ROYET et al. 2006 : Royet R., Berger J.-F., Laroche C., Royet E., Argant J., Bernicaud N., Bouby L., Bui Thi M., Forest V., Lopez-Saez A. — Les mutations d’un domaine de La Tène au haut Moyen Âge. Le Vernai à Saint-Romain-de-Jalionas (Isère), Gallia, 63, 2006 : 283-325.
Cartul. Cormery — Cartulaire de Cormery précédé de l’histoire de l’abbaye et de la ville de Cormery, éd. J.-J. Bourassé, Tours, 1861 (Mémoire de la Société archéologique de Touraine, série in 8º, 12).
Documents comptables de Saint-Martin de Tours — Documents comptables de Saint-Martin de Tours à l’époque mérovingienne, éd. P. Gasnault, Paris, 1975.
Recueil des actes de Charles le Chauve — Recueil des actes de Charles le Chauve (840-877), éd. A. Giry, M. Prou et G. Tessier, Paris, 1943-1955, 3 vol.
LESNE 1943 : Lesne E. — Histoire de la propriété ecclésiastique en France, vol. VI, Paris, 1910-1943.
NOIZET 2002 : Noizet H., 2002. — Le centre canonial de Saint-Martin de Tours et ses domaines périphériques en Val de Loire (IXe-Xe siècle), Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 109, 2, p. 9-32.
Section 2 – La Riniaco colonica, un centre d’exploitation domaniale de Saint-Martin de Tours (7e-8e s.)
2.1 Le bâtiment 14 au nord du site
État 1, datation
P0/2. La construction du bâtiment 14 intervient après 668.
Commentaire :
Elle est postérieure à 668 car une mandibule de bovin, retrouvée dans le remblai de fondation de l’État 1 du bâtiment 14, est datée par radiocarbone entre 668 et 778 (Ly-10105).
P0/3. La destruction du bâtiment 14 intervient dans le troisième quart du 8e s. (avant 776).
Commentaire :
La fosse de la sépulture S589, creusée dans un mur du bâtiment 14, est postérieure à la destruction de celui-ci. Cette sépulture, datée par le radiocarbone, est antérieure à 776 (Ly-9326, 661-776).
P1/1. On évalue donc à moins d’un siècle la durée d’occupation des trois états successifs du bâtiment 14.
Commentaire :
D’après les analyses de radiocarbone, le bâtiment 14 est construit après 668 (datation d’une mandibule de bovin trouvée dans le remblai de fondation (Ly-10105, 668-778)), et détruit avant 776 (datation de la sépulture S589 postérieure à sa destruction (Ly-9326, 661-776)).
La datation de quelques tessons de céramique contenus dans les couches de destruction indique que celle-ci est intervenue au plus tôt au milieu du 8e s.
Proposition P1/1 basée sur
État 1, fonction
P0/4. Le bâtiment 14, dans son premier état, présente des murs épais (0,70 m), liés au mortier de chaux et construits avec soin.
Commentaire :
Le bâtiment 14 est une construction mixte, avec des solins de maçonnerie et des élévations en terre. L’arase des solins est recouverte d’un enduit de mortier fin, chanfreiné et il y a des empreintes de végétaux conservées dans l’enduit de l’arase des murs (paille, etc.).
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P0/5. Le plan au sol de l’État 1 du bâtiment 14 est compartimenté en six cellules.
Commentaire :
Bien que la limite est du bâtiment soit située en dehors de la fouille, son emplacement a été identifié dans une tranchée creusée à la pelle mécanique à 4,50m du bord de fouille. La fouille incomplète du bâtiment 14 permet de restituer des dimensions hors-œuvre de l’ordre de 10 x 6,80 m et l’existence de six cellules mesurant environ 2 x 2 m, avec une galerie au sud. Aucun seuil de porte n’a été identifié dans le soubassement des maçonneries.
[+][–]
P0/6. Le bâtiment 14, dans son premier état, ne possède pas de sol ni de couche d’occupation.
