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Chapitre 2 – L’établissement de la chronologie

2.1 L’information stratigraphique

Henri Galinié, Philippe Husi, Elisabeth Zadora-Rio

Épaisseur de la stratification et superficie fouillée

1L’épaisseur de la stratification (de l’ordre de 2 à 3 m au nord de l’église, et de 3 à 4 m au sud), très inhabituelle pour un site rural, a eu des répercussions sur la superficie fouillée. En quelque quatorze mois de fouille, une superficie de 1100 à 1200 m2 a été ouverte autour de l’église mais elle a été progressivement réduite (Fig. 9).

Fig. 9 : Les superficies fouillées par périodes

2La fouille a été poursuivie jusqu’au « naturel » — ou ce qui en tient lieu, c’est-à-dire des colluvions ocre stériles qui ne se distinguent en rien des sédiments qui ont recouvert les structures du haut Moyen Âge, sinon par le fait qu’elles ne contiennent plus ni sépultures, ni mobilier — sur une superficie de 540m2. Les niveaux les plus anciens, qui datent des 6e-7e siècles, ont donc été fouillés sur une surface à peine équivalente à la moitié de l’emprise totale de la fouille. Pour la période des 11e-12e siècles, la superficie fouillée est de l’ordre de 900 m2, et c’est seulement pour l’époque moderne et contemporaine, depuis les 15e-16e siècles jusqu’au milieu du 19e siècle, que l’emprise de la fouille a dépassé les 1100 m2 (Fig. 9). La représentativité de la fouille n’est donc pas la même d’une époque à l’autre.

3À l’intérieur de l’église, en raison du mauvais état de l’édifice qui subsiste en élévation, seule la réalisation d’un sondage de 27 m2 a été autorisée par la Conservation régionale des Monuments historiques (Fig. 10).

Fig. 10 : Les zones de fouille

Colluvionnement et arasements

4L’importance des phénomènes d’accumulation a exercé une contrainte sévère sur les habitants de Rigny, qui ont dû lutter en permanence contre les colluvions, soit en les retenant par des murs de terrasse, soit en les arasant, et ces pratiques ont eu à leur tour des conséquences importantes sur la constitution et la conservation des dépôts archéologiques : si la totalité de la durée d’occupation du site est représentée dans certaines parties de la fouille, ailleurs les séquences stratigraphiques comportent des discontinuités en raison des décaissements qui ont entraîné la disparition complète de certaines phases d’occupation. Ainsi par exemple au chevet de l’église (zone 6), ou le long du goutterot nord (zone 3), on passe sans transition de l’époque contemporaine au Moyen Âge. Il y a donc une conservation différentielle de la stratification, due à la lutte contre le colluvionnement ou à l’érosion.

Fluctuations de l’emprise du cimetière

5Un autre facteur qui a eu une influence sur la constitution de la stratification est dû aux fluctuations de l’emprise du cimetière (Fig. 11).

Fig. 11 : Les fluctuations de l’emprise du cimetière

6Sur les 1100 à 1200 m2 fouillés, il y en a près de 1000 qui ont été utilisés à un moment ou à un autre comme aire d’inhumation (Section 5, P0/2), certains pendant un ou deux siècles, d’autres pendant plus d’un millénaire, avec des densités d’inhumation très variables selon les périodes. Les bâtiments du haut Moyen Âge, situés au nord et au sud-ouest de l’église, sont antérieurs aux inhumations, et leurs niveaux de destruction ont été scellés par des colluvions ocre à travers lesquelles ont été creusées les premières fosses de sépulture. La densité des premières inhumations qui ont succédé aux bâtiments du haut Moyen Âge était assez faible. Au nord de l’église, l’occupation funéraire à l’emplacement du bâtiment 14 a été de courte durée, et une nouvelle séquence de bâtiments qui va du 12e au 19e siècle s’est établie sur la partie du cimetière définitivement abandonnée comme telle (Schéma chronologique 1). Au sud de l’église, l’occupation funéraire a eu au contraire une durée plus que millénaire, mais la période de plus forte densité a été suffisamment tardive pour que l’élévation du bâtiment 32 ait été en partie protégée par l’accumulation des colluvions.

Schéma chronologique 1

7Dans les zones qui ont connu une longue utilisation funéraire, le brassage permanent des terres résultant des fossoyages multiples et l’apport en matières organique des cadavres ont entraîné une transformation progressive des colluvions ocre en colluvions brunes. En raison de leur homogénéité, il n’était guère possible, à la fouille, de suivre les contours des fosses d’inhumation qui n’apparaissaient que de manière furtive : leurs limites n’étaient réellement identifiables que là où elles traversaient des couches de construction (notamment, au nord de l’église, les niveaux liés à la construction des arcs-boutants et à leur remplacement par des contforts) ou lorsqu’elles entamaient le substrat de colluvions ocre. Cet usage intensif de l’espace d’inhumation, notamment au sud de l’église (zone 4), s’est soldé par la constitution de couches stratigraphiques très épaisses correspondant à plusieurs siècles d’utilisation ininterrompue du cimetière, et leur subdivision en tranches chronologiques s’est révélé impossible sur les seuls critères stratigraphiques. Dans ces niveaux, parfois épais de plusieurs mètres, la fouille a été conduite par passes mécaniques de 10 cm. L’étude fine des tessons contenus dans ces passes a montré que la chronologie de la céramique ne reflétait guère l’ordre des passes mécaniques en raison de la contamination provoquée par le creusement des fosses dont les limites n’étaient pas identifiables (HUSI 1995).

8Considérant que le volume de sol contenu sous un squelette en position anatomique constituait nécessairement un « isolat » antérieur à cette inhumation, protégé de toute contamination, la fouille a été conduite en isolant le mobilier issu de chacun de ces isolats, dans le but d’affiner les datations. Le résultat n’ayant pas été probant, notamment du fait de la faible quantité de matériel recouvré et des incertitudes pesant sur les datations, l’expérience, lourde dans sa mise en œuvre, n’a pas été poursuivie.

