Chapitre 87

[Prüss1/vue 42] Capitulum LXXXVII1caput 86 1536.

Spongia [l’éponge1L’éponge (Spongia Linné, 1758) est un organisme simple (ne comptant que deux couches de cellules) dont, paradoxalement, le mode de fonctionnement biologique est généralement mal connu. Certaines observations mentionnées ici sont néanmoins pertinentes : les éponges ont la capacité, si on les déchire ou les arrache, de se régénérer par réassociation de leurs cellules ; elles sont très sensibles, en revanche, aux variations de salinité, et les déplacer en eau douce les fait mourir. Voir De Saint-Denis 1947, 108 ; D’Arcy Thompson 1947, 249-250.], scuamis [l’« ange de mer2Le nom squamis, de squama, ae, f., qui désigne les écailles, a été attribué à un poisson suite à une mélecture de Plin. nat. 9, 40 ([integuntur] squamis ut pisces, aspera cute ut squatina). Aussi, pour l’identification avec l’ange de mer (Squalus squatina Linné, 1758), voir s. v. Squatina. »] et scinti [le scinque3Le scinque (Scincus scincus Linné, 1758) est un reptile, apparenté aux sauriens et doté de capacités natatoires. Le dictionnaire de Du Cange (1883-1887) donne à scincus le sens de « crocodile terrestre » (s. v.). Cependant, la notice d’Albert le Grand (AM 24, 121 (55)), reprise par l’Hortus sanitatis, résulte de la contamination de deux phrases de Pline, d’après Kitchell & Resnick 1999, 1701, n. 298 : la première établit une comparaison avec le crocodile (Plin. nat. 8, 91 : Similis crocodilo, sed minor etiam ichneumone, est in Nilo natus scincos, « Il naît aussi dans le Nil un animal semblable au crocodile, mais plus petit même que l’ichneumon, le scinque »), mais la seconde, tout à fait inattendue, se réfère à l’écureuil ! (Plin. nat. 8, 138 : Prouident tempestatem et sciuri, obturatisque qua spiraturus est uentus cauernis, ex alia parte aperiunt fores, « Les écureuils, de leur côté, prévoient la tempête, et bouchant leurs trous du côté où le vent va souffler, ils ouvrent une porte dans un autre sens »). Dans les manuscrits, confondre scinci (les scinques) et sciuri (les écureuils) est très facile.] [+][AM 24, 106 (51) [-]][+] [+][AM 24, 111 (52) [-]][+] [+][AM 24, 121 (55) [-]][+]

Spongia, scuamis2squamis 1536 ut semper. et scinti3scinthi 1536 ut semper. [+][AM 24, 106 (51) [-]][+] [+][AM 24, 111 (52) [-]][+] [+][AM 24, 121 (55) [-]][+]

Renvois internes : Spongia : cf. Albirem, ch. 1 ; Nubes, ch. 63 ; Sfungia, ch. 91.
Scuamis : cf. Squatina, ch. 84.
Scinti : cf. Stoncus sive stincus, ch. 88 ; Stella, ch. 90.

Lieux parallèles : Spongia dans TC, De spongiis (7, 71) ; VB, De spongia (17, 91).
Scinti dans TC, De scinnocis (6, 48) ; VB, De stinco (17, 128).

poisson

[1] Albert, dans le De animalibus. [] AM 24, 106 (51)L’éponge fait partie des animaux marins ; on en compte de nombreuses espèces. Et elles appartiennent au règne animal à cause de leur mouvement de contraction et de dilatation4Contrairement à ce que croyaient les Anciens (voir par exemple Arist. PA 681 a 10-20), les éponges ne sont pas capables de contractions ni de mouvements.. Certaines d’entre elles restent fixées à leurs rochers, et si on les arrache, elles repoussent à partir de leur racine. Mais d’autres se déplacent d’un endroit à l’autre. Elles se portent mieux dans les eaux troubles, et elles pourrissent5Pline (Plin. nat. 9, 149) leur reconnaît la même particularité, mais dans « les endroits ensoleillés » (apricis locis). Il semble que ce soit plutôt l’absence de salinité de l’eau, à laquelle elles sont très sensibles, qui soit à l’origine de ce phénomène. dans les eaux claires. Elles se nourrissent6Elles se nourrissent par filtration. Elles peuvent se développer autour d’une coquille de mollusque, ce qui a pu suggérer que celui-ci a été consommé. de vase, de poissons et de coquillages.