Commentaire :
Les couches de destruction reposent directement sur les couches de travail qui ne présentent aucune trace d’usure ou de salissure.
P1/2. Le bâtiment 14, dans son premier état, possède, au rez-de-chaussée, un plancher au-dessus d’un vide sanitaire.
Proposition P1/2 basée sur
P0/8. Le bâtiment 14, dans son premier état, est comparable à des constructions antiques interprétées comme bâtiments de stockage.
Commentaire :
À proximité de la villa du Vernai à Saint-Romain-de-Jalionas, le bâtiment XXA, interprété comme un grenier à étage, est subdivisé intérieurement par des murs-bahuts formant une grille de 15 compartiments qui supportent les solives du plancher et ménagent un vide sanitaire.
Deux autres bâtiments (A et B), fouillés anciennement, présentaient le même plan compartimenté et le même dispositif de vide sanitaire (ROYET et al. 2006).
P0/9. Les objets redéposés, considérés comme contemporains de l’occupation du bâtiment 14 sont rares mais de qualité.
Commentaire :
Certains objets trouvés aux alentours du bâtiment 14, tels que les fragments de vaisselle en verre, une fibule en bronze, une bague sigillaire, sont considérés comme des marqueurs sociaux.
État 2, fonction
P0/10. Le bâtiment 14 est agrandi : un corps de bâtiment, composé de deux puis de trois pièces, est ajouté à l’ouest.
Commentaire :
Ce corps de bâtiment, de 6,60 x 2,80 m, est composé de deux pièces, l’une de 2,80 x 4 m au nord et l’autre de 2,80 x 2,60 m au sud. Une troisième pièce de 4,20 x 3,40 m au nord est un ajout postérieur.
P0/12. Une grande salle avec des traces d’occupation domestique relie les deux corps de bâtiment.
Commentaire :
Des lambeaux de couches d’occupation et les traces de deux foyers domestiques ont été identifiés dans le vaste espace de 8 x 7,40 m au centre du bâtiment 14 (État 2). Leur conservation indique qu’il s’agissait d’un espace couvert et non d’une cour.
P0/13. Les maçonneries du bâtiment 14, dans l’État 2, sont liées à la terre (sable et argile) et sont moins robustes que celles de l’État 1.
Commentaire :
Les parements des murs en petit appareil de tuffeau et de grès sont irréguliers et comportent des pierres et des blocs de mortier en remploi.
P0/14. Dans l’État 2, le bâtiment 14 présente un plan comparable à celui de bâtiments résidentiels de pierre construits entre le 6e et le 8e s.
Commentaire :
Le bâtiment 14, dans son deuxième état, présente un plan complexe. Bien que sa superficie soit plus modeste, il est comparable à certains bâtiments résidentiels de pierre, construits entre le 6e et le 8e s. et interprétés comme des centres d’exploitation domaniale, qui ont été découverts en France.
1. Le Vernai à St-Romain-de-Jalionas (Isère) ; 2. Le Bivan à L’Albenc (Isère) ; 3. bâtiment 1, Larina à Hières-sur-Amby (Isère) ; 4. 54 rue Pierre-Audry à Lyon (Rhône) (ROYET et al. 2006)
État 3, datation et fonction
P0/15. La ruine du bâtiment 14 est antérieure aux sépultures qui sont établies à partir du milieu du 8e s. à travers les murs et les couches de destruction.
Commentaire :
La sépulture S589, qui coupe le mur sud de l’État 2 du bâtiment 14, est antérieure à 776 (Ly-9326). Elle est postérieure à la destruction du bâtiment 14.
P0/16. Quelques tessons de céramique provenant des couches de destruction du bâtiment 14 sont datés du milieu du 8e s. au plus tôt.
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P0/18. Des réaménagements sommaires sont observables.
Commentaire :
Le muret M129, sans fondation, dessine un départ d’hémicycle et repose sur les couches de destruction, qui sont aplanies.