9L’alternance des phases d’inhumation et des phases de construction et d’occupation des bâtiments a compliqué la restitution de ceux-ci, mais elle n’a pas eu que des désavantages : elle a permis d’affiner la chronologie des édifices grâce à la multiplication des datations de sépultures par le radiocarbone. Au nord de l’église, la chronologie du bâtiment 14, antérieur aux inhumations, repose essentiellement sur les datations d’ossements par le radiocarbone, car les assemblages céramiques qui lui étaient associés étaient modestes (Section 2, P0/16). Les datations de sépultures par le 14C ont permis également de donner un terminus post quem pour les bâtiments qui se sont établis sur la partie du cimetière définitivement désaffectée au nord de l’église (Section 3).

2.2 La mise en œuvre de la céramique pour la datation des bâtiments et des groupes de sépultures

Lise Bellanger et Philippe Husi

Présentation de la démarche générale

10La datation des contextes archéologiques à partir de la céramique repose sur la comparaison d’assemblages céramiques1 quantifiés en nombre minimum d’individus (NMI) par groupe technique ; lorsque la présence d’éléments de forme le permet, il est alors possible de se référer à la typologie. Un site rural comme celui de Rigny, avec des assemblages céramiques quantitativement modestes, ne peut servir de référentiel chronologique. Les assemblages céramiques sélectionnés sont alors datés par comparaison avec d’autres, issus de longues séquences stratigraphiques régionales, souvent urbaines, ici Tours (GALINIÉ, HUSI, MOTTEAU et al. 2014). L’approche traditionnelle de la datation impose une comparaison individuelle de chaque assemblage au référentiel. Ce choix a été fait ici pour quelques ensembles avec de faibles effectifs (Fig. 12), qu’il était impossible d’intégrer à une démarche plus systémique de modélisation statistique (infra).

EnsemblesDatation
Église XJusqu’au 10e s.
Église Y10a-11b
Destruction bâtiment 148b-c
Destruction bâtiment 336a-7d
Premier état Bâtiment 915d-16b
Fig. 12 : Datation des contextes archéologiques par la céramique (Ensembles non modélisés). Les lettres a, b, c, d représentent un découpage en quarts de siècles.

11La proximité typologique des récipients par rapport à un référentiel établi est également l’approche retenue pour la datation des sépultures, l’assemblage céramique n’étant plus ici un niveau d’occupation ou un ensemble clos domestique, mais les vases funéraires associés à une même sépulture (Fig. 13).

Numéro sépultureContenantNbre de vasesZoneForme référence ICERAMMUSRéf. biblioGroupe technique (référence ICERAMM)Datation
1Pleine terre43Pichet 2-1US3016RACF1992to1j14e s.
11Coffrage de pierres d’appareil12Pot 2-2 (oule)US2068to1k12e - début 13e s.
12Information insuffisante13Pot 2-1 (oule)US3083RACF1992to1k12e - début 13e s.
15Pleine terre13Pot 4-1 (coquemar)US3102RACF1992to1kfin 12e-début 13e s.
50Pleine terre33Pot 12-1 (coquemar)US3298RACF1992to3e14e -début 15e s.
51Pleine terre13Pot 2-29 (oule)US3422RACF1992to1k11e-début 12e s.
79Pleine terre ou cercueil43Pot 11-1 (coquemar)US3589RACF1992to1k et to1L13e s.-début 14e s.
85Coffrage de pierres d’appareil32Pot 2-2 (oule)US2686RACF1992to1k12e- début 13e s.
86Coffrage de pierres d’appareil52Pot 2-2 (oule)US2688RACF1992to1k12e- début 13e s.
88Coffrage de pierres d’appareil43Pot 2-29 (oule)US3866RACF1992to1k11e-début 12e s.
218Coffrage de pierres d’appareil14Pichet 1-1 ou 10-2US41038to7b13e - début 14e s.
276Information insuffisante14Pot 12-1 (coquemar)US4042RACF1992to3e14e s. début 15e s.
1270Pleine terre ou cercueil14Pichet 1-1 ou 10-2US40405to7b13e – début 14e s.
1271Pleine terre ou cercueil14Pot 12-1 (coquemar)US40406to3e14e s. ou début 15e s.
1273Pleine terre ou cercueil14Pot 2-2 (oule)US40340to1k12e- début 13e s.
1582Coffrage de pierres d’appareil12Pot 11-1 (coquemar)US2673to1L13e s.-début 14e s.
1805Cercueil à clous forgés41Pot 12-1 (coquemar)US1042to3e14e s. ou début 15e s.
Fig. 13 : Datation des sépultures à partir des vases funéraires

12Quelle que soit la méthode envisagée, la validation des datations obtenues repose toujours sur la logique stratigraphique in situ et sur la cohérence avec les autres éléments de datation à notre disposition (verre, objets, datations en laboratoire).

Présentation succincte du modèle archéo-statistique de datation

13La modélisation des données céramiques dans un but chronologique alimente une recherche, menée maintenant depuis plusieurs années, qui regroupe des archéologues et des statisticiens, dans un projet nommé CeraR, pour « Céramique archéologique avec R » (http://citeres.univ-tours.fr/spip.php?article506). Nous ne présentons ici que les résultats pour le site de Rigny, la méthodologie et les résultats pour la ville de Tours et plus largement pour le Centre-Ouest de la France ayant déjà fait l’objet de nombreuses publications (HUSI, TOMASSONE, CHAREILLE 2000 ; HUSI 2001 ; BELLANGER, HUSI, TOMASSONE 2006 ; BELLANGER, HUSI 2012 ; HUSI, BELLANGER 2014 ; BELLANGER, HUSI, LAGHZALI 2015).

14L’approche consistant à comparer statistiquement des assemblages à dater à d’autres assemblages de référence est identique à celle suivie précédemment. La différence fondamentale dans la démarche archéo-statistique réside dans son approche systémique et la construction d’un modèle permettant une comparaison globale des assemblages céramiques, chaque nouvel assemblage participant au modèle pouvant potentiellement réviser, donc préciser, tout ou partie des datations des autres assemblages modélisés.

