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Pensées 1002 à 1006

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1002

En fait de parure (disois je) il faut toujours faire au dessous dede ce qu’on peut.

- - - - -

{f.30v} Une page blanche

Main principale M

1003

{ f.31r} Continuation

Voyes le 1er volume de mes Pensées p. 220 et celui cy p. 27 et p. 39
J’ay toujours eu une timidité qui a souvent fait paroitre de l’embarras dans mes reponses : j’ay pourtant senti que jestois n’estois jamais si embarrassé avec les gens d’esprit qu’avec les sots

Embarrasse avec les sots

, je m’embarrassois parce que je me croyais embarrassé ; et que je me sentois honteux qu’ils pussent prendre sur moy de l’avantage
Dans les occasions mon esprit come s’il avoit fait un effort s’en tiroit assés bien lors que je voyag[e]ay j’arrivay a Vienne allant a Laxembourg[1] dans la sale où dinoit l’empereur le conte de Kinski me dit vous Mr qui revvenès de France et aves vu Versailles  vous estes bien etoné de voir l’empereur si mal logé[2]

Réponse de l’auteur

 ; Mr lui dis je je ne suis pas fâché de voir un pais ou les sujets sont mieux logés que le maitre effectivement les palais de Vienne et de Laxembourg sont vilains et ceux des principaux seigneurs sont beaux : estant en Piemont le roy Victor[3] me dit {f.31v}  : Mr estes vous parant de mr l’abé de Montesquieu[4] que j’ay vu icy avec Mr l’abé d’Estrades[5] du temps de madame ma mère[6]. Sire, lui dis je vo M.[7] est come Cæsar qui n’avoit jamais oublié aucun nom : la reine d’Angleterre me dit a la promenade je rends grace a Dieu de ce que les rois d’Angleterre peuvent toujours faire du bien et jamais de mal madame dis je il n’y a point d’home qui ne dut donner un bras pour que tout les rois pensassent come cela vous[8]. Quelque temps apres je dinay chez le duc de Richemond[9] le gentilhome ordinaire Labaune[10] qui estoit un fat quoy qu’envoye de France en Hollande soutint que l’Angleterre n’estoit(1)

(1) pas plus grande que la Guienne [...]

[11]

Main principale M

1004

J’ay toujours vu que pour reussir parfaitement bien dans le monde il faloit avoir l’air fou et estre sage

Air fou et estre sage

 :
Voy p. 27 : de ce vol et p. 220 de l’autre

Main principale M

1005

Je n’ay j’amais aimé a jouir du ridicule des autres

- - - - -

J’ay este peu difficile sur l’esprit des autres j’estois ami de presque touts les esprits et ennemy de presque touts les coeurs
La timidite a este le fleau de toute ma vie elle sembloit obscurcir jusqu’a mes organes lier ma langue mettre un nuage sur mes pensées derrenger mes expressions j’estois moins timide sujet a ces abatements devant des gens d’esprit que devant des sots c’est que j’esperois qu’ils m’entenderoint cela me donnoit de la confiance :

Main principale M

1006

{f.32r}

Sciences
Belles Lettres

On ne peut pas dire que les lettres

(1)[1]

ne soit qu’un amusement d’une certeine partie des citoyens il faut les regarder sous une autre face on a remarqué que leur prosperite est si intimement attachée a celle des empires qu’elle en est infailliblement le signe ou la cause ; et si l’on vient jetter un coup d’oeil sur ce qui se passe actuelement dans le monde nous verrons que dans la meme raison que l’Europe domine sur les autre trois parties du monde et est dans la prosperité tandis que tout le reste gemit dans l’esclavage et la misere, de meme l’Europe est plus eclairée a proportion que dans les autres parties ou elles sont ensevelies dans une epaisse nuit ; que si nous voulons jetter les yeux sur l’Europe nous verrons que les estats ou les lettres sont les plus cultivees ont aussi a proportion plus de puissance et si nous ne jetons les yeux que sur notre France nous verrons les lettres naitre ou s’ensevelir {f.32v} avec sa gloire donner une lueur sombre sous Charles magne , et puis s’eteindre reparoitre sous François premier et se perfectio s’etendre avec la et suivre l’eclat de notre monarchie et si nous nous bornons au grand regne de Louis 14 nous verrons que le temps de ce regne ou la prosperite fut plus grande le succes des lettres le fut aussi...
Que si vous jettes les yeux sur l’empire romain si vous examines les ouvrages de l’art qui nous sont restes vous verres la sculpture l’architecture et enfin tous les autres arts se pancher

se pancher et tomber comme l’empire

vers la meme ruine que comme l’empire la sculpture et l’architecture croitre depuis Auguste jusques a Hadrien et a Trajan et deperir jusques a Constantin
Que si vous jettes les yeux sur l’empire des califes vous verres que ceux de la famille d’Abbas  dont l’esprit general fut de faire fleurir les sciances Almanzor Rashid Rashid et son fils Alamon & qui surpassa dans cet amour touts ses ancestres qui obtint de l’empereur d’Orient touts les livres grecs les fit {f.33r}

