avec la Grece, comment il poursuivit les meurtiers de Darius jusques dans la Bactriane, et les Indes mêmes.Comment il eut l’adresse de commancer par soumettere le pays qui etoit au nord des Indes, et de revenir pour ainsi dire par les Indes, comment il descendit le long des fleuves pour n’etre point arreté à leur passage, comment il song[e]a à faire communiquer ses conquêtes avec ses conquêtes[2]
Ce projet du commerce des Indes qu’Alexandre avoit fait faire par Babilone et le sein Persique[3], les Pholomées le firent fpaire la mer Rouge comme tout le monde sçait[4]

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1732

{f.50v} Les heures ou notre ame emploie le plus de force sont celles qu’on destine à la lecture, parce qu’au lieu de s’abandonner a ses idées, souvent même sans s’en apercevoir elle est obligée de suivre celle des autres. Eh bien nous passons notre vie à lire des livres qui ont èté imaginés pour les enfans.
Eh comment ne serions nous pas frivoles, puisque nous le sommes dans les choses memes dont l’effet naturel seroit de nous empescher de l’etre.

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1733

Les principalles raisons de la superiorité des Français sur les autres peuples furent que depuis la destruction des Romains il n’y avoit pas un seul etat en Europe qui {f.51r} eut une assiete ferme, que tout les aida et la relligion même. Les Gaulois ne pouvant vivre sous des tirans ariens, et l’Italie ne pouvant soufrir les oppresseurs des pontifes romains[1], enfin le genre de leurs armes[2] et leur agilité leur donna de l’avantage contre la cavalerie gothe, dont nous avons tant parlé dans l’ouvrage precedent.

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1734

Lorsque la conquête est mediocre, l’etat peut rester, ou devenir monarchique. Il faut que le conquerant cherche à maintenir sa conquête par des forteresses.
Les forteresses comme nous avons dit appartiennent plus au gouvernement monarchique, parce qu’elles sont opposées au gouvernement militaire. De plus elles suposent une grande confiance dans les {f.51v} grands, puisqu’on leur donne un si grand depost depost, elles suposent meme une plus grande confiance dans le peuple puisque le prince à moins a craindre[1].
Quand je parle ainsi des forteresses, je ne parle pas d’un petit tiran qui maitre d’une ville y batit une forteresse qui le rend plus cruel encore, il est luy même son gouverneur. Le gouverneur despotique et militaire se trouve egalement et dans le petit prince d’une ville, et dans le maitre d’un vaste empire.
Vitiza roy des Gots demolit toutes les forteresses d’Espagne[2]. Gilimer roy des V Vandales detruisit toutes celles d’Affrique[3], aussi ces deux etats furent ils conquis pour ainsi dire en un jour, au lieu d’affoiblir {f.52r} les peuples veincus ils avoient affoibli l’empire.
Je crois que ce qui fit prendre aux Goths et aux Vendales ce mauvais parti, c’est que sortant d’un pays ou l’on ne connoissoit point les forteresses, ils regarderent celles qu’ils trouverent dans leurs conquêtes comme des moyens d’echaper a leur violence, non comme des moyens propres à arreter les etrangers.

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1735

Qu’on examine bien le sort des grandes monarchies qui aprês avoir etonné par leurs forces ont etonné par leur foiblesse. C’est que lorsque dans la rapidité du pouvoir arbitraire ou despotisme il reste encore une eteincelle de liberté un etat peut faire de grandes choses parce que ce qui reste des {f.52v} principes est mis en action, mais lorsque la liberté est entierement perdüe apres un tel degré de force on voit un egal degré de foiblesse, c’est que l’amour des choses bonnes, et des choses grandes n’est plus. C’est que dans chaque profession il est etabli, que dijs je il est quelque fois ordonné de ne la point faire, qu’on est decouragé en general et qu’on est decouragé en detail que la noblesse est sans sentimens, les gens de guerre sans interest, les magistrats sans zelle, les bourgeois sans confiance, le peuple sans espoir. Chose singuliere tout roule, et tout est dans l’oisiveté, chaque citoyen à un etat, et personne n’a de profession. De chaque sujet on veut le corps, et non l’esprit et le coeur {f.53r} c’est pour lorsqu’une monarchie montre toute sa foiblesse, et qu’elle en est surprise elle même.

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1731

n1.

Lire : voudrais.

1731

n2.

Cf. EL, X, 14 et XXI, 8 ; nº 1714.

1731

n3.

C’est-à-dire le golfe Persique.

1731

n4.

Cf. EL, XXI, 9 : Derathé, t. II, p. 35, où il est question des « Ptolomées » (ici « Pholomées »), pour désigner la dynastie des Ptolémées ou Lagides.

1733

n1.

À la fin du Ve siècle, l’Empire romain passa sous la domination des chefs barbares qui avaient embrassé l’arianisme. Les catholiques romains furent persécutés en Italie à la fin du règne de Théodoric, roi des Ostrogoths. La victoire de Clovis contre le roi des Wisigoths, Alaric, en 505, était donnée comme celle de la foi de l’Église catholique dans les Gaules contre l’hérésie arienne : voir Moreri, 1725, art. « Arianisme ».

1733

n2.

Cf. nº 1691.

1734

n1.

Matériaux de réflexion sur les forces défensive et offensive, en rapport avec les types de gouvernement : cf. EL, IX, 5 et X, 9.

1734

n2.

Vitiza, ou Witiza, roi des Wisigoths d’Espagne qui aurait régné de 701 à 711, pour ôter à ses sujets « tout azile », fit raser en 701 les fortifications et murailles du pays, sauf celles de Tolède, Léon et Astorga (Juan de Mariana, Histoire générale d’Espagne, traduite en français par le père J.-N. Charenton, Paris, Le Mercier, Lottin, Josse et Briasson, 1725, t. I, liv. VI, LXXXV, p. 700).

1734

n3.

Montesquieu avait attribué précédemment cette destruction à Genséric, d’après Procope (Guerre des Vandales, I, 5, 2 ; voir Romains, XX, p. 250). Gilimer, roi des Vandales en 531, combattit en Afrique contre Bélisaire (Guerre des Vandales, I, 10-19).