15Pratiquement, le modèle statistique est construit à partir des assemblages céramiques datés par des éléments extérieurs, provenant de différents sites répartis dans la ville de Tours qui servent de référence. Cette première étape de construction du modèle, avec Tours comme référence, consiste à ajuster un premier modèle de régression linéaire, reliant des ensembles datés (ici par des monnaies) à leur assemblage céramique, résumé par les premières composantes d’une AFC. Nous obtenons ainsi, pour ces ensembles, une prévision de date par intervalle de confiance à 95 %. Les ensembles de Rigny ne participent pas de manière active au modèle ; ils y sont intégrés comme des ensembles supplémentaires. Le modèle permet donc d’estimer la datation de ces derniers, la validation des résultats reposant sur les quelques éléments datants des ensembles de Rigny (monnaies ; 14C) et sur la logique chrono-stratigraphique. La date de quatre ensembles est précisée par des monnaies ou des datations 14C. Nous insistons sur le fait que ces dates n’interviennent aucunement dans les différentes étapes de la modélisation, les assemblages en question étant supplémentaires, donc à dater ; elles permettent simplement de valider les estimations proposées, donc la cohérence générale de la démarche.

Application du modèle : datation des Ensembles de Rigny

16Le modèle a été validé à Tours, notamment pour un nombre important d’ensembles supplémentaires du site 3 (Château) (HUSI, BELLANGER 2014), comme pour d’autres sites de la ville, mais aussi sur des sites extérieurs à la ville de référence comme à Chinon ; son application aux ensembles sélectionnés pour Rigny était donc tout à fait envisageable. Les contraintes imposées par cette application à des sites plus lointains sont de deux ordres : contraintes liées à la comparaison des corpus de données et décalages possibles dans les approvisionnements céramiques de deux centres de consommation (Tours et Rigny) éloignés d’une trentaine de kilomètres. Outre deux groupes techniques propres à Rigny, donc inconnus à Tours, qui n’interviennent d’aucune manière dans le modèle, la provenance des autres productions est soit attestée, soit supposée identique. Dans ce dernier cas on admet que Tours et Rigny sont suffisamment proches pour que les productions puissent appartenir à la même tradition de fabrication, donc au même espace économique, impliquant une évolution typologique des récipients si ce n’est identique, du moins quasi synchrone. Cette hypothèse est étayée par d’autres recherches réalisées maintenant depuis quinze ans dans le cadre d’un projet collectif de recherche sur l’approvisionnement en céramique du Centre-ouest de la France (HUSI 2003, HUSI 2013).

17Ces précisions sur le protocole d’application du modèle étant posées, il nous a semblé préférable de présenter les résultats sous la forme de deux tableaux qui regroupent les ensembles en relation avec : (i) les bâtiments (Fig. 14) ; (ii) les différents événements dans le cimetière, qui sont susceptibles d’intervenir dans la datation des groupes de sépultures (Fig. 15). Ainsi, pour l’étude générale du site de Rigny, 22 contextes archéologiques (ensembles) ont été modélisés, 14 ensembles en relation avec les bâtiments et 8 liés à des événements dans le cimetière.

1234567
ArchéologieModèle (IC)Archéologie
EnsembleInterprétationDate RignyIC <IC >Autres arguments de datation (principalement chrono-stratigraphiques)Datation
Période 1
R24Une fosse (F 1048 [US 41344 et 41317]) à rattacher au bâtiment 35674835R24 sous R1 et R16 donc pas postérieur à l’occupation du bâtiment 327c-(8a ?)
R1Dépôt de cendres et charbon de bois associé à des fosses (activités de transformation contemporaines du bâtiment 35 [US 40601, 40590,40611 et 41309])Charbons [Ly-10255 (662-776)]707851Croisement date du modèle et date des charbons8a-b (c ?)
R8Une fosse (F 1034 [US42146]) à rattacher au bâtiment 327868928d-9d
R16Un niveau d’occupation extérieur du bâtiment 32 ([US 42138]654775R16 au moins contemporain de la phase de construction du bâtiment 32 (R1)8a-c
R27Un niveau de destruction du bâtiment 32 [US 40574 et US 41292]7288708b-(9c ?)
R18Une fosse (F 237 [US 40585, 40598 et 40599]) avec charbon et matériau de destruction bâtiment 326988448b-(9c ?)
Période 4
R13Un niveau d’occupation intérieur du bâtiment 13 14C sépulture sous bâtiment 13 : TPQ 1098 [Ly-8041 (1098-1370)] - deux monnaies (1100) contemporaines occupation bâtiment 1311051216R13 est sous R10 et R1212a-12d
R30Un niveau d’occupation intérieur (à rattacher au bâtiment 13 (R13)11611273R30 est sous R10 et R1212c-13c
R10Un niveau d’occupation intérieur du bâtiment 1011781345R10 est sous R11 donc peut perdurer jusqu’à R1112d-14b
R12Un niveau d’occupation intérieur du bâtiment 1212011327R12 est sous R11 donc peut perdurer jusqu’à R1113a-14b
R22.1Un premier niveau d’occupation intérieur du bâtiment 2211671294R22-1 est obligatoirement antérieur à R22-212c-13d
R22.2Le second niveau d’occupation intérieur du bâtiment 22Monnaie (1388)13001398R22-2 est sous R11 donc peut perdurer jusqu’à R1114a-14d
R2Un niveau d’occupation intérieur du bâtiment 212601363R2 est sous R11 donc peut perdurer jusqu’à R1113c-14c
Période 5
R11Latrines du presbytère, occupation du 1er état[F509, US 2201, 2259]Verrerie
2e moitié 15e-début 16e s.
1460151815c-16a
Fig. 14 : Ensembles modélisés en relation avec les bâtiments
1234567
ArchéologieModèleArchéologie
EnsembleInterprétationDate Rignydate <date >Arguments de datationDatation
R7Fosse F1033 [US 41300, 41306 et 41343]6757947c-8d
R19Une grande fosse comblée de déchets de destruction bâtiment 32 (remblai) (quasi contemporain de R3)[F 225, US 40582 et 40597]697823Au moins contemporain de R27 ; Difficile de dater la fin de la destruction comme pour R18 et R278b-(9a ?)
R14Une fosse dépotoir ; [F1056, US 41339]7018498a-9b
R3Un niveau d’occupation dans destruction bâtiment 32 (sous F221 : fait lié à la construction de l’église Y ou Z) [US 42093 et 40556]706831R3 est au moins postérieur à l’occupation du bâtiment 32 (donc de R16 : occupation la plus tardive)8d-(9b ?)
R26Niveaux de colluvions brunes [US 41312]709864La nature du contexte traduit un dépôt lent (processus)8b-9c
R5.1Une première série de niveaux d’utilisation d’un four à chaux F1049 [US 41325 et 41334]717868R5-1 est sous R5-28a
R5.2Une deuxième série de niveaux d’utilisation d’un four à chaux F1049 [US 41313]728889R5-2 est sous R26 ; la nature du contexte (R5) traduit un dépôt rapide (action)8b
R17Une zone dépotoir [F213, US 40569]Monnaie (1050)10601164Monnaie confirme bien la datation du modèle11c-12c
Fig. 15 : Événements stratigraphiques dans le cimetière intervenant dans la datation des groupes de sépultures (Ensembles modélisés)