Belles Lettres

traduire de philosophie en fit traduire un grand nombre[2]
Voir cela
Que si vous jettes les yeux sur l’empire des Turcs sur sa foiblesse dans le mesme pais ou l’on a vu avoit vu autre fois un si grand nombre de puissantes nations vous verres que dans ce pais il n’y a rien que l’ignorance qui soit egal a cette foiblesse dont nous parlons et si nous comparons cet estat ou ils sont dans le temps [un mot biffé non déchiffré] ou il est a present avec ceux ou ils eurent le pouvoir de tout conquerir et de tout detruire vous verres que cela part de ce principe certein qu’il ne peut y avoir que deux sortes de peuples véritablement puissans sur la terre ou des pais des nations totalement policées ou des nations totalement barbares

Nations ou totalement policées ou totalement barbares

 :
On scait que ces vastes empires du Perou et du Mexique ne périrent que par leur ignorance[3]

Voir ce que j’en ay dit dans un morceau à part :

et il y a aparance qu’ils se seroint deffendus contre nos arts si cette mesme ignorance n’avoint mis dans leur coeur une superstition qui leur faisoit {f.33v} sans cesse esperer ce qu’ils ne devoint pas esperer et creindre ce qu’ils ne devoint pas creindre et une preuve certeine de cela c’est que les petits peuples barbares qui ce trouverent dans ce vaste continent ne purent estre sommis et ne le sont et la plus part ne le sont pas encore :
Il ne faut donc pas regarder dans une grand nation les sciances come une occupation veine c’est un objet serieux :
Et nous n’avons pas a nous reprocher que notre nation n’y ait travaillé sans relache avec soin mais il faut faire icy des refl come dans les estats empires rien n’aproche plus de la decadance qu’une grande prospérite aussi dans notre republique litteraire il est a creindre que la prosperite ne mene a la decadance et il faut que je parle icy des nous n’avons que les inconvénients que nous trouvons a present uniquement causes par dans notre prosperite même hureux de n’estre plus dans ces temps ou l’on n’estoit pouvoit creindre ne trouvoit trouvoit que ceux qui estoint produits par une cause contraire :
{f.34r} Le scavoir

Bel esprit

, par les secours de toutes les especes que nous avons eues, a pris parmi nous un air aise une aparance de facilité qui fait que tout le monde se jujge scavant ou bel esprit et avoir acquis le droit de mépriser les autres. De là cette négligeance d’aprandre ce qu’on croit scavoir ; de là cette sotte confiance dans ses propres forces qui fait entreprendre ce qu’on n’est pas capable d’executer : de là cette fureur de jujer cette honte de ne jujer pas pas decider cet air de mepris sur tout ce qu’on ne coñoit pas ; cette envie de ravaler tout ce qui se trouve trop haut dans un siecle ou chacun se croit ou se voit un personage important.
De là dans ceux qui se croyent estre obliges d’estre de beaux esprits et qui ne peuvent s’empecher de sentir leur mérite inferieur, cette fureur pour la satire qui a fait multiplier parmi nous les ecrits de cette espece qui produisent deux sortes de mauvais effets en decourageant les talents de ceux qui en ont et en produisant la malice [mot biffé non déchiffré] stupide de ceux qui n’en ont pas
Voyes la p 64 voy . aussi la p 172 p 243 v.º
{f.34v} De la ce ton continuel qui consiste a tourner en ridicule les choses bonnes et memes et les vertueuses[4] les esprits de l tout le monde s’en est meslé et on a confondu le gout o malheur nous n’avons parce que nous si nous n’avons plus de Socrate nous devrions au moins avoir des Aristophanes : a force de dire qu’on le cherchoit on l’a fait disparoitre et si nous n’avons plus de Socrate, nous avons encore moins des Aristophanes
Virgile et Horace sentirent dans leur temps le poids de l’envie nous le scavons, et nous ne le scavons que par les ouvrages de ces grands homes. Les ecrits satiriques faits contre eux ont péri

