IMPEY, LORANS 1998 : Impey E., Lorans E. — Le donjon de Langeais et son environnement, Bulletin Monumental, 156, 1998 : 9-64.
SUBES-PICOT 1990 : Subes-Picot M.-P. — Découverte de peintures murales du XIVe et du XVe siècle dans l’église Notre-Dame de Rigny, Bulletin Monumental, 148, 1990 : 427-432.
Section 1 – Les trois églises de Rigny (du 7e/8e s. à 1859)
1.1 Identification des édifices
P0/1. Sous l’église actuelle, deux bâtiments orientés selon le même axe qu’elle ont été découverts en fouille.
Commentaire :
La fouille à l’intérieur de l’église actuelle a été limitée à une tranchée de 3m x 8m. Elle a été poursuivie jusqu’à une profondeur moyenne de 1,70m sous le dallage actuel.
Les trois bâtiments successifs, du plus ancien au plus récent, ont été désignés par les lettres X, Y et Z.
1.2 Orientation des églises
P0/3. L’orientation des trois églises présente un décalage important par rapport à l’axe est/ouest habituel.
Commentaire :
L’orientation des églises de Rigny est à 52,5º N ; elle présente donc un décalage de 37,5º par rapport à l’orientation est/ouest habituelle des édifices de culte.
P0/4. L’orientation des églises ne s’explique pas par une adaptation à la topographie du site.
Commentaire :
Le portail occidental des églises successives s’ouvre face au versant soumis à une forte érosion. L’église Z, la plus longue et donc la plus proche du versant, était particulièrement exposée et il fallait périodiquement la dégager des colluvions qui s’accumulaient devant l’entrée.
P0/5. Les églises ont la même orientation que le bâtiment 14 antérieur découvert au nord du site (cf. Section 2).
Commentaire :
Le bâtiment 14 présente une orientation de 51,5º.
P1/2. L’orientation des églises est déterminée par le bâtiment 14.
Commentaire :
On considère donc que le choix de cette orientation, qui ne s’explique nullement par une adaptation à la topographie du site, exprime la volonté des constructeurs de la première église de l’inscrire dans le même programme architectural que le bâtiment 14.
Proposition P1/2 basée sur
1.3 Datation
L’église X
P2/1. La construction de l’église la plus ancienne (église X) est contemporaine de l’utilisation du bâtiment 14.
Commentaire :
La construction de l’église X est postérieure à la construction du bâtiment 14 vers la fin du 7e s., et antérieure à sa destruction dans le courant du 8e s., car le bâtiment 14 devait être encore en élévation pour pouvoir influencer son orientation (cf. Section 2).
Proposition P2/1 basée sur
P0/6. L’utilisation de l’église X s’est prolongée jusqu’au 10e s., d’après la datation des tessons de céramique contenus dans les niveaux d’occupation extérieurs.
Commentaire :
Une sépulture d’enfant inhumée contre le mur du chevet de l’église X, à l’extérieur, a été datée par le radiocarbone entre 683 et 990 (GifA 96769). Cette datation conforte la chronologie établie à partir de la céramique, sans apporter de précision supplémentaire.
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[+][–]
L’église Y
P0/7. La construction de l’église Y intervient après la destruction de l’église X, dont elle réutilise la nef.
P0/8. L’église Y reste en usage jusqu’à la construction de l’église Z.
Commentaire :
D’après les données stratigraphiques, les fondations des piles de la croisée de l’église Z sont construites alors que l’église Y est encore en usage.
P0/9. Le plan trilobé du chevet de l’église Y est comparable à celui d’autres églises construites entre le 9e et le 11e s.
Commentaire :
Il existe quelques exemples normands, datés entre le 9e et le 11e s. : la chapelle Saint-Saturnin de Saint-Wandrille, Saint-Germain de Querqueville et Fécamp.
En Touraine, la chapelle Saint-Sauveur du château de Langeais, construite par Foulque Nerra entre 1004 et 1040, présente également un plan intérieur trilobé, mais chacune des absides est insérée dans un massif extérieur carré (IMPEY, LORANS 1998 : 48-51).
L’église Z
P0/10. L’église Z possède des éléments architecturaux caractéristiques de la période romane.
Commentaire :
L’abside d’origine est en cul-de-four.
Une ancienne ouverture murée, couverte d’un arc plein cintre, est décorée d’une archivolte moulurée formant larmier. Dans le transept se trouve une baie triple couverte de petits arcs en plein cintre reposant sur des colonnettes. À l’extérieur, des fragments de cordon mouluré sculpté d’une frise en pointes de diamants sont visibles dans la maçonnerie.
P0/11. La rose de la façade occidentale, initialement destinée à éclairer la nef, ouvre actuellement dans les combles de l’église Z, au dessus de la voûte de maçonnerie.
P0/12. Les massifs de maçonneries découverts à l’extérieur de la nef sont des culées d’arcs-boutants, destinées à contrebuter la poussée de la voûte en pierre.
