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Pensées 1941 à 1945

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.
Q : 1750-1751.
S : 1754-1755.
V : 1754.

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Pensées, volume III

1941

On dit que les diverses femmes de Charlemagne étoient successives : il faudroit chercher aussi un moyen pour prouver que les trois reines et les concubines de Dagobert qui etoit aussi pieux que lui (voyez la chronique de Fredegaire sur l’an 628.) vinrent de main en main et se succederent[1]. Je n’attaque point la sainteté de Charlemagne parce que je ne sai point le terme de la misericorde sur ceux qui ont violé les loix de l’Evangile en suivant les loix de leur pays.
Je ferai ici une conjecture. Fredegaire (sur l’an 626) dit que le maire Warnachaire étant {f.156v} mort, et Godin son fils ayant epousé sa belle memre, le roi entra en fureur disant qu’il avoit violé les canons[2], mais je ne crois pas que ce roi aimât assez les canons pour envoyer à cette occasion une armée contre lui ; le roi ordonna qu’on lui fit preter serment de fidelité ; l’action de Godin étoit donc un attentat politique, et son mariage incestueux blessoit une certaine prerogative royale j’en ai parlé dans mon Esprit des loix au livre, je crois, sur la nature du terrain[3] ou au livre des fiefs à l’occasion de la pluralité des femmes des rois francs.

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Main principale Q

1942

{f.157r} [Passage à la main R] Seroit-ce une pensée trop hardie de dire que cette benediction particuliere par laquelle Dieu multiplia la race des patriarches[1], tenoit aux idées que leur donnoit la vie pastoralle. La terre étoit ouverte à touts, et quand le nombre des enfants croissoit on leur donnoit une certainne partie de betail, ce qui augmantoit la famille sans la surcharger ; et chaque famille formant un petit empire, l’augmantation de la famille faisoit la sureté de la famille. Ne pourroit-on pas dire que Dieu voulant benir le peuple israelite plaça ses recompenses sur une chose que les israelites croyoient être et sentoient être leur bonheur. Sans doute que Dieu nous a manifesté de plus grand dessains et une plus grande œconomie ; mais ne {f.157v} pourroit-on pas admirer sa sagesse, lá même où l’on semble considerer les choses d’une maniere humaine. Le grand nombre d’enfants etoit ches les Israelites le signe d’une benediction particuliere de Dieu, il n’est aujourd’huy que le signe d’une benediction genérale ; Dieu attribuoit une benediction particuliere à une chose qui étoit liée chés les Israélites à l’idée de leur sureté, aujourd’huy il n’attribue pas une benediction particuliere à une chose qui est si souvant liée aux idées de nôtre orgueil
J’ajouteray que cette benediction particuliere convenoit encore à un peuple chosy[2] pour être separé de tout les autres, qui {f.158r} quand il seroit établi devoit se maintenir par sa grandeur, et quand il seroit dispersé avoit à rendre à jamais un grand temoygnage.

Passage de la main Q à la main R

1943

La Grece du côté des terres étoit d’une force invincible : il falloit passer deux chaines de montagnes qui vont d’une mer à l’autre. Elle étoit invincible pour les Perses ; car ces montagnes une fois passées, ils se trouvoient dans un pais trés fort d’assiete. Entre ces montagnes et l’isthme de Pelonoponaise[1] qu’ils ne pouvoient passer : avec des petites armées, ils ne pouvoient pas conquerir ; avec des grandes armées, ils le pouvoient moins encore.
{f.158v} Une page blanche

Main principale R

1944

{f.159r} La Grece étoit invincible pour les Perses avec de petites armées ils ne pouvoient pas conquerir, avec de grandes armées ils le pouvoint encore moins. Il falloit qu’ils passassent les Termopiles[1] qui separoit la Phocide et la Locride de la Thessalie ; il falloit qu’ils passassent la chaine de montagnes qui separoit la Thessalie de la Macedoine ; aprés quoi il falloit vivre dans les païs steriles qui sont entre ces montagnes et l’isthme de Corinthe, lesquels sont trés bornés
[f.159v-246v] Cent soixante-quinze pages blanches

Main principale R

1945

{f.247r} [Passage à la main P] Doutes jusqu’a la p 256 :