Critique

et les ouvrages qu’ils ont attaques sont eternels[5] ainsi meurent les insectes qui ont fait secher les feuilles des arbres qui au retour du printemps reparoissent toujours verds :
Une certaine delicatesse a fait que l’on n’s’est tellement acoutume rendu extremement difficile sur tout ce qui n’a pas cette perfection dont la nature humaine n’est pas capable et a force de trop demender on decourage les talents

- - - - -

Enfin de grandes decouvertes qu’on a faites dans ces derniers temps faît qu’on regarde come ridicule frivole tout ce qui ne porte pas avec soy un air d’utilite presente sans songer que tout est lie et que tout se tient : * Voir mon ouvrage sur la critique[6] : voy aussi la p.17 v. de ce volume voyes aussi la page 110 et 111 de ce volume et suiv.

Main principale M


1003

n1.

Montesquieu arriva à Vienne le 30 avril 1728 et fut reçu le 20 mai par l’empereur Charles VI dans sa résidence de Laxembourg (Voyages, p. 11).

1003

n2.

Termes employés par Montesquieu lui-même à propos de cette maison de chasse (Voyages, p. 11). L’anecdote est reprise à l’article nº 2134. Deux comtes de Kinsky von Wchinitz und Tettau sont mentionnés par Montesquieu à propos de son séjour en Autriche : Stephan Wilhelm (1679-1749), ambassadeur d’Autriche à Paris de 1729 à 1732, et son frère Philipp Joseph (Voyages, p. 13-14 ; voir aussi la lettre de Montesquieu à Guasco du 4 octobre 1752, Masson, t. III, p. 1439) ; il évoque ce dernier, ambassadeur d’Autriche à Londres entre 1728 et 1736, dans ses Notes sur l’Angleterre (Voyages, p. 497, 499).

1003

n3.

La conversation avec Victor-Amédée II (1666-1732), roi de Sardaigne, eut lieu lors du séjour de Montesquieu à Turin, le 24 octobre 1728 ; elle est rapportée dans les Voyages (p. 173-174).

1003

n4.

Joseph de Secondat (1646-1726), abbé de Faize, oncle paternel de Montesquieu ; voir la lettre de Montesquieu à Louise-Françoise-Armande d’Estrades d’Herbigny du 9 novembre 1728 (Correspondance I, p. 383).

1003

n5.

Jean-François d’Estrades (1642-1715), abbé de Moissac, ambassadeur de France auprès du duc de Savoie de 1679 à 1685.

1003

n6.

Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie-Nemours exerça la régence lors de la minorité de son fils, de 1675 à 1680.

1003

n7.

Abréviation pour : Votre Majesté.

1003

n8.

Cf. nº 662.

1003

n9.

Charles Lennox, 2e duc de Richmond (1701-1750), membre de la Royal Society, présida en 1734 et 1735 à des tenues de loges maçonniques à Paris, assisté par Montesquieu ; il est mentionné à plusieurs reprises dans la correspondance de celui-ci (Shackleton, p. 136 ; Masson, t. III, p. 954, 955, 988, etc.).

1003

n10.

Jean-Baptiste de la Baune (1688-1740), chargé d’affaires en Hollande et en Espagne, qui signa les préliminaires dans les négociations sur la réunion de la Lorraine à la France en 1735.

1003

n11.

Cette addition est écrite verticalement, dans la marge gauche du f. 32r : voir nº 1006.

1006

n1.

Voir nº 1003, note 11.

1006

n2.

Voir nº 723. La dynastie des califes abbassides, descendants d’‛Abbās, oncle de Mahomet, parmi lesquels on compte Abū Ja‛far al-Mansūr (« Almanzor », calife de 754 à 775), Hārūn al-Rachīd (« Rachid », calife de 786 à 809) et son fils al-Ma’mūn (« Alamon », calife de 813 à 833), était considérée comme l’apogée de la civilisation arabe ; voir d’Herbelot, Bibliothèque orientale […], Paris, Compagnie des libraires, 1697, art. « Abbassides » – Catalogue, nº 2487).

1006

n3.

Voir le Discours sur les motifs qui doivent nous encourager aux sciences [1725], OC, t. 8, p. 495-497 ; cf. nº 1265.

1006

n4.

Cf. nº 1262, 1542.

1006

n5.

Cf. nº 926.

1006

n6.

Cf. le titre de la séquence nº 510-513 et voir l’introduction de l’Essai sur le goût, OC, t. 9, p. 468.