Chapitre 57
[1491/vue 34] Capitulum LVII1caput 56 1536.
Mus
marinus [« le rat de mer » : la tortue d’eau douce1Le nom mus, muris sert à désigner
le rat ou la souris, ou d’autres animaux selon l’épithète qui lui
est adjointe. L’animal ici nommé mus marinus
pose des problèmes d’identification en raison de la mauvaise lecture
faite par Pline d’un passage d’Aristote, comme l’a montré De
Saint-Denis 1947, 72-73. Celui-ci rappelle en effet qu’en grec μῦς
(Plin.
nat. 9, 115 : In nostro mari reperiri solebant
crebrius circa Bosporum Thracium, rufi ac parui in conchis quas myas
appellant, « On trouvait dans notre mer, et, en plus grande
abondance, dans les parages du bosphore de Thrace, de petites perles
rousses dans des coquilles appelées myes » ; voir Plin. nat. 32,
149, mys) servait à désigner deux animaux
distincts, dont le premier était un coquillage, la moule commune, et
le second, un animal qu’Aristote rangeait parmi les cétacés (Arist. HA 519 a
23), et Oppien parmi les poissons de roche et de sable (Opp. hal. 1, 174), peut-être le tétrodon. En
revanche, continue De Saint-Denis, ce que Pline dit du mus marinus, en Plin.
nat. 9, 166, correspond à la description de la tortue d’eau douce
d’Aristote (Arist. HA 558 a 7-11), sans doute
en raison d’une mélecture : ἡ δ’ἑμύς ou ὁ δ’ἐμύς aurait été lu par
Pline ou écrit sur le texte qu’il consultait ἡ δὲ μῦς ou ὁ δὲ μῦς.
Cette tortue d’eau douce est l’Emys lutaria Linné, 1758. Kitchell
& Resnick 1999, 1692, n. 228, confirment l’analyse de De
Saint-Denis, mais proposent d’y reconnaître une tortue de mer : la
Testudo coriacea Vandelli, 1761 ou
Dermochelys coriacea Linné, 1766,
qui vit dans les océans et la Méditerranée ; voir encore D’Arcy
Thompson 1947, 167-168. Le rapprochement dans ce chapitre du mus marinus et du musculus
n’est peut-être pas dû qu’au hasard alphabétique, car le second
animal désigne aussi soit la moule soit un cétacé, avec des
caractéristiques qui sont en partie empruntées au μῦς
d’Aristote. ?], musculus [le petit rorqual ? ; la moule ?2Musculus (avec u radical long) est un diminutif de mus, muris. De Saint-Denis
1947, 73, n’a pas pu identifier ce poisson « plus légendaire que
réel ». Selon D’Arcy Thompson 1947, 168, il s’agit de la balaena. André 1986, 186, n. 336, reprend les
conclusions d’Andrews 1948, puis de Linné, et propose d’y voir le
petit rorqual de Méditerranée (Balaenoptera acutorostrata
Lacépède, 1804). Les relations décrites dans le chapitre de l’hortus sanitatis sont celles entretenues par le
poisson-pilote (Naucrates ductor Linné, 1758),
avec des requins le plus souvent. En revanche, musculus (avec un u
radical bref par opposition au précédent) désigne la moule. Selon De
Saint-Denis 1947, 75, le nom a été formé à partir du grec μῦς, μυός,
m. « moule ». Il s’agit de la Mytilis edulis Linné, 1758, si
c’est la moule commune, dont le nom provençal est muscle.] et mustela
[« la belette » : la lote ; le squale3La belette (latin mustela
et grec γαλῆ), souple et allongée, a donné son nom à un poisson
que De Saint-Denis 1947, 73-74, et D’Arcy Thompson 1947, 168,
identifient comme la lote d’eau douce ou Lota lota Linné, 1758, ou Gadus Lota Linné, 1758. On
l’appelle encore la moutelle. Mais si le passage de Pline, cité par
l’Hortus sanitatis, fait sans doute référence
à la lote d’eau douce, en revanche ce n’est pas ce poisson qui est
décrit dans le second extrait faussement attribué à Aristote, mais
provenant en réalité d’Ambroise. Le terme mustela correspond chez Ambroise à l’adaptation
du grec τὰ γαλεώδη et désigne un squale vivipare. Il s’agit sans
doute du même animal que celui désigné par les encyclopédistes
médiévaux sous le nom de galata d’après
Aristote (peut-être le Mustelus mustelus
Linné, 1758) : voir s. v.