18La colonne 1 correspond au numéro des Ensembles de Rigny. Pour la période 1 du tableau correspondant aux bâtiments (Fig. 14), tous les Ensembles modélisés concernent les bâtiments au sud de l’église.

19La colonne 2 indique l’interprétation archéologique des Ensembles.

20La colonne 3 comprend les éléments datant de certains Ensembles de Rigny (monnaies et 14C) non pris en compte dans le modèle, donc dans l’estimation de la date proposée (colonnes 4 et 5).

21Les colonnes 4 et 5 donnent une fourchette chronologique correspondant aux résultats du modèle statistique ; l’estimation par intervalle de confiance à 95% de la date de chaque Ensemble (IC en abrégé) : borne inférieure de l’IC (colonne 4) ; borne supérieure de l’IC (colonne 5).

22La colonne 6 présente — lorsqu’ils existent — des arguments chrono-stratigraphiques et utilise les dates (colonne 3) pour préciser et/ou valider l’estimation proposée.

23La colonne 7 présente la datation archéologique proposée par la céramique ; la fourchette chronologique présente un découpage en quarts de siècle (a, b, c, d). Il s’agit ici de passer d’une datation céramique estimée par le modèle à une datation archéologique qui intègre les informations d’ordre chrono-stratigraphique. Par exemple, le bâtiment 13 (R13) (Section 3) est daté du 12e siècle. La fourchette chronologique céramique (12a-13c) est limitée à la fin du 12e siècle puisque les bâtiments 10 et 12 qui lui succèdent stratigraphiquement (R10 et R12) apparaissent d’après les estimations du modèle au plus tôt à cette date, servant par conséquent de TAQ pour R13.

24Bien que les dates estimées par le modèle soient cohérentes avec l’interprétation archéologique et confortées par les éléments datant extérieurs à la démarche (monnaies, verre, datations 14C), la durée d’existence des ensembles et leur date de disparition ne sont généralement pas connues avec précision. C’est la confrontation entre la logique stratigraphique et la datation proposée qui permet de mieux apprécier la durée. Dans le cas des niveaux d’occupation des bâtiments 10 et 12 (ensembles R10 et R12) pour lesquels le modèle indique l’estimation moyenne la plus probable comprise dans l’intervalle de confiance, aucun argument stratigraphique n’interdit de penser que ces bâtiments perdurent jusqu’à la mise en place du presbytère (ensemble R11) ; le modèle fondé sur les assemblages céramiques ne permet pourtant pas de le montrer, l’occupation ayant pu changer de nature et/ou ne fournir que trop peu de mobilier susceptible de l’attester. Le temps archéologique qui s’inscrit dans la durée, peut comporter des discontinuités (érosion, hiatus chronologiques…), parfois difficilement observables dans la stratigraphie ou le mobilier archéologique. En d’autres termes, la datation des structures n’est pas réductible à la seule datation du mobilier.

25Pour conclure, résumons la manière dont les datations doivent être lues dans cette publication. Une fourchette chronologique estimée est proposée pour les ensembles stratigraphiques comprenant un assemblage céramique quantitativement et qualitativement suffisant pour être modélisé. Cette datation est parfois précisée par des arguments chrono-stratigraphiques, ce qui peut expliquer les petites différences entre les datations du modèle (Fig. 14, colonnes 4 et 5) et celles retenues dans le texte (Fig. 14, colonne 7). Pour compléter les résultats d’une modélisation, chaque proposition de datation est illustrée par les principales informations typologiques (productions et formes des poteries) permettant de caractériser l’assemblage céramique. La typologie proposée se réfère à une série de travaux publiés sur la céramique médiévale et moderne du Centre-Ouest de la France (HUSI 2003, HUSI 2013). La forte fragmentation du matériel de Rigny ne permettant pas de présenter des dessins de poteries suffisamment explicites, le choix a été fait de se référer aux formes génériques régionales les plus proches, qui sont celles de Tours. Pour les productions (groupes techniques), le référentiel retenu est également celui de Tours. Pour plus de renseignements sur la chrono-typologie des poteries, on peut consulter la partie consacrée au Centre-Ouest de la France du site internet d’Information sur la céramique médiévale et moderne (http://iceramm.univ-tours.fr/).

2.3 La chronologie des sépultures

Elisabeth Zadora-Rio, Henri Galinié, Marie-Laure Sénégas, Christian Theureau, avec Marie-Christèle Martineau, Agata Poirot, Xavier Rodier

26Les sépultures ont été réparties en 21 groupes chronologiques qui sont présentés ci-dessous sous forme de tableau (Fig. 16) avec leurs fourchettes de datation et les arguments qui les justifient, ainsi que les effectifs de chaque groupe.