S’il arive quelque fois que Dieu predestine

Prédestination

, ce qui ne peut arriver que rarement, car il n’arive que rarement que Dieu nous ote la liberté il ne peut jamais nous predestiner qu’au salut. Ceux qui sont predestinés sont sauvés, mais il ne s’en suit pas que tous ceux qui ne sont pas predestinés soient damnés. St Paul qui à porté le plus loin la predestination est pour ce que je dis. Scimus autem quoniam diligentibus deum omnia cooperantur in bonum iis qui secundum propositum vocati sunt sancti[1]. Remarquez bien les paroles qui suivent. Nam quos prescivit et prædistinavit, quos autem prædistinavit hos et vocavit, et quos vocavit, hos justificavit, quos autem justificavit illos et glorificavit[2]. Ell Ce n’est que pour dire quos prædistinavit hos glorificavit[3]. La prescience predestionnation est un signe deu salut. Ce que je pourois dire la dessus ne vaut pas ce que’un {f.247v} de l des melieurs interpretes de St Pauul a dit, c’est Sedulius qui à fait un commentaire sur les Epitres de saint Paul presque tout tiré d’Origene, de St Jerome et de St Ambroise cet auteur dit quos præsciuit et prædisestinauit, de bonis tantum dicitur, cæteros vero non præscrire[4], sed nescire dicitur deus[5]. Il en ajoute ensuite la raison, c’est dit-il que tout ce qui est mal est indigne de la science ou de la prescience de Dieu[6].
L’apotre continue ensuite dans le chap. 9. car quoy qu’on luy ait donné les sens du monde les plus durs, on peut dire cependant que ce n’est que la continuation des mêmes veritées, il nous donne une image de la predestination dans l’exemple d’Isaac dans celuy de Jacob tous deux choisis de Dieu parmi leurs freres, cum enim nundum nati essent, aut aliquid boni egissent aut mali ut secundum electionem propositum dei maneret {f.248r} non ex operibus dsed ex dei vocatione dictum est ei quia major servi et minori[7], et ce Jacob dilexi, Esaü autem odio habui[8] que l’apotre cite ensuite ne veut pas dire que Dieu à reprouvé Esaü, ny etre un simbole de la reprobation des hommes qui ne sont pas predestinés figurés par Esaü.
Car il n’y a personne, point de thomiste si outré qui veuille donner à ces paroles un sens etroit, ny dire que Dieu ait veritablement hai Esau, n’y endurci personne, et certainement le raisonnement que St Paul fait ensuite prouve bien clairement qu’il n’a point voulu dire que Dieu ait jamais pu faire un decret de reprobation, ou si vous voulez fait que tous ceux qu’il n’a pas predestinés au salut fusent destinés à la colere, parce qu’on fairoit faire un faux raisonnement à l’apotre. O homo tu quis es qui respondeas Deo nunquid dicit figmentum ei qui se {f.248v} finxit, quid me fecisti sic annon habet potestatem figulus levi ex eadem massa facere aliud quidem vas in honorem, aliud vero in contumeliam[9]. Si saint Paul parloit d’une predestination sans laquelle on ne peut etre sauvé il raisonneroit mal, car l’homme ne se plainderoit pas de ce que Dieu l’auroit fait d’une certaine maniere, mais de ce qu’il le puniroit parce qu’il seroit ainsi sorti de sa main, injustice criante. Il faut donc que St Paul ne parle icy que de la predestination que de la maniere que je l’entends, c’est a dire d’une predestination que Dieu accorde quelque fois à l’homme avec laquelle il est infaliblement sauvé, mais sans laquelle il ne laise pas de pouvoir etre sauvé. Aussi n’i a-t-il qu’à voir sur quoy St Paul raisonne dans ce chapitre, les precedents, et les suivans. Ce n’est que sur la vocation des gentilles gentils qu’il à predestiné et qu’il à appellé gratuitement vocation, qu’il n’a pourtant pas exclus les ju juifs {f.249r} du salut, c’est pour faire taire les murmures des juifs qui se pleignoient de ce qu’on ne les distinguoit pas des gentils. Les raisons que rend l’apotre se raportent a peu pres a la parabole de Jesus Christ sur les ouvriers. Voiez dans le chap. 11. de la meme epitre ou il dit aux gentils que comme Dieu les à choisis apres que les juifs sont rejetés, ils doivent craindre que Dieu ne choisise les juifs a leur tour. Sicut enim aliquando vos non credidisti deo, nunc enim misericordiam concecuti estis propter incredulitatem illorum, ita et isti nunc non crediderunt in vestram misericordiam ut et ipsi misericordiam consequantur[10], apres quoy il s’écrie altitudo divitiarum[11] afin qu’on ne demandat pas raison à Dieu des graces qu’il fait, mais il n’est pas question des peines.
Quand St Paul dit que Dieu a predestiné l’un pour etre le fils de la colere, l’autre pour etre {f.249v} le fils de la misericorde, il veut dire que Dieu à à vv vü generalement qu’il y auroit des damnés et des sauvés sans sacrifier tel ou tel, car il voioit bien par l’arangement des causes secondes qu’il y en avoit qui seroient bien plus susceptibles des objets que les autres.
Du reste ce sont des idées jetées, et comme elles me sont venues dans l’esprit sans examen, et je ne me pique pas d’etre theologien.
Je proposeray encore icy un doute, il ne faut pas trop presser l’idée que l’offense d’un etre fini envers un etre infini est toujours infiniee, car toutes les infinitées etant egales ; il s’en suiveroit[12] que toutes les offenses seroient egales. Il faut avoir egard a la capacité de l’etre qui offense qui n’a rien d’infini en luy
Ce sont des doutes.