Commentaire :
Les massifs de maçonneries présents le long du gouttereau nord de la nef se trouvent dans l’alignement de la retombée des voûtes. Ce sont des culées d’arcs-boutants dont seules subsistent les fondations.
P0/13. Les arcs-boutants sont postérieurs à des sépultures du 11e s. ou du tout début du 12e s.
Commentaire :
Leurs fondations coupent des sépultures en coffrage de pierres d’appareil (S74, S81, S88) dont l’une (S88) contenait quatre oules datées du 11e s. ou du début 12e s.
P0/14. Les arcs-boutants ont été remplacés par des contreforts.
Commentaire :
Les contreforts sont stratigraphiquement postérieurs aux arcs-boutants. La culée d’arc-boutant M26 est prolongée par un mur en pierre sèche qui passe sous le contrefort M2 et qui est donc antérieur à celui-ci.
P0/15. Les contreforts du mur gouttereau nord de la nef de l’église Z sont antérieurs à des sépultures datées du 12e ou du début 13e s.
Commentaire :
La tranchée de fondation du contrefort M2 est stratigraphiquement postérieure à la culée d’arc boutant M26. Cette tranchée est coupée par deux sépultures (S12 et S15), contenant des vases funéraires datés du 12e s. ou du début 13e s. La construction des contreforts, qui est postérieure à la construction des arcs-boutants, est antérieure à ces sépultures datées du 12eou du début du 13e s.
P1/4. Le voûtement de l’église Z, ainsi que les culées d’arcs-boutants ne sont pas d’origine.
Proposition P1/4 basée sur
P2/2. Le voûtement de la nef et la construction des arcs-boutants peuvent être datés du début du 12e s.
Commentaire :
Il y a nécessairement eu un intervalle de temps (de l’ordre de quelques dizaines d’années ?) entre la construction des arcs-boutants et leur remplacement par des contreforts au plus tard à la fin du 12e ou au début du 13e s.
Proposition P2/2 basée sur
P3/2. L’église Z est construite vers le milieu ou la fin du 11e s.
Commentaire :
La datation de l’édifice repose principalement sur la chronologie relative. La construction de l’église Z est postérieure à celle de l’église Y, et elle est antérieure à la mise en place des arcs boutants au début du 12e s., ce qui conduit à la situer vers le milieu ou la fin du 11e s. Cette datation est compatible avec l’analyse stylistique.
Proposition P3/2 basée sur
Les réfections de l’église Z à la fin du Moyen Âge
P0/16. L’abside de l’église est reconstruite au 14e s., de même que le croisillon sud du transept.
Commentaire :
L’église de Rigny connaît de nombreuses réfections au cours de cette période. L’abside en cul-de-four de l’église Z est remplacée par un chevet à pans coupés au 14e s.
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P0/17. Au 14e et au 15e s., l’intérieur de l’église Z a été décoré de fresques.
Commentaire :
Les fresques, recouvertes d’un enduit de chaux, ne sont visibles actuellement qu’aux endroits où ont été effectués des sondages en vue d’une restauration. Ces sondages ont montré que le chœur et le transept de l’église ont été recouverts de fresques au 14e et au 15e s. (SUBES-PICOT 1990).
P0/18. Un avant-corps a été ajouté à la façade occidentale de l’église Z dans les derniers siècles du Moyen Âge.
Commentaire :
Cette construction en appentis, mise au jour par la fouille, était constituée d’un mur-bahut supportant une charpente. Elle protégeait la façade de l’église contre les colluvions provenant de l’érosion du versant. On y accédait par un passage ménagé entre l’avant-corps et les contreforts de l’église, au nord, où une crapaudine atteste l’existence d’une porte, et sans doute au sud, bien que cette partie n’ait pas été fouillée.
Cet avant-corps ou porche a été construit à une date mal établie, sans doute vers le 13e ou 14e s., certainement avant le 15e s., car des niveaux de travail et de circulation datés de cette époque venaient buter contre lui.
À partir du 15e s., l’espace intérieur de l’avant-corps était utilisé pour l’inhumation des jeunes enfants.
Les trous rebouchés visibles sur la façade occidentale de l’église permettent de reconstituer l’existence d’une toiture en appentis.
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P2/3. À la fin du Moyen Âge, l’église Z est l’objet de différentes campagnes de réfection, témoignant d’investissements importants.
Commentaire :
Le registre des offrandes et aumônes de Louis XI indique 18 offrandes à Notre-Dame de Rigny pour un total de 339 écus d’or entre le 1er octobre 1478 et le 30 septembre 1479. Les rares extraits de comptes de la châtellenie d’Ussé témoignent du faste des fêtes religieuses célébrées dans l’église de Rigny. Celle de la fête de Notre-Dame de Mars (la Marsesche) fut chantée en 1429 par 42 chapelains (ZADORA-RIO, THOMAS, JOUQUAND 1992 : 24-27).