Périodes

Groupe

Fourchette de datation

Justification de la datation

Zone

Total sep.

PÉRIODE 2

(750/800-950/1000)

G1

750-1000

TPQ : destruction bâtiment 14 (av.774, TAQ S.589)

TAQ : abandon zone d’inhumation en zone 8 fin 10e s. (datations 14C) + sépultures antérieures à fin 10e s. en zone 7 (datations 14C)

8
et 7

53

G2

683-990

Datation 14C de S1814, à l’extérieur du chevet de l’église X

1

1

G3

750/800-1000

TPQ : destruction bâtiment 32

TAQ (zone 4) : F221 amas de petits blocs de tuffeau (constr.église Y)

+ Datations 14C (borne supérieure avant début 11e s.)

2
et 4

34

Période 2/3

(750/800-1100)

G4

750-1100

TPQ : destruction bâtiment 14 (av.776, TAQ S.589)

TAQ : constr. mur de clôture du cimetière M81 et bâtiment 13

7
et 3

92

G5a

750/800-1100

TPQ : destr. du bâtiment 14, du bâtiment 32 et du mur de clôture M123

TAQ : constr. M81, apparition des coffrages en pierre d’appareil

2

78

G5b

750/800- 1100

TPQ : destr. du bâtiment 32

TAQ : dépotoir F213, couche de travail F1020 (réfection église Z)

4

58

G5c

750/800-1100

Typo-chronologie : Sépultures en coffrages de bois calés avec des pierres

2
et 4

5

PÉRIODE 3

(1000-1100)

G6

1000-1100

TPQ : datations 14C avec TPQ postérieur à fin 10e s. ou présence de tessons du 11e s. dans le comblement de la fosse

TAQ : constr. mur de clôture du cimetière M81 et bâtiment 13

7

24

G7

10e-1100

TPQ : comblement chenal F802 (construction de l’église Y)

TAQ : construction des arcs-boutants (église Z) et du bâtiment 13

3

59

PÉRIODE 4

(1100-1450)

G8

1100- 1450

TPQ : construction des arcs-boutants et du bâtiment13

TAQ : construction du presbytère (bât.11, État 1) et abandon de l’inhumation au nord de l’église Z

3

84

G9

1050/1100-1350

TPQ : construction église Z

coffrages en pierres d’appareil

TAQ : reconstruction du chevet de l’église Z au 14e s.

6

9

G10

1100-1350

TPQ : construction du mur de clôture M81

Coffrages en pierres d’appareil et vases funéraires

TAQ : surface de travail F521 et drain F528

2

32

G11

1050/1100-1400

Typo-chronologie : Coffrages en pierres d’appareil et vases funéraires

2
et 4

24

G12

1100-1450

TPQ : F213 (dépotoir), F1020 (couche travaux)

TAQ : chemin F252= F514

4

186

Période 2/3/4

(8e-9e s.-1450)

G13

8e/9e s. - 1450

TPQ : destruction bâtiment 32

TAQ : chemins F252=F514

4
et 2

196

Période 4/5A

G14

1350-16e s.

TPQ : après reconstruction du chevet de l’église Z au 14e s.

TAQ : abandon des inhumations au chevet de l’église Z

6

4

PÉRIODE 5A

(1450-Ap.1752)

G15

1400 -1775

Sépultures à l’intérieur du bras sud du transept de l’église Z

TAQ : dernière inhumation dans l’église en 1775

1

18

G16a

1450-ap.1752

TPQ : utilisation de l’avant-corps de l’église Z pour les inhumations d’enfants, et constr. du mur de clôture du presbytère M29

TAQ : construction des murs de clôture du Grand et du Petit cimetière (ap.1752)

2

83

G16b

1450-ap.1752

TPQ : Mise en place du chemin F252=F514

TAQ : construction des murs de clôture du Grand et du Petit cimetière (ap.1752)

4

134

G17

16e-18e s.

Typo-chronologie : Sépultures avec des objets de parure 16e-18e s.

2
et 4

11

Période 5A/5B

(1450-1865)

G18

15/16e-1865

Sépultures sur l’emplacement du Grand cimetière (avant ou après clôture)

4

142

PÉRIODE 5B

(Ap.1752-1865)

G19

Ap.1752-1826

Sépultures à l’intérieur de la clôture du Petit cimetière

2
et 4

94

G20

Ap.1752-1865

Sépultures à l’intérieur de la clôture du Grand cimetière

4

152

G21

Ap.1819-1865

Typo-chronologie : Sépultures en cercueils à clous tréfilés (ap.1819), objets d’accompagnement datés

TPQ : fabrication industrielle des clous à la filière à partir de 1819

TAQ : dernière inhumation dans le Grand cimetière en 1865

4

165

Fig. 16 : Chronologie des groupes de sépultures

27La répartition est fondée sur les relations stratigraphiques, les datations individuelles de sépultures, et enfin la typo-chronologie des contenants.

Les relations stratigraphiques

28Les relations stratigraphiques, qui permettent d’établir la chronologie relative des sépultures, et les relations d’antériorité/postériorité qu’elles entretiennent avec les bâtiments (eux-mêmes datés par le mobilier contenu dans les couches d’occupation associées) ou avec d’autres horizons stratigraphiques datés à l’intérieur du cimetière (cf. Fig. 16), constituent le premier paramètre mis en œuvre.

29Les bâtiments du haut Moyen Âge sont tous stratigraphiquement antérieurs aux sépultures, et fournissent par conséquent un terminus post quem (TPQ) pour la mise en place de la zone d’inhumation. Les bâtiments implantés au nord de l’église (bâtiment 13 et bâtiment 22) sur une partie désaffectée du cimetière donnent par contre un terminus ante quem (TAQ) pour les inhumations qu’ils recouvrent (cf. Schéma chronologique 1).