Galata.] [+][VB 17, 74 De mure ac musculo et
mustela [-]][+]
Mus marinus, musculus et mustela [+][VB 17, 74 De mure ac musculo et mustela [-]][+]
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1Le nom mus, muris sert à désigner le rat ou la souris, ou d’autres animaux selon l’épithète qui lui est adjointe. L’animal ici nommé mus marinus pose des problèmes d’identification en raison de la mauvaise lecture faite par Pline d’un passage d’Aristote, comme l’a montré De Saint-Denis 1947, 72-73. Celui-ci rappelle en effet qu’en grec μῦς (Plin. nat. 9, 115 : In nostro mari reperiri solebant crebrius circa Bosporum Thracium, rufi ac parui in conchis quas myas appellant, « On trouvait dans notre mer, et, en plus grande abondance, dans les parages du bosphore de Thrace, de petites perles rousses dans des coquilles appelées myes » ; voir Plin. nat. 32, 149, mys) servait à désigner deux animaux distincts, dont le premier était un coquillage, la moule commune, et le second, un animal qu’Aristote rangeait parmi les cétacés (Arist. HA 519 a 23), et Oppien parmi les poissons de roche et de sable (Opp. hal. 1, 174), peut-être le tétrodon. En revanche, continue De Saint-Denis, ce que Pline dit du mus marinus, en Plin. nat. 9, 166, correspond à la description de la tortue d’eau douce d’Aristote (Arist. HA 558 a 7-11), sans doute en raison d’une mélecture : ἡ δ’ἑμύς ou ὁ δ’ἐμύς aurait été lu par Pline ou écrit sur le texte qu’il consultait ἡ δὲ μῦς ou ὁ δὲ μῦς. Cette tortue d’eau douce est l’Emys lutaria Linné, 1758. Kitchell & Resnick 1999, 1692, n. 228, confirment l’analyse de De Saint-Denis, mais proposent d’y reconnaître une tortue de mer : la Testudo coriacea Vandelli, 1761 ou Dermochelys coriacea Linné, 1766, qui vit dans les océans et la Méditerranée ; voir encore D’Arcy Thompson 1947, 167-168. Le rapprochement dans ce chapitre du mus marinus et du musculus n’est peut-être pas dû qu’au hasard alphabétique, car le second animal désigne aussi soit la moule soit un cétacé, avec des caractéristiques qui sont en partie empruntées au μῦς d’Aristote.
2Musculus (avec u radical long) est un diminutif de mus, muris. De Saint-Denis 1947, 73, n’a pas pu identifier ce poisson « plus légendaire que réel ». Selon D’Arcy Thompson 1947, 168, il s’agit de la balaena. André 1986, 186, n. 336, reprend les conclusions d’Andrews 1948, puis de Linné, et propose d’y voir le petit rorqual de Méditerranée (Balaenoptera acutorostrata Lacépède, 1804). Les relations décrites dans le chapitre de l’hortus sanitatis sont celles entretenues par le poisson-pilote (Naucrates ductor Linné, 1758), avec des requins le plus souvent. En revanche, musculus (avec un u radical bref par opposition au précédent) désigne la moule. Selon De Saint-Denis 1947, 75, le nom a été formé à partir du grec μῦς, μυός, m. « moule ». Il s’agit de la Mytilis edulis Linné, 1758, si c’est la moule commune, dont le nom provençal est muscle.
3La belette (latin mustela et grec γαλῆ), souple et allongée, a donné son nom à un poisson que De Saint-Denis 1947, 73-74, et D’Arcy Thompson 1947, 168, identifient comme la lote d’eau douce ou Lota lota Linné, 1758, ou Gadus Lota Linné, 1758. On l’appelle encore la moutelle. Mais si le passage de Pline, cité par l’Hortus sanitatis, fait sans doute référence à la lote d’eau douce, en revanche ce n’est pas ce poisson qui est décrit dans le second extrait faussement attribué à Aristote, mais provenant en réalité d’Ambroise. Le terme mustela correspond chez Ambroise à l’adaptation du grec τὰ γαλεώδη et désigne un squale vivipare. Il s’agit sans doute du même animal que celui désigné par les encyclopédistes médiévaux sous le nom de galata d’après Aristote (peut-être le Mustelus mustelus Linné, 1758) : voir s. v. Galata.
4Aristote (Arist. GA 763 b 12) et Pline (Plin. nat. 11, 165) enseignent que les moules naissent spontanément. En revanche, ils ne disent rien d’un liquide fécondant les huîtres (voir Ostrea, ch. 66).