[1] Albertus in libro De naturis animalium. [] AM 24, 106 (51)Spongia marinorum est, quae multorum generum4post generum hab. sicut in antehabitis diximus AM. est5est ante generum hab. AM.. Et conveniunt cum animalibus in motu contractionis et dilatationis. Quaedam earum6eorum AM. immobiles sunt a saxis, et si abrumpantur, a7a om. 1536. radicibus recrescunt8Voir Plin. nat. 9, 149 : […] ex relictis radicibus recrescere in petris [aiunt]. Voir aussi Arist. HA 548 b 17-19 : « Si on l’arrache en la brisant, elle repousse à partir du pied qui reste et se reconstitue » (Louis 1968, 31).. Quaedam autem sunt mobiles de loco ad locum. In turbatis melius vivunt, et in puris aquis putrescunt ; et cibantur9post cibantur add. in 1536. limo et piscibus et ostreis10Voir Plin. nat. 9, 148 : aluntur conchis, pisce, limo..[1491/vue 51]

[2] Dans le livre cité précédemment. [] AM 24, 111 (52)L’ange est un poisson de mer, que les Germains appellent « chienne de mer ». Il est long de cinq pieds, et sa queue d’un pied7Un pied fait 0,2944 m. Cinq pieds font donc environ 1,47 m. Les proportions du squamis d’Albert le Grand sont exactement les mêmes que celles de la squatina de Thomas de Cantimpré.. Caché dans la vase, il tue les poissons par surprise. Il possède en outre une peau si rugueuse qu’on s’en sert, une fois sèche, pour polir le bois et l’ivoire. Son poil est court, noir, semblable aux barbes de l’herbe des foulons, et il est si dur qu’on parvient à peine à le couper avec le fer et l’acier.

[2] In libro ut supra. [] AM 24, 111 (52)Les informations données dans ce paragraphe sur l’ange de mer sont très semblables à celles apportées par Thomas de Cantimpré à propos de la squatina, ch. 84, 4.Scuamis12scuatina AM. est13est post marinus hab. AM. piscis marinus, quem14quam 1491 Prüss1. Germani catulam15catulum AM. maris vocant. Hic16hinc 1536. quinque pedes habet in longum et caudam monopedalem. Hic piscis in limo absconditus improvisos interficit pisces. Cutem etiam17enim AM. habet ita asperam ut ea, cum sicca fuerit, ligna18lingua 1491. et ebora poliantur. Pilus vero ejus brevis est et niger et19et non hab. AM. similis aristis herbae fullonum et adeo durus est ut ferro et calibe vix possit scindi20incidi AM..

[3] Dans le même livre. [] AM 24, 121 (55)Les scinques sont des animaux aquatiques qui nagent dans le Nil et sont semblables par leur aspect aux crocodiles ; mais ils sont beaucoup plus petits et plus ramassés. Un breuvage qui a été préparé avec leur chair annihile l’effet d’un poison8Sur les vertus du scincus, utilisé comme antidote, voir aussi Plin. nat. 28, 120.. Ils annoncent également les tempêtes quand, entrant dans leur logis, ils dégagent l’entrée du côté opposé à celui du vent qui doit souffler, et bouchent avec le panache de leur queue l’autre ouverture, qui fait face au vent.

[3] In eodem libro. [] AM 24, 121 (55)Scinti21scinci AM. animalia sunt aquatica in Nilo natantia, cocodrillis22crocodilis 1536. figura23figura non hab. AM. similia, sed sunt multum24multo AM. minora et contractiora. Horum carnibus infecta pocula vim veneni extinguunt. Praenuntiant etiam tempestates, antra sua intrantia25arantia 1491 Prüss1 1536. et ostium ab opposito ejus venti qui flaturus est aperientia et cauda villosa26post villosa hab. quam habent AM. aliud27aliud non hab. AM. foramen, quod ad ventum respicit, obturantia28obturantis 1491 Prüss1 obturantes 1536..