30Les autres événements stratigraphiques qui ont été utilisés pour déterminer les bornes chronologiques des groupes de sépultures sont, au sud et à l’ouest de l’église, la zone de stockage ou de rejet de matériaux de destruction F221, la zone-dépotoir F213 qui a fourni une quantité importante de céramique des 11e-12e siècles (ci-dessus Fig. 15, R17), les surfaces de travail liées aux campagnes de réfection des églises successives (F521, F1020), ou encore des structures linéaires telles que le drain F528, les chemins F252 et F514 et les murs de clôture du Grand et Petit cimetière ; au nord de l’église, les culées d’arcs-boutants M26, M31, M57 et les surfaces de travail associées, ainsi que les murs de clôture M81 et M29 (cf. Fig. 16 et Schéma chronologique 2).

Schéma chronologique 2

Les datations individuelles de sépultures

31Les datations individuelles de sépultures sont obtenues soit par les analyses de radiocarbone, soit par le mobilier porté par le défunt ou déposé dans la tombe, dont la nature varie selon les périodes (vases funéraires du 11e au début du 15e siècle, anneaux et bagues pour les Temps modernes, chapelets, médailles, parures et accessoires de vêtement au 19e siècle) (voir Chapitre 4.1 et Fig. 28).

32La fiabilité physico-chimique des résultats radiocarbone nous ayant été communiquée seulement en 2003 par le Centre de datation de Lyon, nous avons été conduits à éliminer trois échantillons (S1603, S2066 et S721) dont les analyses ont été jugées non fiables, et à invalider l’interprétation proposée pour S1603 dans le rapport préliminaire de 2001 (ZADORA-RIO, GALINIÉ 2001 : 186, 229).

La typo-chronologie des contenants

33La typo-chronologie des contenants a été établie, à Rigny, à partir des sépultures datées individuellement par le mobilier et le radiocarbone, et de leurs relations avec les bâtiments qui fournissent un terminus post quem ou un terminus ante quem. Elle a été utilisée seulement dans un second temps comme argument de datation pour les sépultures qui étaient comprises dans des séquences mal datées dont les bornes chronologiques étaient trop larges (cf. Fig. 16).

34Sur les 1738 sépultures fouillées, 692 étaient trop incomplètes pour qu’il soit possible d’identifier le contenant. Cette étude typo-chronologique porte donc sur un peu plus d’un millier de tombes (1043 exactement), mais seule une partie d’entre elles — 540, soit à peine plus de la moitié — sont associées à des contenants qui peuvent être considérés comme des indicateurs chronologiques (Fig. 17).

Type de contenant

Pér.2 (750-1000)

Pér.3 (1000-1100)

Pér.4 (1100-1450)

Pér.5A (1450-ap.1752)

Pér.5B (Ap.1752-1865)

Total

Sépultures en pleine terre

51

54

34

6

145

Cercueils assemblés sans clous, ou brancards

15

5

9

11

39

Sépultures en pleine terre ou cercueils sans clous ?

217

139

88

58

503

Coffrages de bois avec calages de pierres

28

28

Fosses avec aménagement céphalique

47 à 60

5 à 18

65

Coffrages de pierres d’appareil

50

50

Cercueils à clous forgés

86

86

Cercueils à clous tréfilés

110

110

Cercueils à clous mixtes (tréfilés, forgés), ou vis

17

17

Total

1043
Fig. 17 : Typologie des contenants

35Tout au long de l’utilisation du cimetière, une majorité de défunts a été inhumée en effet soit en pleine terre, soit dans un cercueil assemblé sans clous. Les modes d’inhumation qui peuvent être considérés comme des marqueurs chronologiques sont présentés dans les paragraphes qui suivent.

Les coffrages en bois calés avec des pierres

36Parmi les sépultures les plus anciennes mises au jour dans les zones fouillées jusqu’au substrat, certaines présentaient des moellons disposés irrégulièrement autour du corps au fond de la fosse, qui devaient servir à caler des planches verticales ou supporter un couvercle en bois (Fig. 18). L’existence d’un contenant de bois est parfois attestée par des traces ligneuses, ou par le mode de décomposition du corps, qui révèle un colmatage différé. La présence de ces pierres plaide en faveur de coffrages construits directement dans la fosse, plutôt que de cercueils assemblés sans clous pour le transport du défunt.

Fig. 18 : Sépulture avec pierres de calage (S 593)

37Parmi les 26 sépultures avec pierres de calage répertoriées à Rigny, il y en a 21 qui appartiennent soit au groupe chronologique G1 (750-1000) soit aux groupes G4, G5a, G5b et G7, qui sont tous calés stratigraphiquement entre 750 et 1100. On a considéré que cette fourchette de datation pouvait être attribuée également par typo-chronologie aux cinq sépultures restantes, qui étaient situées dans une séquence mal datée entre 750 et 1450 : elles ont été regroupées dans le groupe G5c (cf. Fig. 16 et Schéma chronologique 2).

38On peut donc considérer que les coffrages de bois avec pierres de calage apparaissent à Rigny dès les premières inhumations, vers le milieu du 8e siècle, et disparaissent assez tôt, certainement avant 1100 et peut-être même dès le début du 11e siècle : aucun d’entre eux n’est attribué avec certitude à une date postérieure à 1000 (Section 5, P0/4).

39Ces datations sont compatibles avec les fourchettes chronologiques proposées pour d’autres sites. Des coffrages de bois associés à des pierres de calage, datés entre le 6e et le 8e siècle, ont été identifiés à Cubord (Vienne) (LORANS 1996 : 265) et seize tombes du même type, datées des 7e-8e siècles, ont été mises au jour récemment en Touraine sur le site 14 de Tours (abords de la cathédrale) (JOUQUAND 2007 : 151-152), ainsi qu’à Joué-les-Tours (sépultures du groupe 1a, datées des 8e-10e siècles, et 1b, datées des 11e-12e siècles) (PAPIN 2013 : 139-145). Des sépultures avec des pierres de calage interprétées comme des support de couvertures de planches ont été également découvertes au cours de la fouille des trois premières phases d’inhumation (9e-10e siècles) autour de l’église Saint-Mathieu de Vuillonex en Suisse (TERRIER 2014 : 49, 56, 68).