P1/4. Au cours de la seconde moitié du 8e s., dans l’État 3, le bâtiment 14 sert de carrière de pierre et de lieu d’inhumation mais il a aussi d’autres usages indéterminés.
Commentaire :
La datation repose sur la céramique, et sur la chronologie des sépultures datées par le radiocarbone. La plus ancienne, S589 (entre 661 et 776, Ly-9326) est antérieure à 776. On situe donc le début des inhumations entre 750 et 776.
Proposition P1/4 basée sur
2.2 Les bâtiments au sud du site
Phase 1, le bâtiment 33
P0/19. Le bâtiment 33 est un vaste espace délimité par des murs épais et construits avec soin.
Commentaire :
Le bâtiment 33, dont seule une très petite partie a été fouillée, mesure 12 x 14 m hors-œuvre. Sa superficie connue couvre plus de 170 m².
La totalité des niveaux d’occupation a disparu au cours de terrassements ultérieurs.
Bien que mal conservées, les maçonneries du bâtiment 33 sont comparables à celles de l’État 1 du bâtiment 14. Les murs sont épais (0,70 m).
Phase 2, les bâtiments 34 et 35
P0/22. Au cours de la phase 2, l’espace à l’intérieur du bâtiment 33 n’est plus subdivisé.
Commentaire :
Le mur de refend M138 est détruit.
P0/23. La destruction du mur de refend du bâtiment 33 est datée du 6e-7e s. par les tessons de céramique.
Commentaire :
Quelques tessons de céramique dans les couches de destruction du mur M138 indiquent que sa démolition intervient entre le 6e s. et la fin du 7e s.
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P0/24. Des activités de transformation dans les limites de l’ex-bâtiment 33 ont laissé un dépôt très épais de charbon de bois et de cendre.
Commentaire :
Ce dépôt d’environ 0,50 m d’épaisseur (structure 36), associé à un grand nombre de fosses et à divers trous arasés, est lié à une activité de transformation de nature inconnue (ni graines carbonisées, ni scories…).
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P0/25. Il y a deux bâtiments en bois à l’intérieur de l’ex-bâtiment 33 : le bâtiment 34, de petite taille, et le bâtiment 35, plus grand et plus profondément ancré au sol.
Commentaire :
Les trous de poteau permettent de reconstituer approximativement l’emprise des deux bâtiments de bois.
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P0/26. Le bâtiment 35 est daté de la seconde moitié du 7e s. par les tessons de céramique.
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P1/6. Au cours de la phase 2, l’ex-bâtiment 33 est transformé en enclos abritant deux bâtiments de bois et des activités de transformation, de nature indéterminée.
Commentaire :
La destruction du mur de refend M138 indique que les aménagements internes du bâtiment 33 sont détruits supprimés. Seuls les murs extérieurs sont conservés et servent de clôture autour des bâtiments 34 et 35.
Proposition P1/6 basée sur
Phase 3, le bâtiment 32
P0/27. Le bâtiment 32 succède au bâtiment 35, construit en bois.
Commentaire :
Les murs, larges de 0,60-0,65 m, sont liés à l’argile.
P0/28. Autour du bâtiment 32, les premières inhumations apparaissent avant 800.
Commentaire :
Parmi les sépultures qui ont fait l’objet d’une datation par radiocarbone, la sépulture S1997, antérieure à 800 (Ly-10344, 686-800), est l’une des plus anciennes dans la partie sud du site.
P0/29. La céramique associée aux niveaux de construction du bâtiment 32 est datée de la première moitié du 8e s., et celle contenue dans les couches de destruction est datée entre la fin du 8e s. et le milieu du 9e s.
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P1/7. Le bâtiment 32 est construit dans la première moitié du 8e s. et sa destruction intervient entre la fin du 8e s. et le milieu du 9e s.
Commentaire :
La construction du bâtiment 32, dans la première moitié du 8e s., est contemporaine de l’utilisation du bâtiment 14, sans doute dans son État 2. Les premières inhumations à proximité du bâtiment 32 apparaissent vers l’époque de sa destruction.