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1L’éponge (Spongia Linné, 1758) est un organisme simple (ne comptant que deux couches de cellules) dont, paradoxalement, le mode de fonctionnement biologique est généralement mal connu. Certaines observations mentionnées ici sont néanmoins pertinentes : les éponges ont la capacité, si on les déchire ou les arrache, de se régénérer par réassociation de leurs cellules ; elles sont très sensibles, en revanche, aux variations de salinité, et les déplacer en eau douce les fait mourir. Voir De Saint-Denis 1947, 108 ; D’Arcy Thompson 1947, 249-250.

2Le nom squamis, de squama, ae, f., qui désigne les écailles, a été attribué à un poisson suite à une mélecture de Plin. nat. 9, 40 ([integuntur] squamis ut pisces, aspera cute ut squatina). Aussi, pour l’identification avec l’ange de mer (Squalus squatina Linné, 1758), voir s. v. Squatina.

3Le scinque (Scincus scincus Linné, 1758) est un reptile, apparenté aux sauriens et doté de capacités natatoires. Le dictionnaire de Du Cange (1883-1887) donne à scincus le sens de « crocodile terrestre » (s. v.). Cependant, la notice d’Albert le Grand (AM 24, 121 (55)), reprise par l’Hortus sanitatis, résulte de la contamination de deux phrases de Pline, d’après Kitchell & Resnick 1999, 1701, n. 298 : la première établit une comparaison avec le crocodile (Plin. nat. 8, 91 : Similis crocodilo, sed minor etiam ichneumone, est in Nilo natus scincos, « Il naît aussi dans le Nil un animal semblable au crocodile, mais plus petit même que l’ichneumon, le scinque »), mais la seconde, tout à fait inattendue, se réfère à l’écureuil ! (Plin. nat. 8, 138 : Prouident tempestatem et sciuri, obturatisque qua spiraturus est uentus cauernis, ex alia parte aperiunt fores, « Les écureuils, de leur côté, prévoient la tempête, et bouchant leurs trous du côté où le vent va souffler, ils ouvrent une porte dans un autre sens »). Dans les manuscrits, confondre scinci (les scinques) et sciuri (les écureuils) est très facile.

4Contrairement à ce que croyaient les Anciens (voir par exemple Arist. PA 681 a 10-20), les éponges ne sont pas capables de contractions ni de mouvements.

5Pline (Plin. nat. 9, 149) leur reconnaît la même particularité, mais dans « les endroits ensoleillés » (apricis locis). Il semble que ce soit plutôt l’absence de salinité de l’eau, à laquelle elles sont très sensibles, qui soit à l’origine de ce phénomène.

6Elles se nourrissent par filtration. Elles peuvent se développer autour d’une coquille de mollusque, ce qui a pu suggérer que celui-ci a été consommé.

7Un pied fait 0,2944 m. Cinq pieds font donc environ 1,47 m. Les proportions du squamis d’Albert le Grand sont exactement les mêmes que celles de la squatina de Thomas de Cantimpré.

8Sur les vertus du scincus, utilisé comme antidote, voir aussi Plin. nat. 28, 120.

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1caput 86 1536.

2squamis 1536 ut semper.

3scinthi 1536 ut semper.

4post generum hab. sicut in antehabitis diximus AM.

5est ante generum hab. AM.

6eorum AM.

7a om. 1536.

8Voir Plin. nat. 9, 149 : […] ex relictis radicibus recrescere in petris [aiunt]. Voir aussi Arist. HA 548 b 17-19 : « Si on l’arrache en la brisant, elle repousse à partir du pied qui reste et se reconstitue » (Louis 1968, 31).

9post cibantur add. in 1536.

10Voir Plin. nat. 9, 148 : aluntur conchis, pisce, limo.

11Les informations données dans ce paragraphe sur l’ange de mer sont très semblables à celles apportées par Thomas de Cantimpré à propos de la squatina, ch. 84, 4.

12scuatina AM.

13est post marinus hab. AM.

14quam 1491 Prüss1.

15catulum AM.

16hinc 1536.

17enim AM.

18lingua 1491.

19et non hab. AM.

20incidi AM.

21scinci AM.

22crocodilis 1536.

23figura non hab. AM.

24multo AM.

25arantia 1491 Prüss1 1536.

26post villosa hab. quam habent AM.

27aliud non hab. AM.

28obturantis 1491 Prüss1 obturantes 1536.

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