Les aménagements céphaliques

40Certaines fosses présentaient des aménagements destinés à soutenir et à protéger la tête du défunt. Ceux-ci étaient constitués soit d’une seule pierre placée sous le crâne, soit de deux pierres disposées de part et d’autre de la tête, soit, plus rarement, d’un entourage complet du crâne comme dans le cas des sépultures S1737 ou S763 (Fig. 19). Certaines des sépultures à aménagement céphalique ont fait l’objet d’une datation par le radiocarbone. Parmi celles-ci, la plus ancienne, S1463, est datée entre 782 et 981 (Fig. 20), et les plus récentes, S1772 et S577, situées sous le bâtiment 13, construit vers 1100, appartiennent incontestablement au 11e siècle puisque leurs TPQ respectifs sont de 1023 et 1098. Parmi les 65 sépultures à calage céphalique identifiées au cours de la fouille, 47 appartiennent soit au groupe G3 (750-1000) soit aux groupes G4, G5a, G5b, G6 et G7, qui sont tous antérieurs à 1100 (cf. Fig. 16). Quelques sépultures à aménagements céphaliques sont cependant postérieures à cette date : c’est le cas de cinq sépultures (S1258, S1437, S1499, S2005 et S2008) qui sont creusées à travers la couche de travaux F1020 et appartiennent par conséquent au groupe G12 (1100-1450). Par ailleurs, treize de ces sépultures, mal datées, sont affectées au groupe G13, à cheval sur les périodes P2, P3 et P4 (8e/9e siècle-v.1450) (Fig. 16 et Schéma chronologique 2). À Rigny, ce type de sépultures avec aménagement céphalique est donc en usage principalement dans les phases d’inhumation les plus anciennes, en même temps que les coffrages de bois avec pierres de calage, mais il a perduré plus longtemps au cours du Moyen Âge.

Fig. 19 : Sépulture avec aménagement céphalique (S1737)
Fig. 20 : Sépulture avec aménagement céphalique (S1463)

41Des sépultures du même type qui ont été mises au jour récemment dans le cimetière de Joué-les-Tours et de Crouzilles en Indre-et-Loire (PAPIN 2013 : 147-148), ainsi que dans les fouilles de l’établissement hospitalier de La Madeleine à Orléans, ont été datées entre le 9e et le 11e ou 12e siècle (BLANCHARD 2010, vol.1 : 179-181 et 200). En Angleterre, la fouille du cimetière de Raunds, utilisé entre la seconde moitié du 10e et le début du 12e siècle, a livré également plusieurs dizaines de sépultures présentant des aménagements céphaliques constitués de pierres disposées sous le crâne ou de part et d’autre de la tête, voire même, dans quelques cas, recouvrant entièrement le visage et le haut du corps (BODDINGTON 1996 : 38-42).

Les coffrages anthropomorphes

42La fouille a mis au jour 54 coffrages de pierre dont la forme tend à épouser celle du corps. La plupart d’entre eux sont constitués de pierres de taille de moyen appareil, maçonnées ou non (Fig. 21).

Fig. 21 : Sépultures en coffrage de pierre d’appareil (S85 et S86)

43Ils apparaissent à Rigny dans le courant du 11e siècle, peut-être seulement dans la seconde moitié du siècle, après la construction de l’église Z. Les datations par radiocarbone de deux sépultures en coffrage, S81 (Ly-8039), et S1938 (Ly-9330), ont donné un TPQ de 1029 pour la première et 1043 pour la seconde. Leur apparition est certainement antérieure en tout cas à la construction, vers 1100, des arcs-boutants, qui a coupé plusieurs d’entre eux : S81 (F133), S88 (F144), S74 (F114), S87 (F127), S712 (F157). Cinq coffrages en pierre d’appareil sont associés à des vases funéraires (Fig. 22), dont les dates s’échelonnent du 11e-12e siècle au début du 15e siècle (voir ci-dessus, Fig. 13).

Fig. 22 : Sépulture en coffrage avec vases funéraires (S88)

44La fourchette de datation des coffrages anthropomorphes de Rigny s’inscrit donc globalement dans la chronologie régionale : ils apparaissent au 11e siècle, un peu plus tard qu’à Tours mais un peu plus tôt qu’à Chinon, et restent en usage jusqu’au début du 15e siècle (LORANS 1996 : 263-264 ; TREMBLAY 2006 : 283-289).

Les cercueils à clous forgés

45Les cercueils assemblés avec des clous forgés apparaissent à la fin du Moyen Âge : à Rigny, une sépulture en cercueil à clous forgés (S1805), située à l’intérieur de l’église, était associée à quatre vases funéraires datés du 14e ou du début du 15e siècle (Fig. 13). Leur usage se développe au cours des Temps modernes et perdure à l’époque contemporaine.