5La prise en bouche des jeunes est typique des cichlidés, poissons d’eau douce d’Afrique centrale, d’Amérique centrale et du Sud. Voir s. v. Fastem.
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1caput 56 1536.
2ante mus hab. plinius libro nono VB.
3tricesimum 1536 30 VBd.
4C’est le texte de Thomas de Cantimpré que Vincent de Beauvais a recopié presque à l’identique, bien qu’il prétende emprunter au livre 9 de Pline, marqueur qui n’a pas été repris par l’auteur de l’Hortus sanitatis ; Thomas de Cantimpré a de fait compilé deux extraits du livre 9 : Plin. nat. 9, 71 : Exeunt in terram et qui marini mures uocantur et polypi et murenae… ; et Plin. nat. 9, 166 : Mus marinus in terra scrobe effoso parit oua et rursus obruit terra, tricensimo die refossa aperit fetumque in aquam ducit […]. Fetus omnium aquatilium inter initia visu carent. L’extrait d’Aristote (Arist. HA 558 a 7-11), dont Pline s’est inspiré, n’apparaît pas dans la traduction de Michel Scot, tandis que Théodore Gaza identifie l’animal, substituant aquatilis à marinus, et ajoutant testudo lutaria : Mus aquatilis sive testudo lutaria in terra scrobe effossa dolii amplitudine parit ova ; quae deserit terra obrupta dieque tricesimo repetit refossaque aperit ; foetumque continuo ducit in aquam.
5enim om. Prüss1 1536.
6prohibetur Prüss1.
7Voir aussi Isid. orig. 12, 6, 53 : Musculi sunt, ut praediximus, cocleae quorum lacte concipiunt ostreae ; et dicti musculi quasi masculi.
8post balaena add. cui musculus 1536.
9oculus 1536.
10in del. 1536 ex Plin.
11ante libro hab. in 1536 VB.
12quae VBd.
13nullos VB.
14hirsutum… appellatum : hirsutam… appellatam 1491 Prüss1 1536 VB.
15Pline attribue ici au musculus des éléments de description du μῦς d’Aristote (Arist. HA 519 a 23).
16rhethae VBd.
17Nous avons maintenu la graphie fautive Bigrantinus, présente dans tous les textes consultés.
18L’apparat de De Saint-Denis 1955 à Plin. nat. 9, 63 fait état des variantes : marinis DFR1da murenis R2E2xlVz.
19La proximité du texte de Vincent de Beauvais cité par l’Hortus sanitatis et celui d’Ambroise montre que le marqueur est faux. Le fragment de l’Hexaméron d’Ambroise, à peine retouché par Vincent de Beauvais, est lui-même adapté d’un extrait de l’Héxaméron de Basile de Césarée, 7, 2. Chez Ambroise le terme mustela serait donc la transposition du grec τὰ γαλεώδη, « de la nature des squales ». Il est probable que Basile ait lui-même emprunté ses informations à Aristote, voir Arist. HA 565 b 23-27 : « les autres squales mettent bas leurs petits et les reprennent en eux-mêmes, comme aussi les anges et les torpilles. […] Au contraire le squale épineux est le seul à ne pas les reprendre à cause de leur épine » (Louis 1968, 84). Cependant, Michel Scot ne s’est pas servi du nom latin mustela mais a recouru au néologisme galeoz pour transposer, via l’arabe, le grec γαλεός, « squale », ou à d’autres dérivés comme galalea. Voir Arist. HA 565 b 23-27 MS : galalea autem extrahit suos pullos extra, deinde red<d>it ipsos iterum sibi ; et similiter facit beraki […]. Et atanitez galeoz tantum non red<d>it pullos ad suum interius propter spinas. Le terme galalea est un paronyme de galata, animal traité au chapitre 38, en des termes voisins, empruntés à Thomas de Cantimpré, qui ne dit rien en revanche – comme Albert le Grand – de la mustela. De son côté, pour traduire le grec γαλεός, Théodore Gaza emploiera mustelus. Aura-t-il été influencé par la tradition d’Ambroise et du Speculum naturale ou aura-t-il confondu ὁ γαλεός, « le squale » et ἡ γαλῆ͂, « la belette » ?
20phoca 1536.
21Voir Arist. HA 566 b 2 - 567 a 17, pour la reproduction du dauphin et du phoque.
22caulos 1491 Prüss1 1536.
23molliri 1491 Prüss1.
24intero Prüss1.
25ad om. Prüss1.
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