Afficher Masquer
Passages biffés :
Sauts de pages :
Changements de mains :
Mots clés en marge
(main T) :
DistinguerIntégrer
Corrections du transcripteur :

Fermer

Accueil|Présentation du projet|Abréviations|Introductions|Texte|Index

Français|English Contacts

Volume I|Volume II|Volume III|Citer le texte et les notes| Écritures|Affichage

Pensées 118 à 122

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

Fermer

M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

Fermer

Pensées, volume I

118

De

Pourquoi les modernes egalent les anciens dans le genre drammatique

tous les genres de poesies celui ou nos modernes ont a mon {p112} gré egalé les anciens c’est dans le poëme dramatique, je crois en deviner la raison. C’est que le sistéme payen y entre pour beaucoup moins ; cette sorte d’ouvrage est de sa nature le mouvement même, tout y est pour ainsi dire en feu, il n’y a ni recits, ni rien d’historique qui ait besoin de secours etranger, tout y est action, on y voit tout, on n’y entend rien, la presence des dieux seroit trop choquante et trop peu vraisemblable, c’est plutôt un spectacle du coeur humain que des actions humaines, ainsi il a moins besoin de merveilleux[1].
Je ne dis pourtant pas que le systême payen n’y influë pour beaucoup, car trés souvent l’esprit et presque toutes les idées principales ou accessoires en derivent {p.113} temoin le commencement de la mort de Pompée ou il n’entre pour acteurs ni dieux ny deesses,
le de

Le destin se declare et nous venons d’aprendre

Ce qu’il a decidé du beau pere et du gendre

Quand les dieux etonnés sembloient se partager

Pharsale a decidé ce qu’ils n’osoient juger[2]

Et cet autre endroit ou Cornelie dit &c[3]

Main principale D

119

Nos

Opera

modernes sont inventeurs d’un certain genre de spectacle qui uniquement fait pour ravir les sens et pour enchanter l’imagination a eu besoin de ces ressorts etrangers que la tragedie rejette ; dans ce spectacle fait pour etre admiré et non pour etre examiné on s’est servi si heureusement des ressorts de la fable ancienne et moderne que la raison s’est indignée en vain que ceux qui ont echoüé a la simple {p.114} tragedie ou rien ne les aidoit a agiter le cœur ont excedllé dans ce nouveau spectacle ou tout sembloit leseur servir et tel en a eté le succés que l’esprit même y a gagné car tout ce que nous avons de plus tendre exquis et de plus ex delicat, tout ce que le coeur a de plus tendre se trouve dans les operas de Quinaut, Fontenelle, Lamotthe, Danchet, Roi &c[1]

Main principale D

120

On

Ancïenne poesie françoise

ne voit rien de si pitoyable que les poesies de cinq ou six siecles, cependant tout devoit contribuer a nous donner de bons ouvrages, le nombre des poëtes etoit inombrable, la noblesse faisoit profession du metier de poëte, on faisoit fortune par la poësie auprés des dames et auprés des princes ; l’Europe n’a pas pû manquer de genies il y avoit d’ailleurs de l’emulation[1], cependant on ne voit que de miserables ouvrages faits par des {p.115} gens

L’application unique de plusieurs moines a la lecture de l’Ecriture a fait fair [...]

qui n’avoient que des idées prises de l’Ecriture ste, mais dés que l’on commença a lire les anciens que l’on eut perdu un siecle a les commenter et a les traduire, on vit paroitre des auteurs et ce qui me semble faire la gloire

Voy p 118

des anciens, on peut put leur comparer les modernes

Main principale D

121

Il ne faut point entrer avec les anciens dans un detail qu’ils ne peuvent plus soutenir, et cela est encore plus vrai a l’egard des poëtes qui decrivent les moeurs et les coutumes[1] et dont les beautés même les moins fines dependent la plupart de circonstances oubliées ou qui ne touchent plus, ils sont comme ces palais antiques dont les marbres sont sous l’herbe et mais qui laissent encor voir toute la grandeur et la toute la magnificence du dessein.

- - - - -

Main principale D

122

{ p116}

Force du corps

Nous reprochons aux anciens d’avoir toujours relevé la force du corps des heros, mais parmi nous chés qui de nouvelles façons de combattre ont avili la force du co rendu vaine la force du corps nous representons encore dans les ouvrages faits pour exciter l’admiration les heros qui tuent tüent tout, qui renversent tout ce qui s’oppose a leur passage, tantôt ce sont des lits des geants, tantôt des lions, tantôt des torrens, et pour montrer du merveilleux on en revient toujours a cette force du corps que nos moeurs non pas la nature nous font paroitre meprisable[1].

Main principale D


118

n1.

Selon la Poétique d’Aristote (chap. 24), l’irrationnel convient mieux au poème épique qu’à la tragédie qui met l’action sous les yeux, argumentation reprise par Anne Dacier pour condamner l’opéra, prisé par les Modernes (Des causes de la corruption du goût, Paris, Rigaud, 1714, p. 28 et suiv. ; voir ci-après). Sur le système païen, voir nº 112.

118

n2.

Corneille, La Mort de Pompée (I, 1, v. 1-4 ; c’est Ptolémée qui parle). Montesquieu cite de mémoire en modifiant le v. 1 : « et nous venons d’entendre » ; et le v. 2 : « Ce qu’il a resolu du beau-père et du gendre ».

118

n3.

Peut-être la tirade de Cornélie qui ouvre l’acte V de cette même tragédie.

119

n1.

Voir nº 118, note 1. Montesquieu possédait un recueil d’œuvres des auteurs français d’opéras mentionnés ici, à l’exception de Roy (Catalogue, nº 2106).

120

n1.

Réflexion très proche de celle de Dubos (Réflexions critiques sur la poésie et la peinture [1719], D. Désirat (éd.), Paris, École nationale des beaux-arts, 1993, II, section 13, p. 233) dont l’ouvrage est connu de Montesquieu depuis 1726 au moins (lettre à J.-J. Bel du 29 septembre 1726, Correspondance I). Sur le rôle des modèles grecs et latins et la rapidité prodigieuse du miracle grec, voir De la manière gothique, OC, t. 9, p. 99-100, l. 120-143, texte postérieur aux Voyages.

120

n2.

Sur la théologie chrétienne défavorable au sublime et à la poésie, cf. nº 112.

121

n1.

L’abbé Dubos définit ainsi la fonction spécifique du poète (Réflexions critiques sur la poésie et la peinture [1719], D. Désirat (éd.), Paris, École nationale des beaux-arts, 1993, II, section 37, p. 348) ; voir nº 120, note 1.

122

n1.

Cf. Romains, XV, p. 203. Les Modernes voyaient dans ce culte de la force physique le signe de la grossièreté des mœurs primitives (Fontenelle, De l’origine des fables [1714], dans Œuvres, Paris, M. Brunet, 1742, p. 277).