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Passage de la main R à la main P


1941

n1.

La Chronique de Frédégaire compare Dagobert à Salomon, pour ses « trois reines et [sa] multitude de concubines » (Historiæ Francorum scriptores coætani ab ipsius gentis origine ad nostras usque tempora, A. Du Chesne (éd.), Paris, S. Cramoisy, 1636, t. I, Fredegarii Scholastici Chronicon, LX, p. 758 – Catalogue, nº 2932).

1941

n2.

Chronique de Frédégaire [626], dans Historiæ Francorum scriptores coætani ab ipsius gentis origine ad nostras usque tempora, A. Du Chesne (éd.), Paris, S. Cramoisy, 1636, t. I, Fredegarii Scholastici Chronicon, LIV, p. 756 – Catalogue, nº 2932.

1941

n3.

EL, XVIII, 24. Montesquieu justifie le grand nombre des femmes des rois de la première race par une prérogative royale, un « attribut de dignité » dont ne disposaient pas leurs sujets.

1942

n1.

Genèse, I, 28 ; IX, 1.

1942

n2.

Lire : choisi.

1943

n1.

Lire : Péloponnèse.

1944

n1.

Lire : Thermopyles.

1945

n1.

« Or nous savons que tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qu’il a appelés selon son décret pour être saints » (Romains, VIII, 28 ; La Bible, I. Le Maître de Sacy (trad.), Paris, R. Laffont, 1990, p. 1466).

1945

n2.

« Car ceux qu’il a connus dans sa prescience, il les a aussi prédestinés […], et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés » (Romains, VIII, 29-30 ; La Bible, I. Le Maître de Sacy (trad.), Paris, R. Laffont, 1990, p. 1467).

1945

n3.

« Ceux qu’il a prédestinés, il les a glorifiés » (nous traduisons).

1945

n4.

« Praescrire » pour præscire.

1945

n5.

« On dit “ceux qu’il a connus dans sa prescience, il les a prédestinés” seulement à propos des bons mais pour tous les autres, on dit que Dieu ne les a pas connus dans sa prescience mais les a ignorés » (nous traduisons).

1945

n6.

Montesquieu traduit ici la suite du passage cité de Sedulius : « Omne quod malum est, scientia ejus, vel præsentia habetur indignum » (Sedulii Scoti Hyberniensis in omnes epistolas Pauli collectaneum, Bâle, H. Petrum, 1528, chap. VIII, C) ; sur Sedulius, l’auteur écossais auquel on attribue ce commentaire, voir Sébastien Le Nain de Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, Venise, F. Pitteri, 1732, p. 615.

1945

n7.

« Car avant qu’ils fussent nés, et avant qu’ils eussent fait aucun bien ni aucun mal, afin que le décret de Dieu demeurât ferme selon son élection, non à cause de leurs œuvres, mais à cause de l’appel et du choix de Dieu, il lui fut dit : L’aîné sera assujetti au plus jeune » (Romains, IX, 11-13 ; La Bible, I. Le Maître de Sacy (trad.), Paris, R. Laffont, 1990, p. 1467-1468).

1945

n8.

« J’ai aimé Jacob et j’ai haï Esau » (Romains, IX, 13 ; La Bible, I. Le Maître de Sacy (trad.), Paris, R. Laffont, 1990, p. 1468).

1945

n9.

« Mais ô homme, qui êtes-vous pour contester avec Dieu ? Un vase d’argile dit-il à celui qui l’a fait : Pourquoi m’avez-vous fait ainsi ? Le potier n’a-t-il pas le pouvoir de faire de la même masse d’argile un vase destiné à des usages honorables, et un autre destiné à des usages vils et honteux ? » (Romains, IX, 20-21 ; La Bible, I. Le Maître de Sacy (trad.), Paris, R. Laffont, 1990, p. 1468).

1945

n10.

« Comme donc autrefois vous ne croyiez point en Dieu, et que vous avez ensuite obtenu miséricorde, à cause de l’incrédulité des Juifs, ainsi les Juifs n’ont point cru que Dieu voulut vous faire miséricorde, afin que la miséricorde qui vous a été faite leur serve à obtenir miséricorde » (Romains, XI, 30-31 ; La Bible, I. Le Maître de Sacy (trad.), Paris, R. Laffont, 1990, p. 1471).

1945

n11.

« Ô profondeur des trésors [de la sagesse et de la science de Dieu] » (Romains, XI, 33 ; La Bible, I. Le Maître de Sacy (trad.), Paris, R. Laffont, 1990, p. 1471).

1945

n12.

Lire : s’ensuivrait.