Proposition P1/7 basée sur
P0/30. Le bâtiment 32, comme le bâtiment 14, est construit en pierre, avec des murs épais, et son plan au sol est compartimenté.
Commentaire :
La largeur du bâtiment 32 est de 1,80 m et sa longueur minimale est de 7,60 m. Il se prolonge au nord-est hors de l’emprise de la fouille. Il y a deux murs de séparation à l’intérieur, l’un en place (M132) et l’autre effondré (F1087), qui forment une cellule de l’ordre de 2,5 x 1,80 m. Les dimensions sont comparables à celles des compartiments du bâtiment 14 (qui sont de l’ordre de 2 x 2 m).
2.3 Fonction du site
Les données textuelles
P0/32. L’église de Rigny est mentionnée comme possession de l’abbaye de Cormery en 1139.
Commentaire :
Le pape Innocent III confirme à l’abbaye en 1139 la possession d’une trentaine d’églises, parmi lesquelles « Sainte-Marie de Rigny avec la chapelle d’Ussé » (Cartul. Cormery, nº 60).
P0/33. L’abbaye de Cormery a été fondée en 791 par l’abbé de Saint-Martin de Tours, qui lui a transféré une partie des possessions de son monastère.
Commentaire :
La donation comprend tous les biens de Saint-Martin de Tours situés autour de Cormery dans la vallée de l’Indre, ainsi que diverses possessions situées dans les environs (Cartul. Cormery, nº 1).
P0/34. Une colonge de Rigny (colonica Riniaco) est mentionnée sans localisation dans les documents comptables de Saint-Martin de Tours à la fin du 7e s.
Commentaire :
Une colonge (colonica en latin) est le centre d’exploitation d’un domaine rural.
Le texte indique le nom de 7 tenanciers du monastère de Saint-Martin de Tours à Rigny : Rigomarus, Audomarus, Teudone, Theudelaicus, Magoaldus, Chaddo et son frère Leudosindus (Documents comptables de Saint-Martin de Tours, nº 10).
P1/9. La possession de l’église de Rigny par l’abbaye de Cormery, attestée en 1139, a pour origine la donation faite par l’abbé de Saint-Martin de Tours en 791.
Commentaire :
Bien que la colonge de Rigny ne soit pas expressément mentionnée dans la donation d’Ithier, en 791, elle devait être comprise dans les biens localisés dans la vallée de l’Indre qui ont été transférés de Saint-Martin de Tours à Cormery. C’est ce qui explique que l’église de Rigny soit mentionnée parmi les possessions de Cormery en 1139.
Proposition P1/9 basée sur
Le centre d’exploitation domaniale
P0/35. Certaines colonges (centres d’exploitation domaniale) mentionnées dans la documentation de Saint-Martin de Tours comprennent des chapelles.
Commentaire :
Un document, daté de 862, par lequel le roi Charles le Chauve confirme à Saint-Martin de Tours la possession d’une vingtaine de villae avec les colonges qui en dépendent, indique que certaines de ces colonges comportaient un oratoire. Ainsi, en Anjou, la colonge de Linières, qui dépendait de la villa de Noyant ; et celle d’Avoise, qui dépendait de la villa de Parcé, sont mentionnées avec des oratoires (Recueil des actes de Charles le Chauve, nº 239) (862).
P0/36. Les colonges chargées d’approvisionner le monastère devaient comporter des structures de stockage importantes.
Commentaire :
Un acte de Charlemagne daté de 775 confirme les dispositions de l’abbé Autlandus, qui avait fixé au début du 8e s. l’organisation du patrimoine monastique en affectant les ressources aux besoins des frères (LESNE 1943, VI :215).
Les produits étaient transportés au monastère par voie terrestre ou fluviale (NOIZET 2002). Bien qu’elle ne soit pas expressément mentionnée, la colonge de Rigny était nécessairement intégrée dans ce système d’approvisionnement, d’abord vers Saint-Martin de Tours, puis vers Cormery à partir de 791.