Les cercueils à clous tréfilés

46La diffusion massive des clous tréfilés, qui a permis leur utilisation dans la fabrication des cercueils, est due à une innovation technique dont l’histoire est assez bien connue (FRÉMONT 1912). Contrairement aux clous forgés fabriqués « à chaud », qui présentent une section quadrangulaire obtenue par martelage, les clous tréfilés sont fabriqués « à froid » à partir d’une tige cylindrique obtenue par tréfilage. L’ouvrier en coupe un morceau d’une longueur déterminée, refoule une des extrémités pour faire la tête et apointit l’autre pour la rendre aigüe, avec une meule, selon des procédés semblables à ceux des épingliers (d’où le terme de « clou d’épingle ») (FRÉMONT 1912 : 29). Les premières tentatives de mécanisation de la production de clous à froid ont été réalisées à la fin du 18e siècle aux États-Unis. En France, il n’y eut pas moins de onze brevets déposés entre 1806 et 1827 (Dictionnaire technologique 1829 : 364-365). L’invention décisive fut celle du mécanicien américain James White, qui résidait à Paris, et fit breveter en France en mars 1811 une machine qui saisissait le fil de fer verticalement entre deux disques circulaires crénelés, le coupait, le frappait à la tête et le taillait en sifflet à la pointe, le tout en une seule passe – mais bien qu’ingénieuse, elle se révéla insuffisamment solide pour supporter une production de masse. Elle fut améliorée par Lemire père et fils, maîtres de forge à Clairvaux dans le Jura, grâce aux procédés brevetés en 1806 par Japy frères à Colmar, et quelques autres, et ils furent les premiers à se lancer, à partir de 1819, dans une production industrielle. Le procédé se répandit rapidement, et en 1840, il existait à Paris plusieurs fabriques mécanisées de clous d’épingle (FRÉMONT 1912 : 35-36). Ceux-ci, couramment désignés dans les catalogues, en France, par le terme de « pointes de Paris », sont appelés French nails dans la bibliographie anglophone.

47On peut donc considérer que les cercueils à clous tréfilés de Rigny datent, au plus tôt, de 1819, et signent par conséquent les dernières décennies d’utilisation du cimetière avant son abandon en 1865 (Fig. 23).

Fig. 23 : Sépulture en cercueil à clous tréfilés (marqués par des étiquettes blanches)

Les groupes chronologiques

48La Fig. 16 présente la répartition chronologique des sépultures par groupe, avec la définition du terminus post quem (TPQ) et du terminus ante quem (TAQ) de chacun d’entre eux, selon les zones de fouilles.

49Les décomptes présentés dans ce tableau ne sont pas les mêmes que ceux utilisés pour l’analyse anthropologique (THEUREAU 2006-2007). Pour les besoins de celle-ci, afin de pallier l’atomisation des données et de permettre la comparaison des résultats d’un site à un autre, Christian Theureau a fait entrer ces groupes chronologiques dans les quatre grandes périodes canoniques : haut Moyen Âge (depuis les premières inhumations au 8e siècle jusqu’au 10e siècle), Moyen Âge (11e-15e siècles), Temps modernes (16e-18e siècles), Sub-contemporain (1800-1865), comme il l’avait fait pour les sépultures de Tours et de Chinon, en affectant à la période la mieux représentée les effectifs à cheval sur deux périodes (THEUREAU 1998, THEUREAU 2006). Dans le cas de Rigny, compte-tenu du grand nombre de sépultures, cette répartition s’est appuyée en outre sur l’analyse statistique des variations morphométriques en fonction du temps. Il aurait été souhaitable de faire figurer pour chaque sépulture, à côté de son groupe chronologique, son affectation dans la périodisation mise en œuvre pour l’étude anthropologique dans la base de données ArSol, mais par suite d’un dysfonctionnement informatique, il n’a pas été possible de récupérer le dernier état de la base de données anthropologique dans laquelle figuraient ces datations.

2.4 La périodisation du site

Henri Galinié, Elisabeth Zadora-Rio

50En première approximation, la trajectoire historique du site paraît divisée en trois périodes, marquées par des ruptures majeures dans les usages du sol : au cours de la première (600-750/800), l’espace fouillé est occupé par des bâtiments, sans aucune sépulture ; dans la seconde (750/800-1100), il est entièrement dévolu aux inhumations, sans trace de construction pérenne ; dans la troisième (1100-1865), l’espace est occupé en partie par des bâtiments établis sur l’espace funéraire désaffecté au nord de l’église, et en partie par le cimetière resté en usage jusqu’en 1865. Un examen plus approfondi des données a permis d’identifier au cours de la deuxième et de la troisième période des changements fonctionnels qui ont conduit à les subdiviser, et à découper finalement le fil du temps en cinq périodes (cf. Schéma chronologique 1).

51La Période 1 (600-750/800) — sans changement par rapport à l’hypothèse précédente — est caractérisée par la présence de bâtiments résidentiels et agricoles et d’une église, et par l’absence des morts qui sont inhumés ailleurs. Au cours de la Période 1, l’espace fouillé est identifié avec le centre d’exploitation de la colonica Riniaco, domaine rural de Saint-Martin de Tours, doté d’une chapelle.

52La Période 2 (750/800-950/1000) correspond à l’établissement, près de l’église, d’un espace funéraire diffus qui recouvre les ruines des bâtiments de la période précédente. L’espace fouillé se situe alors à la périphérie de l’habitat dont la proximité est attestée par la présence de déchets et de rejets de foyers dans la zone d’inhumation.

53Dans la Période 3 (950/1000-1100), aucune construction durable n’est bâtie dans l’espace fouillé qui reste dévolu à un usage funéraire mais la transition par rapport à la période précédente est marquée par le resserrement notable de la zone d’inhumation et son recentrement autour de l’église. Cette polarisation du cimetière par l’église a été interprétée comme le signe d’une transformation majeure, celle de la « paroissialisation » de l’espace funéraire en relation avec la reconstruction et le changement de fonction de la chapelle primitive.

54La Période 4 (1100-1450) est marquée par la construction de deux ou peut-être trois unités d’habitation sur la partie désaffectée du cimetière au nord de l’église, contre le mur nouvellement construit pour délimiter la zone d’inhumation restée en fonction. Au cours de cette période, l’espace fouillé est intégré au centre paroissial et villageois et témoigne de la cohabitation des vivants et des morts.

55Au cours de la Période 5 (1450-1865), les bâtiments au nord de l’église font place à un presbytère monumental accompagné de dépendances, tandis que le cimetière occupe un espace de plus en plus restreint et confiné, à la fonction exclusivement funéraire. L’espace fouillé est entièrement affecté à la cure et au cimetière.


1.Un assemblage céramique se définit comme la somme des tessons constitutifs d’un ensemble stratigraphique, analysés d’un point de vue typologique pour les éléments de forme (forme et groupe technique) ou uniquement technique pour les tessons de panse (groupes techniques).